Le monsieur au parapluie | Page 5

Jules Moinaux
de leurs nouvelles.
--Elles vont tr��s bien, merci. Montez donc, vous allez les trouver; ma fille ��tudie son piano.
--Si j'avais le temps, ?a serait avec grand plaisir.
--Eh bien, je vous enverrai une invitation pour ma prochaine soir��e; vous y entendrez des c��l��brit��s qu'on ne voit que chez moi.
Car c'��tait une affaire entendue: on n'avait nulle part que dans la famille Jujube les artistes, po��tes et savants dont elle r��galait ses invit��s: un amateur chantait-il une chansonnette comique, il ne fallait pas le comparer �� Berthelier ou �� Paulus qui ��taient des grotesques; l'amateur, lui, disait les m��mes choses, mais avec une distinction, un bon go?t ignor�� de ces artistes, amusants sans doute, mais dont la fa?on de dire choque les personnes de vraiment bonne compagnie.
En r��sum��, on aurait difficilement trouv�� des gens aussi satisfaits d'eux-m��mes que l'��taient monsieur, madame et mademoiselle Jujube.
--De quel c?t�� allez-vous, cher ma?tre? demanda Marocain.
--?a m'est ��gal, je ne vais nulle part; pourquoi? Ah! vous n'ayez pas de parapluie? Eh bien, je vais vous reconduire.
Marocain accepta avec d'autant plus d'empressement qu'il attendait l'offre.
--C'est que, dit-il, je vais un peu loin, rue du Bac.
--Rue du Bac, soit; seulement je vous demanderai la permission de faire le tour par le Palais de Justice.
Le tour ��tait long, mais il y avait un poste de garde r��publicaine d'un c?t��, un factionnaire de pompiers de l'autre, et notre l��gionnaire aurait deux fois les honneurs du port d'arme en passant d'un trottoir sur l'autre; cela retardait Marocain, mais mieux valait encore, pour lui, accepter que rester �� attendre la fin probl��matique de l'averse. Il prit donc le bras de Jujube et tous deux sortirent plus ou moins abrit��s par le parapluie partag��.
Bengali sortait �� ce moment de la loge, arm��, lui aussi, d'un parapluie qu'il y avait trouv��.--Oh! dit-il, en l'examinant, pas fameux, le riflard.
Il l'ouvrit et constata les coupures faites �� la soie par la monture de baleine.
--Ah! quel chien de temps! dit en entrant pr��cipitamment un jeune homme �� la figure candide; et, levant les yeux vers un ��tage de la maison, il poussa un soupir et dit:--Bien s?r, elle ne sortira pas d'un temps pareil... �� moins qu'elle ne soit sortie avant l'orage avec madame sa m��re.... Je vais m'informer.
Il se dirigea vers la loge sur le seuil de laquelle Bengali examinait le parapluie.
--C'est �� monsieur le concierge que j'ai l'honneur de parler? demanda-t-il.
Bengali regarda son interlocuteur d'un air courrouc��, mais en voyant les yeux ronds de celui-ci, sa bouche b��ante et sa grosse face rougeaude, il r��pondit en souriant:--Le concierge? Non, monsieur, je n'ai pas cet honneur; je le regrette pour la fa?on respectueuse dont vous vous adressiez au titulaire de cette loge, lequel, d'ailleurs, est un ours parfaitement mal l��ch��; mais si je puis vous donner le renseignement que vous vouliez lui demander, j'en serai, croyez-le, particuli��rement heureux.
--Ah! c'est vous qui gardez la loge, en l'absence du concierge? Alors, permettez-moi de vous offrir....
Et notre jeune homme plongea ses doigts dans la poche de son gilet.
--De la corruption! s'��cria Bengali en feignant l'indignation, vous voulez me corrompre?
--Oh! je suis d��sol��, mon cher monsieur, absolument d��sol��.... Je... croyais... pardonnez-moi... je perds la t��te.
--Oh! ne faites pas cela, jeune homme, gardez votre t��te, croyez-moi; vous ne retrouveriez pas la pareille. Maintenant, je suis tout �� vous, mais �� l'oeil, ne l'oubliez pas.
--Oui, monsieur, voil�� ce que c'est:--Y a-t-il longtemps que vous ��tes l��?
--Je ne vous dirai pas au juste; occup�� �� regarder les mollets qui passent, le temps ne m'a pas paru long.
--Avez-vous vu sortir de cet escalier une dame un peu grosse, blonde?
--Ah! mon gaillard, je vois votre affaire.
--Oh! non, monsieur, vous vous trompez.
--Pourquoi me faites-vous des cachotteries? Je suis indulgent pour les faiblesses du coeur, en ayant, moi-m��me, de fr��quentes.... Allons, voyons, vous ��tes amoureux de la grosse blonde?
--Mais, monsieur, la grosse blonde, c'est la m��re; celle que j'aime, c'est la fille.
--C'est ce que je ferais �� votre place.
--N'est-ce pas, monsieur? et si vous connaissez Athalie....
--Est-ce que vous troublez son sommeil par des r��ves.
--Je l'esp��re, monsieur.
--Moi aussi.
--J'ai m��me r��v�� qu'elle me racontait un songe que je lui avais inspir��; je vais vous le raconter.
--Non, j'aime mieux le songe d'Athalie racont�� par Racine.
--Enfin, l'avez-vous vue sortir? Ah! non, vous l'auriez remarqu��e.
--C'est assez mon habitude. Eh bien, qui vous emp��che de monter chez elle?
--Ce qui m'emp��che, monsieur?... Ses parents ne me connaissent pas.
--Et pourtant, vous connaissez Athalie.
--Pour avoir ��t�� son voisin de table, �� un repas de noces.... Alors nous avons caus�� tout le temps, et puis, quand on a dans��, je l'ai invit��e au moins seize fois.
--Et elle a accept��?
--Pas toutes, parce qu'on l'avait engag��e avant moi, mais elle a ��t�� bien contrari��e; elle m'a appris que son p��re est peintre de portraits, et elle m'a demand�� ce que j'��tais; je lui ai dit que j'��tais ��l��ve en pharmacie: je
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