Le gorille | Page 2

Oscar Méténier
��bauch��e sur un roc o�� l'on n'arrivait qu'en grimpant aux arbres. Le gorille lui apportait des fruits; mais, la voyant agoniser toujours et refuser toute nourriture, il prit son parti: il la chargea de nouveau, et sans plus songer �� sa lubricit��, il reporta Esther �� l'endroit o�� il l'avait surprise et o�� nous venions de la retrouver.
Pour un gorille, il fit l�� quelque chose approchant du sublime; pour nous, il se d��signait �� notre vengeance. Elle fut terrible.
Le r��cit d'Adrien avait couvert de sueur le front de Paul de Breuilly.
--Savez-vous qu'il y a des gorilles ailleurs que dans les for��ts du Gabon? dit-il �� ses amis; seulement ils sont plus impitoyables! Mais pardon, Adrien, de t'avoir interrompu. Poursuis. La vengeance, dis-tu, fut terrible? Savourons un peu cette vengeance.
--Voici, dit Adrien. Je laissai miss Esther entour��e des soins de sa famille, et je repartis pour les bois. Je n'avais avec moi que trois compagnons: un matelot fran?ais, un soldat anglais, un petit pointer, mon vieux compagnon de chasse; peu de vivres, des fusils de choix, des munitions excellentes. Quant au chien, il avait son admirable instinct et une ob��issance inconnue chez les hommes. Bref, nous d��couvr?mes enfin la retraite du gorille, vieux solitaire qui avait ��lu domicile �� une lieue de la plaine, dans l'endroit escarp�� dont je vous ai dit un mot.
Il vivait de rapines, et il avait ��trangl�� plus d'une n��gresse sans que personne s'en f?t ��mu autant que de la disparition de miss Esther.
Surpris dans son fort, il ne chercha nullement �� fuir. Quand il nous vit, non sans ��tonnement, parvenus de trois c?t��s diff��rents sur son aire rocailleuse, le poil de son col se h��rissa, ses narines se dilat��rent et, faisant entendre un cri de guerre aussi rauque qu'une trompette marine, ce lutteur, qui attaquait les panth��res, sembla choisir qui de nous trois il ��gorgerait le premier.
Une premi��re balle envoy��e par le matelot fran?ais le toucha au dos, mais ne fit que lui effleurer l'omoplate. Il se retourna et, d'un bond prodigieux, se trouva �� port��e de mordre le canon du fusil et de le casser entre ses dents comme un sucre d'orge.
L'Anglais tira. J'ajustai aussi, mais je tremblais d'atteindre le matelot. En peu de temps, grace �� nos revolvers, le gorille re?ut une averse de balles.
Les reins bris��s, il faisait t��te encore, hurlait, bataillait. Il nous aurait ��charp��s, broy��s, malgr�� ses blessures, si une derni��re balle que je lui logeai dans l'oeil ne l'avait fait rouler par terre; il tomba, cette fois, pour ne plus se relever.
Son dernier cri fut celui de l'homme que l'on ��gorge. Nous le trouvames Couch�� dans une boue sanglante, labour��e par les ongles de ses mains ��normes. Son cadavre ��tait effrayant �� voir. Nous lui f?mes un b?cher avec les d��bris de son ajoupa. Ainsi finit cet Almaviva rudimentaire!
Le comte avait ��cout�� ce r��cit avec un int��r��t fi��vreux.
--Si tu rencontrais sur le boulevard, dit-il �� M. de Vermont, un gorille de l'esp��ce du tien, bien qu'ayant un ��tat civil en r��gle et une position notari��e excellente, te chargerais-tu de le tuer?
--Cela d��pend, repartit le sceptique, sans trop comprendre o�� Paul voulait en venir. Si j'��tais s?r de l'impunit�� et qu'il s'ag?t de venger une miss Esther....
--Il y a longtemps, dit tristement le comte de Breuilly, que je me pose cette question....
--Voil�� une transition superbe pour arriver �� faire ton petit r��cit, mon cher Paul, dit le g��n��ral. Eh bien! si Adrien a fini, �� toi la parole!
--C'est que je n'ai nulle envie de la prendre, dit le comte d'un air na?vement contrit.
--Pour te taire, dit Adrien, il faut que tu craignes de nous int��resser trop.
--Ou pas assez, objecta Paul. Je voulais dire seulement qu'ayant fait de l'anthropologie, je tiens la communaut�� d'origine du genre humain pour une question secondaire. Pour moi, il est ais�� de reconna?tre �� premi��re vue que tel type humain proc��de des ruminants, tel autre des batraciens, tel autre des singes; celui-ci de l'aigle, celui-l�� du hibou. On coudoie des gorilles et des bouledogues, exactement v��tus comme vous et moi et se croyant nos ��gaux. C'est tr��s dr?le et tr��s horrible.
Sur ce point, un domestique entra et remit �� M. Mayran un journal sur un Plateau de vermeil.
Le g��n��ral regarda la bande et lut cette adresse ��crite �� la main:
A Monsieur le g��n��ral Mayran, pour remettre �� Monsieur le comte de Breuilly.
--��criture de femme! pensa le militaire; mais il se tut et passa le journal �� Paul.
C'��tait une feuille mondaine. Paul d��chira la bande d'un geste brusque, d��plia rapidement le journal, passa �� la seconde page, comme s'il ��tait s?r de ne rien trouver d'int��ressant dans la premi��re, et pench�� vers la lampe, il s'arr��ta tout �� coup �� un article quelconque, mais qu'un large trait de plume d��signait �� son attention.
Presque en m��me temps il saisit
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