Le gorille | Page 5

Oscar Méténier
Breuilly fit d��railler la causerie, qui roula dans une autre direction.
Quand il fut av��r�� pour elle que Paul sortait �� des heures r��guli��res et qu'il y tenait, et quand elle eut essay�� vainement de lui faire avouer le but de ses sorties, �� tort ou �� raison elle ne douta plus de ce qu'elle appelait ?sa disgrace?.
Jamais, toutefois, Paul n'avait ��t�� plus pr��venant ni plus gracieux; Mais la jalousie, comme l'amour, court �� son projet sans s'inqui��ter Beaucoup de la logique. Un homme qui s'absente sans dire o�� il va trompe n��cessairement sa femme, et s'il en aime une autre, c'est donc qu'il n'aime plus la premi��re?
Il ne s'offrait, pour Blanche, que deux moyens de combattre l'ennemie, puisqu'il y avait n��cessairement une ennemie: ou courir sus et la combattre, ou bien employer ce moyen d��licat et g��n��reux qui consiste �� n��gliger la rivale et �� ramener sur soi seule l'attention et la pr��f��rence, par une incomparable tendresse.
Il ��tait dans les aptitudes de la comtesse, femme sup��rieurement noble d'esprit et de coeur, d'incliner au second parti et de le suivre avec beaucoup d'art et d'opiniatret��. On vit donc alors ce que l'on voit rarement: une m��re en deuil rejeter ses cr��pes et, du recueillement de la vie d��vote, revenir �� la f��brile activit�� de la vie, mondaine, �� commencer par la musique.
Elle se commanda d'��tre belle et aimable, et elle le pouvait encore. Elle se pr��occupa de mille riens, d��laiss��s, oubli��s, et son miroir put lui rendre ce t��moignage: que la plupart des femmes plus jeunes qu'elle ne pouvaient entrer en ligne avec la comtesse de Breuilly.
N'��tant plus une jeune femme, elle fut une femme jeune. Paul y prit garde et l'en f��licita de fa?on �� la payer de ses soins; mais Blanche n'osait attaquer de front cette heure redoutable de ?quatre heures?, �� laquelle Paul disparaissait invariablement; et, quoique se sentant d��j�� plus forte, elle se pr��chait le courage �� elle-m��me, sans parvenir �� se le donner.
Enfin, un jour d'��t��, o�� la beaut�� d'un temps doux, apr��s un orage, conviait les rares Parisiens rest��s �� Paris �� revoir les horizons factices du bois de Boulogne, Blanche eut l'audace de demander �� Paul deux heures de son temps et le tour des lacs.
Il ��tait trois heures et demie. Paul y consentit sans h��siter, et il s'ex��cuta de la meilleure grace.
Ils partirent comme de vieux amants pour le bois, et la promenade se serait accomplie dans toutes les conditions d'un contentement parfait pour Mme de Breuilly si, au point de s��paration des deux lacs, un rien, un pli de rose n'avait rappel�� soudainement Blanche �� ses pr��occupations.

III
Le coup�� de ma?tre qui menait Blanche et Paul dans la direction de Longchamps se trouva un moment retard��, entre les deux lacs, par un embarras de voitures. Il y en eut une qui, par une fausse manoeuvre de son conducteur, faillit frapper en flanc, de sa fl��che d'acier, le si��ge du cocher de M. de Breuilly.
C'��tait un landau bleu, d��couvert et attel�� dans le dernier genre. Une tr��s jeune femme y tr?nait seule. Abrit��e sous une ombrelle doubl��e et bord��e de guipure blanche, l'inconnue, dont la toilette rose et grise, plus aust��re que les modes nouvelles, faisait pourtant valoir une taille svelte et d��licieuse, ne put retenir un l��ger cri en voyant la t��te de ses chevaux se heurter presque �� la lanterne de l'autre voiture. En ce moment, les yeux des trois personnes se rencontr��rent.
Paul porta, comme instinctivement, la main �� son chapeau; pas un muscle de son visage ne tressaillit. La jeune blonde rougit en souriant vaguement, mais elle tourna aussit?t toute son attention sur la dame qui accompagnait M. de Breuilly. Les deux femmes pass��rent ainsi, l'une de l'autre, une de ces revues aupr��s desquelles une inspection militaire n'est qu'un jeu d'enfants. Rien n'��chappa ni �� l'une ni �� l'autre, sur leur age, leur condition, leur toilette, l'expression de leur physionomie.
Blanche acquit la conviction que la belle blonde connaissait M, de Breuilly. Mais, pensa-t-elle, si c'est l�� ma rivale, chaque jour visit��e entre quatre et cinq heures par mon mari, comment l'a-t-il pr��venue de ne pas l'attendre aujourd'hui? Nous sommes partis de la rue de Verneuil avant quatre heures, et Paul ne m'avait pas quitt��e un seul instant! De quel raisonnement a-t-elle conclu que Paul n'irait point, qu'il viendrait ici, qu'elle pourrait le rencontrer et ��changer encore avec lui, faute de mieux, un regard tendre?
--Mon ami, dit Blanche r��solument, vous connaissez cette personne vraiment charmante? Vous pla?t-il de me dire son nom?
--Je ne suis pas l'Almanach Bottin, objecta Paul en souriant.
R��ponse si raisonnable et si parfaitement unie, que Blanche en fut d��sar?onn��e encore une fois. Mais, se ravisant:
--Je n'ai, dit-elle, aucun souvenir de ce visage, du temps o�� j'��tais du monde et o�� j'y allais! Et vous, mon ami?
--Le monde est un
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