Le gorille | Page 4

Oscar Méténier
qu'elle l'aimait, et ensuite parce que, n'ayant plus que lui, elle tenait �� l'avoir tout entier. Ce r��veil accidentel du violon eut donc des retentissements extraordinaires dans l'h?tel de la rue de Verneuil, o�� habitaient les deux ��poux. Il marquait une crise, une transition.
Mais il fallait que Blanche se d��fin?t �� elle-m��me cette m��tamorphose, car elle ne pouvait dire �� un homme d��sesp��r��ment triste: Vous ��tes donc bien gai aujourd'hui?
Paul modula plusieurs fois une phrase charmante, une phrase unique, Inconnue de Blanche, qui, grande pianiste, croyait avoir, dans la m��moire, toutes les musiques de quelque renom. Le retour de Paul �� la musique ��tonna d'autant plus que son caract��re ��tait plus ��gal. Il ne se reposait jamais d'��tre lui-m��me, parce que cela tenait �� sa nature et ne le fatiguait pas. Les caprices lui ��taient inconnus. De telles gens ne courent point les rues; aussi les hommes, qui l'avaient appr��ci�� dans ses jours heureux, le recherchaient encore. C'est ainsi que, deux fois par semaine, on voyait, arr��t��s �� sa porte, quelques ��quipages du faubourg Saint-Germain.
On venait l�� pour causer comme on ne cause plus gu��re. La tristesse de cet int��rieur n'en avait pas banni ce certain tour d'esprit aimable, qui s'��tait jadis r��fugi�� �� la Conciergerie lorsque la Terreur y avait exil�� le high life du temps.
Ces r��unions autour d'une table �� th�� commen?aient �� neuf heures pour finir �� onze. Par exception, le petit vicomte de Charaintru, qui vivait sans penser, n'��tait pas le moins assidu, bien qu'en gommeux et en d��soeuvr�� qu'il ��tait, il ne p?t trouver personne chez le comte Paul qui ressemblat �� ses habituelles relations; mais Charaintru ��tait capable d'attachement, et il n'��tait pas fach�� de faire ��v��nement dans un milieu o�� on l'��coutait d'autant plus volontiers, qu'il donnait rarement �� ses interlocuteurs la peine de lui r��pondre. Tr��s potinier, il mettait les pieds dans le plat, selon son expression, mais sans malice et assur�� de l'indulgence d'un h?te plus ag�� et tr��s mis��ricordieux comme l'��tait Paul.
Cet enfant terrible de trente-six ans, habitu�� �� rire lui-m��me de son pr��nom d'Hercule, n'avait ��touff�� de sa vie aucun serpent, et quand il ��tait na?vement vip��rin, c'��tait par bavardage et sans noirceur aucune.
Or, il lui arriva de dire un jour, avec une ��tourderie qui semblait enfantine, que Paul avait donn�� �� ses promenades un nouvel itin��raire, puisque Charaintru le voyait tous les jours, entre quatre et cinq, passer sous ses fen��tres de la rue d'Anjou.
--Surveillez-le, Madame, ajouta-t-il, en s'adressant �� Blanche: votre mari est dans l'age critique des hommes, l'age des passions tardives et des incurables amours.
--Voil��, dit Paul avec un sourire imp��n��trable, ce qui s'appelle mettre, d'intention au moins, les pieds dans le plat.
--De ma vie, cher ami, vous le savez du reste, r��pliqua le pygm��e, je n'ai fait autre chose.
--Vous avez pris mon mari pour un autre, dit Blanche; car il va plus souvent au cimeti��re qu'au faubourg Saint-Honor��.
--Je puis, dit Paul, avoir con?u soudainement un amour �� la Des Grieux, pour une ing��nue des Folies-Marigny!
--Non, mon cher, riposta Charaintru, excusez-moi! Les r��p��titions des Folies-Marigny finissent �� trois heures, et, vu la pluie, le caf�� des Ambassadeurs n'ouvrira que dans quinze jours. Enfin, dans mon voisinage, il n'y a pas de bouquinistes pour vous couvrir. Cherchez-vous des nids de corneilles dans les peupliers de l'Elys��e? Pas davantage!
--Arrivons, r��partit Paul, un peu contrari��; nommez, sans attendre, l'objet de ma flamme.
--C'est m'imposer silence, car j'ignore jusqu'�� la premi��re lettre de son nom.
Cependant la comtesse cherchait, sans le trouver, ce que son mari allait faire, chaque jour, �� la m��me heure, rue d'Anjou Saint-Honor��....
---Eh! mon Dieu! continua Charaintru, j'ai failli, moi aussi, avoir un roman dans ma propre rue, circonstance toujours agr��able par un temps de pluie. La jeune dame ��tait fort grande et blonde, approchant comme vous, cher de Breuilly; par contre, le mari ��tait un petit noir, environ comme moi, et qui paraissait mauvais comme la gale (je ne nomme personne!). Voici donc mon petit potin personnel. Commencement....
--Peut-��tre, interjeta Paul, feriez-vous mieux de commencer par la fin.
--Pourquoi? demanda na?vement Hercule.
--Pour abr��ger, riposta le ma?tre de la maison avec une nuance de s��v��rit�� m��contente.
--Vous me troublez, s'��cria Charaintru, comme un enfant interrompu dans la r��citation de sa fable.
--Je demande le d��nouement, r��p��ta Paul d'un ton contenu, mais froid.
--Il n'y a pas eu de d��nouement, dit Hercule.
--Pardon, il y a toujours un d��nouement.
--Fleurs et correspondance anonymes, tout s'est born�� l��!
--Correspondance se dit d'un ��change de lettres. Avez-vous re?u des r��ponses?
--Pas une, r��pondit le petit vicomte avec une franche bonhomie.
--Alors, mon bon, pas de noeud �� l'intrigue. Est-ce tout?
--Oui, dit Charaintru.
--Pas de correspondance? Pas d'intrigue? Ce n'est donc ni un roman, ni m��me un potin! Vous n'avez pas tenu votre promesse, et je vous retire la parole.
Charaintru regarda Blanche, qui regardait son mari.
Il y eut un froid; mais Mme de
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 50
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.