qu'elle l'aimait, et ensuite parce que, n'ayant plus que lui, elle tenait �� l'avoir tout entier. Ce r��veil accidentel du violon eut donc des retentissements extraordinaires dans l'h?tel de la rue de Verneuil, o�� habitaient les deux ��poux. Il marquait une crise, une transition.
Mais il fallait que Blanche se d��fin?t �� elle-m��me cette m��tamorphose, car elle ne pouvait dire �� un homme d��sesp��r��ment triste: Vous ��tes donc bien gai aujourd'hui?
Paul modula plusieurs fois une phrase charmante, une phrase unique, Inconnue de Blanche, qui, grande pianiste, croyait avoir, dans la m��moire, toutes les musiques de quelque renom. Le retour de Paul �� la musique ��tonna d'autant plus que son caract��re ��tait plus ��gal. Il ne se reposait jamais d'��tre lui-m��me, parce que cela tenait �� sa nature et ne le fatiguait pas. Les caprices lui ��taient inconnus. De telles gens ne courent point les rues; aussi les hommes, qui l'avaient appr��ci�� dans ses jours heureux, le recherchaient encore. C'est ainsi que, deux fois par semaine, on voyait, arr��t��s �� sa porte, quelques ��quipages du faubourg Saint-Germain.
On venait l�� pour causer comme on ne cause plus gu��re. La tristesse de cet int��rieur n'en avait pas banni ce certain tour d'esprit aimable, qui s'��tait jadis r��fugi�� �� la Conciergerie lorsque la Terreur y avait exil�� le high life du temps.
Ces r��unions autour d'une table �� th�� commen?aient �� neuf heures pour finir �� onze. Par exception, le petit vicomte de Charaintru, qui vivait sans penser, n'��tait pas le moins assidu, bien qu'en gommeux et en d��soeuvr�� qu'il ��tait, il ne p?t trouver personne chez le comte Paul qui ressemblat �� ses habituelles relations; mais Charaintru ��tait capable d'attachement, et il n'��tait pas fach�� de faire ��v��nement dans un milieu o�� on l'��coutait d'autant plus volontiers, qu'il donnait rarement �� ses interlocuteurs la peine de lui r��pondre. Tr��s potinier, il mettait les pieds dans le plat, selon son expression, mais sans malice et assur�� de l'indulgence d'un h?te plus ag�� et tr��s mis��ricordieux comme l'��tait Paul.
Cet enfant terrible de trente-six ans, habitu�� �� rire lui-m��me de son pr��nom d'Hercule, n'avait ��touff�� de sa vie aucun serpent, et quand il ��tait na?vement vip��rin, c'��tait par bavardage et sans noirceur aucune.
Or, il lui arriva de dire un jour, avec une ��tourderie qui semblait enfantine, que Paul avait donn�� �� ses promenades un nouvel itin��raire, puisque Charaintru le voyait tous les jours, entre quatre et cinq, passer sous ses fen��tres de la rue d'Anjou.
--Surveillez-le, Madame, ajouta-t-il, en s'adressant �� Blanche: votre mari est dans l'age critique des hommes, l'age des passions tardives et des incurables amours.
--Voil��, dit Paul avec un sourire imp��n��trable, ce qui s'appelle mettre, d'intention au moins, les pieds dans le plat.
--De ma vie, cher ami, vous le savez du reste, r��pliqua le pygm��e, je n'ai fait autre chose.
--Vous avez pris mon mari pour un autre, dit Blanche; car il va plus souvent au cimeti��re qu'au faubourg Saint-Honor��.
--Je puis, dit Paul, avoir con?u soudainement un amour �� la Des Grieux, pour une ing��nue des Folies-Marigny!
--Non, mon cher, riposta Charaintru, excusez-moi! Les r��p��titions des Folies-Marigny finissent �� trois heures, et, vu la pluie, le caf�� des Ambassadeurs n'ouvrira que dans quinze jours. Enfin, dans mon voisinage, il n'y a pas de bouquinistes pour vous couvrir. Cherchez-vous des nids de corneilles dans les peupliers de l'Elys��e? Pas davantage!
--Arrivons, r��partit Paul, un peu contrari��; nommez, sans attendre, l'objet de ma flamme.
--C'est m'imposer silence, car j'ignore jusqu'�� la premi��re lettre de son nom.
Cependant la comtesse cherchait, sans le trouver, ce que son mari allait faire, chaque jour, �� la m��me heure, rue d'Anjou Saint-Honor��....
---Eh! mon Dieu! continua Charaintru, j'ai failli, moi aussi, avoir un roman dans ma propre rue, circonstance toujours agr��able par un temps de pluie. La jeune dame ��tait fort grande et blonde, approchant comme vous, cher de Breuilly; par contre, le mari ��tait un petit noir, environ comme moi, et qui paraissait mauvais comme la gale (je ne nomme personne!). Voici donc mon petit potin personnel. Commencement....
--Peut-��tre, interjeta Paul, feriez-vous mieux de commencer par la fin.
--Pourquoi? demanda na?vement Hercule.
--Pour abr��ger, riposta le ma?tre de la maison avec une nuance de s��v��rit�� m��contente.
--Vous me troublez, s'��cria Charaintru, comme un enfant interrompu dans la r��citation de sa fable.
--Je demande le d��nouement, r��p��ta Paul d'un ton contenu, mais froid.
--Il n'y a pas eu de d��nouement, dit Hercule.
--Pardon, il y a toujours un d��nouement.
--Fleurs et correspondance anonymes, tout s'est born�� l��!
--Correspondance se dit d'un ��change de lettres. Avez-vous re?u des r��ponses?
--Pas une, r��pondit le petit vicomte avec une franche bonhomie.
--Alors, mon bon, pas de noeud �� l'intrigue. Est-ce tout?
--Oui, dit Charaintru.
--Pas de correspondance? Pas d'intrigue? Ce n'est donc ni un roman, ni m��me un potin! Vous n'avez pas tenu votre promesse, et je vous retire la parole.
Charaintru regarda Blanche, qui regardait son mari.
Il y eut un froid; mais Mme de
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