Le juif errant - Tome II | Page 5

Eugène Süe
de son abdomen; ses deux mains, dont l'une tenait une grosse canne _au port d'arme, _��taient allong��es dans les vastes poches de ce v��tement. Au moment o�� il s'avan?ait sur le seuil de la boutique, sans doute pour interroger la porti��re, il aper?ut Rose-Pompon.
-- Comment! ma pupille d��j�� lev��e!... ?a se trouve bien!... moi qui venais pour la b��nir au lever de l'aurore!
Et Nini-Moulin s'avan?a, les bras ouverts, �� l'encontre de Rose- Pompon qui recula d'un pas.
-- Comment! enfant ingrat... reprit l'��crivain religieux, vous refusez mon accolade matinale et paternelle?
-- Je n'accepte d'accolades paternelles que de Phil��mon... J'ai re?u hier une lettre de lui avec un petit baril de raisin��, deux oies, une cruche de ratafia de famille et une anguille. Hein! voil�� un pr��sent ridicule! J'ai gard�� le ratafia de famille et j'ai troqu�� le reste pour deux amours de pigeons vivants que j'ai install��s dans le cabinet de Phil��mon, ce qui me fait un petit colombier bien gentil. Du reste, _mon ��poux _arrive avec sept cents francs qu'il a demand��s �� sa respectable famille sous le pr��texte d'apprendre la basse, le cornet �� pistons et le porte- voix, afin de s��duire en soci��t�� et de faire un mariage... chicandard... comme vous dites, bon sujet.
-- Eh bien, ma pupille ch��rie! nous pourrons d��guster le ratafia de famille et festoyer en attendant Phil��mon et ses sept cents francs.
Ce disant, Nini-Moulin frappa sur les poches de son gilet, qui rendirent un son m��tallique et il ajouta:
-- Je venais vous proposer d'embellir ma vie aujourd'hui et m��me demain, et m��me apr��s demain, si le coeur vous en dit...
-- Si c'est des amusements d��cents et paternels, mon coeur ne dit pas non.
-- Soyez tranquille, je serai pour vous un a?eul, un bisa?eul, un portrait de famille... Voyons, promenade, d?ner, spectacle, bal costum��, et souper ensuite, ?a vous va-t-il?
-- �� condition que cette pauvre C��physe en sera. ?a la distraira.
-- Va pour C��physe.
-- Ah ?a, vous avez donc fait un h��ritage, gros ap?tre?
-- Mieux que cela, ? la plus rose de toutes les Rose-Pompon... Je suis r��dacteur en chef d'un journal religieux... Et comme il faut de la tenue dans cette respectable boutique, je demande tous les mois un mois d'avance et trois jours de libert��; �� cette condition-l��, je consens �� faire le saint pendant vingt-sept jours sur trente, et �� ��tre grave et assommant comme le journal.
-- Un journal, vous? En voil�� un qui sera dr?le, et qui dansera tout seul, sur les tables des caf��s, des pas d��fendus.
-- Oui, il sera dr?le, mais pas pour tout le monde! Ce sont tous sacristains cossus qui font les frais... ils ne regardent pas �� l'argent, pourvu que le journal morde, d��chire, br?le, broie, extermine et assassine... Parole d'honneur! je n'aurai jamais ��t�� plus forcen��, ajouta Nini-Moulin en riant d'un gros rire; j'arroserai les blessures toutes vives avec mon venin _premier cru _ou avec mon fiel _grrrrand mousseux!!!_
Et, pour p��roraison, Nini-Moulin imita le bruit que fait en sautant le bouchon d'une bouteille de vin de Champagne, ce qui fit beaucoup rire Rose-Pompon.
-- Et comment s'appelle-t-il, votre journal de sacristains? reprit-elle.
-- Il s'appelle _l'Amour du prochain._
_-- _�� la bonne heure! voil�� un joli nom!
-- Attendez donc, il en a un second.
-- Voyons le second. _L'Amour du prochain, ou l'Exterminateur des incr��dules, des indiff��rents, des ti��des et autres; _avec cette ��pigraphe du grand Bossuet: _Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous._
_-- _C'est aussi ce que dit toujours Phil��mon dans ses batailles �� la Chaumi��re en faisant le moulinet.
-- Ce qui prouve que le g��nie de l'aigle de Meaux est universel. Je ne lui reproche qu'une chose, c'est d'avoir ��t�� jaloux de Moli��re.
-- Bah! jalousie d'acteur, dit Rose-Pompon.
-- M��chante!... reprit Nini-Moulin en la mena?ant du doigt.
-- Ah ?a, vous allez donc exterminer Mme de Sainte-Colombe... car elle est un peu ti��de, celle-l��... et votre mariage?
-- Mon journal le sert au contraire. Pensez donc! r��dacteur en chef... c'est une position superbe; les sacristains me pr?nent, me poussent, me soutiennent, me b��nissent. J'empaume la Sainte- Colombe... et alors une vie... une vie �� mort!
�� ce moment, un facteur entra dans la boutique et remit une lettre �� la fruiti��re en disant:
-- Pour M. Charlemagne... Affranchie... rien �� payer.
-- Tiens, dit Rose-Pompon, c'est pour le petit vieux si myst��rieux, qui a des allures si extraordinaires. Est-ce que cela vient de loin?...
-- Je crois bien, ?a vient d'Italie, de Rome, dit Nini-Moulin en regardant �� son tour la lettre que la fruiti��re tenait �� la main.
-- Ah ?��, ajouta-t-il, qu'est-ce donc que cet ��tonnant petit vieux dont vous parlez?
-- Figurez-vous, mon gros ap?tre, dit Rose-Pompon, un vieux bonhomme qui a deux chambres au fond de la cour; il n'y couche jamais, et il vient s'y renfermer de temps en temps pendant des heures sans laisser monter personne chez
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