grande satisfaction de sa femme et de sa fille, jeune personne de vingt ans pour qui il r��vait un mariage, sinon opulent, au moins flatteur pour sa vanit�� et, pour celle de madame Jujube.
La vanit�� de cette famille dont l'ostentation avait �� lutter contre une mis��re relative, et qui voulait repr��senter quand m��me, d?t-on mettre les couverts au Mont-de-Pi��t�� pour donner une soir��e (ce qui, d'ailleurs, ��tait d��j�� arriv��); cette vanit�� se manifestait depuis l'��num��ration de ses relations avec des gens riches ou titr��s, dont on disait, aux amis pauvres: ?Nous n'avons que des connaissances comme cela?, jusqu'�� l'��talage, par la fille, de fausses fleurs port��es par telle dame riche qui, n'en voulant plus pour elle-m��me, les lui avait donn��es, et mademoiselle Jujube de dire aux admiratrices de ces fleurs: ?Elles viennent de telle maison?, la maison renomm��e, bien entendu.
Habile portraitiste, saisissant admirablement la ressemblance tout en sachant corriger un nez difforme, diminuer une bouche trop grande, agrandir des yeux trop petits, dissimuler les sali��res des dames, exag��rer les avantages des hommes, sachant enfin flatter ses mod��les, Jujube s'��tait fait une r��putation de grand artiste, dans la haute bourgeoisie qu'il recevait et chez qui il ��tait re?u. En r��alit��, il ��tait incapable de concevoir et d'ex��cuter une composition; un jour, cependant, l'id��e lui vint de faire un tableau. Il choisit Jeanne d'Arc comme sujet, mais les mod��les co?tent cher: quarante s��ances �� 10 francs chacune, cela fait 400 francs. Heureusement il trouva, dans sa maison, une belle fille qui consentit �� poser si l'artiste voulait la--tirer en portrait.--Le mod��le ��tait une nourrice, il est vrai, il n'en fit pas moins une pucelle d'Orl��ans; c'est m��me ce qu'il y avait de plus original dans son tableau. Le jour o�� il fut termin��, notre artiste changea ses cartes de visite et fit mettre, sur les nouvelles: Jujub��s, peintre d'histoire. Il exposa, dans son salon, sa toile, magnifiquement encadr��e, donna une grande soir��e �� laquelle il invita tous ses amis et connaissances; on qualifia la Jeanne d'Arc de chef d'oeuvre, un ami de notre peintre, en relations avec la presse, obtint l'insertion, dans un journal tr��s lu, du compte rendu de la soir��e de l'��minent peintre Jujub��s, y compris le succ��s du tableau, et, �� l'aide de cette r��clame, l'auteur de la Jeanne d'Arc nourrice obtint, �� ses soir��es, le concours de chanteurs et d'instrumentistes �� leurs d��buts, d��sireux de se faire conna?tre. Malheureusement, outre ces artistes aussi pr?n��s par la famille Jujube qu'inconnus du public, on entendait aussi mademoiselle Jujube que, dans l'intimit��, son p��re traitait de grue, de dinde, de buse, et giflait m��me, pour en faire une pianiste, et on entendait aussi des romances compos��es, paroles et musique, par le ma?tre de la maison, qui voulait cumuler tous les talents, y compris l'art du chant; de sorte qu'il faisait entendre ses productions, de sa petite voix aussi gr��le que convaincue. C'��tait l�� le vilain c?t�� des soir��es de la famille Jujube.
Un jour, un monsieur influent dont il avait fait le portrait fut tellement satisfait de la ressemblance, qu'il obtint la d��coration pour son peintre. Jujube faillit en devenir fou et, �� partir de ce jour, il cessa �� peu pr��s compl��tement de travailler. Il partait le matin, rentrait pour d��jeuner, repartait sit?t la derni��re bouch��e aval��e, rentrait d?ner, allait ensuite passer sa soir��e dans un th��atre et, le lendemain, recommen?ait sa promenade; tout cela pour montrer son ruban rouge.
Cependant, sa satisfaction n'��tait pas compl��te. Il ��tait convaincu que dans les rues, au th��atre ou dans les omnibus tout le monde le regardait, mais il avait beau passer devant des factionnaires et tourner vers eux sa boutonni��re enrubann��e, ils ne se mettaient jamais au port d'arme. Il apprit enfin que, depuis les honneurs militaires rendus �� des gar?ons coiffeurs ou des calicots d��cor��s d'un oeillet rouge arrang�� de fa?on �� simuler l'insigne de la L��gion d'honneur, l'autorit�� militaire avait interdit le salut au simple ruban. Voil�� comment Jujube s'��tait attach��, sur la poitrine, une grande croix d'honneur et allait la promener, quelque temps qu'il fit, �� preuve, le jour o�� nous sommes, par une pluie battante.
--Eh! c'est notre grand artiste Jujub��s! s'��cria Marocain, en allant �� lui; car notre vaniteux personnage, �� qui l'encens ne donnait pas la migraine, se laissait donner du grand artiste, comme s'il e?t fait la Transfiguration ou le Naufrage de la M��duse. Et comment allez-vous, cher ma?tre?
--Tr��s bien, merci... et mon ��l��ve?
--Votre....
--Oui, �� qui j'ai appris �� peindre des ��ventails.
--Ah! la filleule de ma femme?
--Mademoiselle Georgette, oui; elle a donc beaucoup de travaux?
--Oh! autant qu'elle en peut faire.
--C'est pour cela sans doute que nous la voyons si rarement; ma fille l'adore et se plaint de ne pas la voir.
--Je le lui dirai, cher ma?tre, et elle va bien, votre demoiselle?... et madame votre ��pouse? donnez-moi donc
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