Le grillon du foyer | Page 8

Charles Dickens
dit Caleb. C'est pour
cela que je suis venu, mais ma tête est si occupée d'arches et d'autres
choses! N'est-il pas venu?
- Non, répondit le voiturier. Il est trop occupé, il va se marier.
-- Cependant il viendra, dit Caleb; car il m'a dit de suivre la route qui
mène chez moi; il y aurait dix contre un à parier qu'il me rencontrerait.
Je ferais donc bien de m'en aller. Auriez vous la bonté, madame, de me
laisser pincer la queue de Boxer un instant?
-- Pourquoi donc, Caleb? belle demande!
-- N'y faites pas attention, dit le petit homme; Il est possible que cela ne
lui plaise pas; mais j'ai reçu une petite commande de chiens jappant, et
je voudrais essayer d'imiter la nature de mon mieux pour six pence.
Voilà tout.
Heureusement, Boxer se mit à aboyer sans attendre le stimulant. Mais il
annonçait l'approche d'un nouveau visiteur, Caleb renvoya son
expérience à un meilleur moment, mit la boîte ronde sur son épaule et
se hâta de prendre congé. Il aurait pu s'en épargner la peine, car il
rencontra le visiteur sur le pas de la porte.

-- Oh! Vous êtes ici, vous? Attendez un moment je vous emmènerai
chez moi. John Peerybingle, je vous présente mes devoirs. Je les
présente à votre charmante femme. Elle embellit de jour en jour, et elle
rajeunit, ce qui n'est pas le plus beau de l'histoire.
-- Je serais surprise de votre compliment, M. Tackleton, dit Dot avec
assez peu de bonne grâce, si je ne savais pas quelle en est la cause.
-- Vous la savez donc?
-- Je le crois, du moins, dit Dot.
-- Ce n'a pas été sans peine, je suppose.
-- C'est vrai.
Tackleton, le marchand de joujoux, connu sous le nom de Gruff et
Tackleton, son ancienne maison de commerce quand il avait pour
associé Gruff, Gruff le rébarbatif, Tackleton, était un homme dont la
vocation avait été tout à fait incomprise de ses parents et de ses tuteurs.
S'ils en avaient fait un prêteur d'argent, un procureur, un recors, il aurait
jeté dans sa jeunesse sa gourme de mauvais sentiments, et après avoir
fait beaucoup d'affaires louches, il aurait pu devenir aimable, ne fût-ce
que par amour de la nouveauté et du changement. Mais rivé à la
profession de fabricant de joujoux, il était devenu un ogre domestique,
qui avait passé toute sa vie à s'occuper des enfants, et était leur
implacable ennemi. Il méprisait tous les joujoux; il n'en aurait pas
acheté pour tout au monde. Dans sa malice, il se plaisait à donner
l'expression la plus grimaçante aux fermiers qui conduisaient les
cochons au marché, au crieur public qui recherchait les consciences de
procureurs perdues, aux vieilles femmes qui raccommodaient des bas
ou qui découpaient un pâté, et autres personnages qui composaient son
fond de boutique; son esprit jouissait, quand il faisait des vampires, des
diables à ressorts enfoncés dans une boîte, destinés à faire peur aux
enfants. C'était son seul plaisir, et il se montrait grand dans ces
inventions. C'était un délice pour lui que d'inventer un croquemitaine
ou un sorcier. Il avait mangé de l'argent pour faire fabriquer des verres
de lanterne magique où le démon était représenté sous la forme d'un
homard à figure humaine. Il en avait aussi perdu à faire faire des géants
hideux. Il n'était pas peintre, mais avec un morceau de craie il indiquait
à ses artistes par un simple trait, le moyen d'enlaidir la physionomie de
ces monstres, qui étaient capables de troubler l'imagination des enfants
de dix à douze ans pendant toutes leurs vacances.

Ce qu'il était pour les joujoux, il l'était, comme la plupart des hommes,
pour toutes les autres choses. Vous pouvez donc supposer aisément que
la grande capote verte qui descendait jusqu'au mollet, et qui était
boutonnée jusqu'au menton, enveloppait un compagnon fort peu
agréable.
Et pourtant, Tackleton le marchand de joujoux allait se marier; oui il
allait se marier en dépit de tout cela, et il allait épouser une femme
jeune et jolie.
Il n'avait pas du tout la mine d'un fiancé, dans la cuisine du voiturier,
avec sa figure sèche, sa taille ficelée dans sa redingote, son chapeau
rabattu sur le nez, ses mains fourrées au fond de ses poches, son oeil
ricaneur où semblait s'être concentrée toute la noirceur de nombre de
corbeaux. Pourtant il allait se marier.
-- Dans trois jours, jeudi prochain, le dernier jour du premier mois de
l'année, ce sera mon jour de noce, dit Tackleton.
Ai-je dit qu'il avait toujours un oeil grand ouvert, et l'autre presque
fermé, et que l'oeil presque fermé était le plus expressif? Je ne crois pas
l'avoir dit.
-- C'est mon jour de noce, dit Tackleton en faisant sonner son argent.
-- C'est aussi le nôtre, s'écria le
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