Le gorille | Page 9

Oscar Méténier
sommes-nous encore, vous et moi, puisqu'il n'y va que de la caisse! Je connais votre grand coeur et votre excellent esprit, et je dois vous avouer que nous sommes d��cid��ment ... un peu ruin��s! Je n'ai que faire de vous dire que je n'ai point perdu au jeu, puisque je ne joue point. Je ne suis d'aucun cercle et je ne vais jamais �� la Bourse. Quoi qu'il en soit, j'ai perdu et pas mal perdu! Rassurez-vous: votre dot est intacte! Du reste, voici les chiffres...
Et, tirant de son portefeuille une petite note, Paul lut ce qui suit:
--Cet h?tel vaut cent cinquante mille francs, au prix, faible toujours, d'une r��alisation imm��diate. Il y a ici cinquante mille francs de tableaux et de mobilier. Mes chevaux et ma voiture repr��sentent, au bas mot, vingt mille francs. Et il me faut 300,000 francs en chiffres ronds pour boucher un trou qui n'a ��t�� creus�� ni par mon incurie, ni par mon imprudence. Ma fortune y passera, mais vous voyez que cela n'effleure en rien le patrimoine qui vous est propre et qui est plac�� en rentes, car j'aimerais mieux mourir que d'y toucher.
--Mais alors, Paul, il ne vous restera rien? Et comment cela est-il arriv��?
--Eh bien! nous avions de la marge pour vivre et nous n'aurons plus que le n��cessaire; nous en aimerons-nous moins?...
--Tout pour ce mot-l��, Paul! s'��cria l'honn��te et tendre femme en se jetant dans les bras de son mari. Je ne regretterai rien, je ne m'apercevrai de rien. Je te dis, Paul, qu'�� part le deuil qui nous suivra jusqu'�� la tombe, je suis la plus heureuse des femmes avec toi!
--Aussi est-ce sans aucune appr��hension, ma ch��re Blanche, que je t'avais attendue l��.
--Maintenant, est-il bien s?r que ... ce soit perdu, perdu sans rem��de!
--Oui!
--Vous avez ��t�� tromp��?
--Je voudrais vous r��pondre que non, car j'ai, moi aussi, de l'amour-propre.... Enfin, mettons que j'aie ��t�� tromp��....
--Ah! mais ... o�� allons-nous prendre notre retraite?
--J'ai pens��, cette nuit, que peut-��tre il vous agr��erait, comme �� moi, de vous rapprocher des tombes qui nous sont ch��res. Alors ... les Batignolles?... Le cimeti��re Montmartre est tout pr��s de l��.
--Les Batignolles! Pourquoi pas? R��pliqua sans h��siter la comtesse.
--Laisse-moi t'admirer! dit Paul en couvrant de baisers les mains de Blanche.
La liquidation de M. et de Mme de Breuilly fut prompte et cruelle. En voulant r��server les objets auxquels se rattachaient de pr��cieux souvenirs, Paul et Blanche s'aper?urent qu'�� ce compte ils n'abandonneraient aux tapissiers que des banquettes. On attaqua la r��serve en fermant les yeux, de peur de s'attendrir, et le mobilier tout entier, sauf les portraits de famille et quelques meubles personnels, y passa. Le poney de Fran?ois ��tait vendu �� Hercule, les deux lits de Fran?ois et de sa soeur, avec les armes du premier et les poup��es de Louise, furent conserv��s comme reliques.
Ces ��motions, sans cesse renaissantes pendant huit jours, firent ployer la taille encore si droite de Paul, comme sous un invisible fardeau. Mais son chagrin n'��tait pas born�� �� l'abandon de son h?tel. Il en avait un autre dont il ne parlait �� personne.
Les Anglais meurent du spleen, qui n'a pas de larmes et qui n'a pas d'objet. Les Allemands ne connaissent en g��n��ral, de la douleur, que les phrases �� effet et les libations posthumes. Seuls, les Fran?ais, qui passent pour l��gers, peuvent devenir fous de chagrin ou en mourir.
Le logis que Paul de Breuilly loua aux Batignolles, apr��s avoir vendu le petit palais de la rue de Verneuil, ��tait situ�� rue de la Condamine. C'��tait un modeste rez-de-chauss��e, sur un perron de dix marches, entre cour et jardin. Le jardinet, au midi, s��par��, par ses murs d'espaliers, des jardins du voisinage; la cour, au nord, ayant un puits, un poulailler et des plantes grimpantes.
Les lits des enfants, dans deux jolies mansardes, demeur��rent faits, comme si ces ��tres si chers ��taient attendus. Les divers souvenirs qui restaient d'eux furent group��s �� leur chevet: des nippes, des jouets, des cheveux coup��s �� diff��rents ages, sur des t��tes blondes ou brunes, et enchass��s dans des m��daillons, au-dessous de photographies.
Le matin, en se levant, Paul s'occupait avant tout de Blanche, la grondait amicalement s'il lui trouvait les yeux rougis par l'insomnie ou par les pleurs. Puis, apr��s un d��jeuner frugal, il s'occupait du jardin.
Une servante unique avait remplac�� chez le comte cinq ou six domestiques. D��s que la maisonnette ��tait en ordre, Paul et Blanche, dans deux pi��ces contigu?s, s��par��es seulement par une porte ouverte o�� flottait un lambeau de vieille tapisserie de Beauvais, essayaient de s'int��resser �� quelque travail. Paul s'occupait des livres en petit nombre dont il n'avait pas consenti �� se s��parer, Blanche brodait ou le plus souvent raccommodait elle-m��me le linge de la famille. Le soir, la musique rapprochait aussi les deux ��poux, qui s'��taient ordonn�� �� eux-m��mes de faire
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