Le gorille | Page 8

Oscar Méténier
vous demandais...
--Ah! oui! s'il vendait sa femme pour combler un d��ficit? Si un galant homme sauverait sa barque ou son huit-ressorts �� point nomm��? ��coutez bien ceci, Charaintru: je ne sais pourquoi vous m'avez choisi pour confident �� propos des op��rations d'un homme qui n'a jamais ��t�� pour moi que le guichet vitr�� et grill�� d'une caisse plus ou moins publique. Si vous avez fait la cour �� sa femme, comme vous le donniez, l'autre soir, �� entendre, en appelant Berwick le petit noir, vous savez �� vos d��pens �� quoi vous en tenir sur la vertu de cette dame? Et alors, pourquoi m'interrogez-vous? Si vous avez des fonds chez ce banquier, retirez-les! Je n'en sais pas davantage.
Hercule ��coutait Paul avec une s��rieuse attention; mais doutant encore de l'ignorance dans laquelle Paul se drapait avec tant de tranquillit�� apparente, il ajouta:
--Mais enfin, vous, monsieur de Breuilly, si vous aviez �� cette heure des fonds chez Berwick, les retireriez-vous?
Ici Paul eut une minute d'h��sitation. S'il croyait �� la vertu de Mme Berwick, il ��tait cruellement ��difi�� sans doute sur l'actif et sur la probit�� du mari. Il retarda sa r��ponse en adressant �� Charaintru cette question:
--Somme toute, que vous doit Berwick?
--Cent cinquante mille francs! R��pliqua le petit vicomte sans h��siter.
Paul se releva, marcha dans le salon comme s'il se livrait en lui un combat terrible, et il finit par dire �� Hercule:
--Berwick est bon pour vos cent cinquante mille francs.

IV
Paul de Breuilly donna �� d?ner au petit vicomte, comme si de rien n'��tait. Blanche, qui ignorait la conversation qui avait pr��c��d�� le d?ner, fut presque enjou��e. Il vint, dans la soir��e, plusieurs personnes. Il y e?t une table de whist o�� Paul prit place. Mme de Breuilly eut un assez long apart�� avec Charaintru. Mais, bien que Paul se d��fiat de la sotte langue d'Hercule, il s'��tait assur�� de son silence en lui demandant sa parole d'honneur de laisser les Berwick de c?t�� dans ses causeries de ce soir-l��, et le petit vicomte ��tant bien vicomte en ceci, qu'il savait tenir sa parole.
Cependant, �� un chasse-crois�� dans la partie de whist, Paul, ayant quitt�� son fauteuil, vint aupr��s du divan o�� Blanche causait avec Hercule.
--Le vicomte me parlait de vous, mon ami, r��pliqua Blanche; il me conviait �� lui dire s'il serait accueilli en vous faisant une amicale proposition qu'il m'a expos��e en d��tail.
--Et laquelle? demanda Paul en serrant l��g��rement le bras d'Hercule.
--Je prie madame de conserver la parole pour vous exposer ce dont il s'agit. Elle s'en acquittera mieux que moi.
--Mon Dieu, reprit Blanche, cela n'est pas d'une complication extr��me, M. de Charaintru a, para?t-il, un cheval anglais dont la taille (c'est le vicomte qui parle) correspond mieux �� la v?tre qu'�� la sienne. De plus, il s'est ��pris d'un double poney ... sans grand usage chez nous, depuis que...
--Oui, interrompit Paul, qui voulait dispenser Mme de Breuilly de prononcer le nom de son fils mort. Et alors Hercule r��verait un ��change?
--Avec toutes les compensations voulues! ajouta aussit?t le petit vicomte d'un ton courtois.
--Cela se trouve merveilleusement bien, reprit Paul sans sourciller: je veux r��former mon ��curie. Je ne puis donc point acqu��rir votre anglais; mais, au prix qui vous conviendra, mon double poney est �� vous.
Blanche ne s'��tait nullement attendue �� un accord aussi prompt, sachant que Paul gardait le poney en souvenir du pauvre Fran?ois. Et puis ce mot: r��former mon ��curie, indiquait des r��solutions qu'elle n'avait pas soup?onn��es.
--Voulez-vous aussi notre Clarence, insista M. de Breuilly. Vous pourrez y atteler votre anglais, s'il est �� deux fins.
--Je r��fl��chirai �� cela, repartit Hercule, presque aussi surpris de cette liquidation de la remise que Blanche de la liquidation de l'��curie.
Puis les groupes du salon se form��rent autrement. Hercule alla s'asseoir au whist, et Blanche, tout en causant avec deux dames de ses amies, sonna pour le th��.
A onze heures et demie, il n'y avait plus personne dans le salon de la rue de Verneuil; Blanche se faisait d��shabiller par sa femme de chambre, et Paul, retir�� dans son cabinet, se mettait �� compulser des papiers et �� couvrir de chiffres plusieurs pages.
Le lendemain matin, quand Blanche s'��veilla, le poney de son fils ��tait d��j�� emmen�� par le palefrenier chez le petit vicomte, sur l'ordre de Paul, qui, par cette attention d��licate, ��vita �� la pauvre m��re le chagrin de voir partir, et peut-��tre la fantaisie de caresser une derni��re fois le cheval que Fran?ois avait aim�� et mont��.
Ce fut ensuite sans aucune solennit�� et du ton uni et affectueux dont les gens courageux savent parler d'une grande catastrophe �� ceux qu'ils ch��rissent, ce fut, en un mot, avec la bonne humeur d'un ancien soldat que Paul dit �� sa femme:
--Eh bien! ma ch��re, il faut nous pr��parer �� un petit sacrifice purement mondain. Il n'est qu'heur et malheur ici-bas! Bienheureux
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