de percale, sa jupe d'un vert de scarab��e qui laissait passer de fines chevilles et des souliers cambr��s. Mais ce qui charmait le plus en elle, c'��tait, sous ses cheveux chatains, ses yeux de couleur ind��cise, comme ceux des chats. Il semblait qu'elle p?t les aviver des tons et des lueurs qu'elle voulait. Martine avait le nez court, retrouss�� juste assez pour indiquer un peu d'impertinence qu'adoucissait le sourire des l��vres. Ce matin, elle semblait apporter une lueur de l'aurore dans les fossettes de ses joues. Elle dit d'une voix cristalline:
--Allons, Jasmin, conduis-moi aux vendanges!
Buguet fit un brin de toilette, mit ses souliers ferr��s pour patauger dans la terre des vignes:
--Me voil�� pr��t!
Les deux jeunes gens furent bient?t au bord de la Seine.
--Alors, M. Jasmin a assist�� �� la chasse royale? demanda Martine.
--Oui!
--On l'a fort remarqu��. Et c'est pour le remercier de ses fleurs que Mme d'��tioles m'envoya hier chez ma marraine La?de Monneau, o�� j'ai pass�� la nuit.
--Ce n'est point vrai!
--Je te l'assure. Elle s'est souvenue de ton nom. Elle m'a tout racont�� et elle est bien heureuse, car �� la suite de l'accident le Roi lui a envoy�� dix faisans dor��s, ce qui est gibier rare.
Jasmin devint silencieux. Ah! Mme d'��tioles a prononc�� son nom: Jasmin Buguet! Pour la premi��re fois ce nom para?t fleuri au jardinier. Il sourit �� des visions douces, �� un bonheur secret. Le paysage prend �� ses yeux une splendeur ravie. Buguet regarde avec plus de joie les vignes: ces petites f��es vertes, qui, pendant les hivers sans soleil, versent le r��ve aux mortels en des boissons rouges, aujourd'hui se drapent dans leur feuillage bord�� de pourpre. Elles grimpent �� pic sur le coteau pierreux d'o�� l'argile rouill��e s'��boule; en procession elles s'appuient sur leurs ��chalas d'acacia ivres du vin contenu dans leurs mamelles.
L'oeil du gar?on brille, sa physionomie s'��claire. Il ose insinuer:
--Mme d'��tioles se souvint de mon nom?
--Ne te l'ai-je pas dit?
--C'��tait d��s le soir de la chasse?
--Ce soir m��me. Je d��grafais sa robe. Elle jetait ses bagues dans un coffre. ?Martine, dit-elle, j'ai rencontr�� le jardinier qui t'a donn�� les lauriers pour mon pha?ton. Il s'appelle Jasmin Buguet, n'est-ce pas?? Je rougis. ?Pourquoi as-tu honte?? continua Madame. Elle sourit: ?C'est un joli gar?on! Et ma foi il fut, lors de mon accident de voiture, fort civil!?
Jasmin exultait.
--Comme te voil�� joyeux! dit la soubrette. Tu te sens bien flatt��?
Elle ��tait enchant��e de voir son compagnon se d��rider. La fillette aimait beaucoup Jasmin. Enfants, ils avaient d��nich�� des fauvettes dans les roseaux de la Seine, jou�� aux osselets, �� cligne-musette, au toton, la toupie qui ronfle, et lanc�� les bulles de savon qui sortent d'un tuyau de pipe et cr��vent au long des chaumes. En hiver, ils ��levaient des chateaux de cartes, se penchaient sur le jeu de l'oie, construisaient des coqs en papier. La petite ��tait orpheline. Une fois que son parrain dut s'absenter, il la confia aux Buguet; ceux-ci la couch��rent avec Jasmin, les enfants s'endormirent sur le m��me oreiller: on e?t dit �� les voir sommeiller que leurs t��tes poupines souriaient au m��me r��ve.
--On les mariera, peut-��tre, dit le p��re Buguet en riant.
Plus tard, bien qu'il n'aimat gu��re la danse, Jasmin conduisit Martine au bal champ��tre, participant avec elle au moulinet, sous les tilleuls du bord de l'eau, aux sons de la fl?te. A la f��te, il la menait voir le montreur de bo?te d'optique et celui de marionnettes; ils achetaient des complaintes, ��coutaient les joueurs de vielle et de clarinette. Jasmin offrait �� Martine des dorioles et autres d��licatesses de bouche. Ils buvaient un verre d'hypocras ou de vespetro, que d��bitait un charlatan, et le soir la m��re Buguet p��trissait des ?roussettes?.
Le village les fian?a. Cependant ils avaient ��chang�� des oeillades tendres, des serments enflamm��s, des baisers en cachette, derri��re la porte, quand le gar?on venait passer la veill��e chez R��my Gosset et que la fillette le reconduisait jusqu'au seuil, ?histoire de voir les ��toiles?. Un apr��s-midi que Martine, sortie pour cueillir des cerises, avait d��laiss�� son rouet, Jasmin couvrit le fuseau de roses pompon, de sorte qu'elle trouva, en revenant avec son panier plein, une chose aussi belle et vive que le sceptre de Flore.
D'ailleurs Martine ��tait sage. On ne l'avait jamais surprise dans une grange, le sein hors du corsage, dans l'attitude de celles qui imitent sur les bottes de foin ce que les pigeons, apr��s s'��tre becquet��s, pratiquent �� deux sur les goutti��res. Nul galant n'��tait mont�� �� la petite fen��tre de sa chambrette; ni son parrain R��my Gosset, ni sa marraine La?de Monneau, chez qui elle habitait parfois, n'avaient trouv�� de chapeau d'homme sous son lit.
Rien pourtant n'avait ��t�� d��cid�� entre Buguet et la soubrette. Aujourd'hui le jardinier comptait vingt-trois ans et Martine atteignait son dix-neuvi��me octobre. Elle pensa qu'il ��tait temps de songer au
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