Le meunier dAngibault | Page 8

George Sand
comprends. Je ne suis pas digne de vous; mais je le deviendrai, car je le veux. Je vais partir pour un long voyage. Ne vous inqui��tez pas de moi, et aimez-moi encore. Dans un an, �� pareil jour, vous recevrez une lettre de moi. Disposez votre vie de mani��re �� ��tre libre de venir me trouver en quelque lieu que je vous appelle. Si vous ne me jugez pas encore assez convertie, vous me donnerez encore un an... un an, deux ans, avec l'esp��rance, c'est presque le bonheur pour deux ��tres qui, depuis si longtemps, s'aiment sans rien esp��rer.?
Elle fit porter ce billet de grand matin. Mais on ne trouva point M. L��mor. Il ��tait parti la veille au soir, on ne savait pour quel pays, ni pour combien de temps. Il avait donn�� cong�� de son modeste logement. On assurait pourtant que la lettre lui parviendrait, parce qu'un de ses amis ��tait charg�� de venir tous les jours retirer sa correspondance pour la lui faire passer.
Deux jours apr��s, madame de Blanchemont avec son fils, une femme de chambre et un domestique, traversait en poste les d��serts de la Sologne.
Arriv��e �� quatre-vingts lieues de Paris, la voyageuse se trouva �� peu pr��s au centre de la France et coucha dans la ville la plus voisine de Blanchemont dans cette direction. Blanchemont ��tait, encore ��loign�� de cinq �� six lieues, et, dans le centre de la France, malgr�� toutes les nouvelles routes ouvertes �� la circulation depuis quelques ann��es, les campagnes ont encore si peu de communication entre elles, qu'�� une courte distance il est difficile d'obtenir des habitants un renseignement certain sur l'int��rieur des terres. Tous savent bien le chemin de la ville ou du district forain o�� leurs affaires les appellent de temps en temps. Mais demandez dans un hameau le chemin de la ferme qui est �� une lieue de l��, c'est tout au plus si on pourra vous le dire. Il y a tant de chemins!... et tous se ressemblent. R��veill��s de grand matin pour disposer le d��part de leur ma?tresse, les domestiques de madame de Blanchemont ne purent donc obtenir ni du ma?tre de l'auberge, ni de ses serviteurs, ni des voyageurs campagnards qui se trouvaient l�� encore �� moiti�� endormis, aucune lumi��re sur la terre de Blanchemont. Personne ne savait pr��cis��ment o�� elle ��tait situ��e. L'un venait de Montlu?on, l'autre connaissait Chateau-Meillant; tous avaient cent fois travers�� Ardentes et La Chatre; mais on ne connaissait de Blanchemont que le nom.
--C'est une terre qui a du rapport, disait l'un, je connais le fermier, mais je n'y ai jamais ��t��. C'est tr��s-loin de chez nous, c'est au moins �� quatre grandes lieues.
--Dame! disait un autre, j'ai vu les boeufs de Blanchemont �� la foire de la Berthenoux, pas plus tard que l'an dernier, et j'ai parl�� �� M. Bricolin, le fermier, comme je vous parle �� cette heure. _Ah oui! ah oui!_ je connais Blanchemont! mais je ne sais pas de quel c?t�� ?a se trouve.
La servante, comme toutes les servantes d'auberge, ne savait rien des environs. Comme toutes les servantes d'auberge, elle ��tait depuis peu de temps dans l'endroit.
La femme de chambre et le domestique, habitu��s �� suivre leur ma?tresse dans de brillantes r��sidences connues �� plus de vingt lieues �� la ronde, et situ��es dans des contr��es civilis��es, commen?aient �� se croire au fond du Sahara. Leurs figures s'allongeaient, et leur amour-propre souffrait cruellement d'avoir �� demander sans succ��s le chemin du chateau qu'ils allaient honorer de leur pr��sence.
--C'est donc une baraque, une tani��re? disait Suzette d'un air de m��pris �� Lapierre.
--C'est le palais des _Corybantes_, r��pondait Lapierre, qui avait ch��ri dans sa jeunesse un m��lodrame �� grand succ��s intitul�� le _Chateau de Corisande_, et qui appliquait ce nom, en l'estropiant, �� toutes les ruines qu'il rencontrait.
Enfin, le gar?on d'��curie fut frapp�� d'un trait de lumi��re.
--J'ai l��-haut dans l'abat-foin, dit-il, un homme qui vous dira ?a, car son m��tier est de courir le pays de jour et de nuit. C'est le Grand-Louis, autrement dit le grand farinier.
--Va pour le grand farinier, dit Lapierre d'un air majestueux, il para?t que sa chambre �� coucher est au bout de l'��chelle?
Le grand farinier descendit de son grenier en tiraillant et en faisant craquer ses grands bras et ses grandes jambes. En voyant cette structure athl��tique et cette figure d��cid��e, Lapierre quitta son ton de grand seigneur fac��tieux et l'interrogea avec politesse. Le farinier ��tait, en effet, des mieux renseign��s; mais, aux ��claircissements qu'il donna, Suzette jugea n��cessaire de l'introduire aupr��s de madame de Blanchemont, qui prenait son chocolat dans la salle avec le petit ��douard, et qui, loin de partager la consternation de ses gens, se r��jouissait d'apprendre d'eux que Blanchemont ��tait un pays perdu et quasi introuvable.
L'��chantillon du terroir qui se pr��sentait en cet instant devant Marcelle
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