yeux bruns et espi��gles: tout brille. Sous le corsage de l'enfant qu'elle est encore, les seins de la femme poussent d��j��. Aussi un matin qu'elle portait du lait au chateau, le vieux marquis d'Orangis invita la fillette �� partager sa cr��me au houacaca, laquelle est faite d'une poudre compos��e de cannelle et d'ambre qui vient du Portugal et r��chauffe les sens. Tiennette raconta depuis que le vieillard l'avait embrass��e bien fort, le gobelet vid��, puis qu'elle s'��tait enfuie.
Aujourd'hui souriante elle aborde la m��re Buguet:
--Vous m'avez fait qu��rir, la Buguet?
--Oui, mignonne, il faut que tu nous aides.
--Bien volontiers.
Elles se dirigent du c?t�� de Jasmin: juch�� dans les arbres, un tablier au ventre, il se courbe, se redresse, s'allonge:
--Ah! te voil�� Tiennette!
Il descend, tient l'��chelle. Mais la petite veut grimper �� l'arbre sans aide. Jasmin lui pr��te son dos: il sent �� peine sur ses ��paules le fr?lement des pieds nus: Tiennette est dans les branches:
--Lance un panier, Jasmin!
--Attrape!
Elle s'assied au-dessus du tronc. Ses mollets hal��s passent sous ses courts jupons, polis comme du bronze, et dans les mouvements de la cueillette, insoucieuse du froid, elle montre un genou rond crott�� de mousse et le bas de ses cuisses. Un rayon vient dorer l'enfant, ��clairer ses dents blanches. Jasmin songe aux divinit��s enferm��es au coeur des arbres et qui n'en sortent que rarement, �� ce qu'il a lu dans les livres. Tiennette ainsi perch��e, avec sa peau brune contre l'��corce, son regard de feu, ses cheveux en broussaille o�� p��tille un grain de soleil, pourrait ��tre la petite hamadryade jaillie de ce pommier pour en go?ter les fruits. Des d��esses plus puissantes doivent sortir des h��tres et des ch��nes. Jasmin en imagine une, ��cartant les branches d'un garie dans la for��t de S��nart. Elle s'avance, brillante et vive, comme si la s��ve du taillis l'incendiait. Elle a les traits de Mme d'��tioles.
Un cri d'Etiennette tire Jasmin de sa r��verie.
--Oh! la grosse pomme!
L'enfant a l'air de tenir une boule de feu dans ses mains brunes et agite ses pieds nus en signe de plaisir.
--Elle est presque grosse comme un coeur de cochon, dit Tiennette.
Elle retourne le fruit et ajoute, s��rieuse:
--Oui, c'est un coeur, un coeur gonfl�� comme le v?tre, vous qui soupirez tant!
--Ce n'est pas pour toi, morveuse!
--Parions que c'est �� cause de Martine, jeta avec malice la f?t��e.
--Pas davantage!
--Qui donc lui met la berlue �� l'esprit? Faudra que je devine, se dit Tiennette.
A midi elle s'en alla, inqui��te pour son amie Martine.
--A qui songe Jasmin? Je ne l'ai jamais vu ainsi!
Perdue dans ses r��flexions, elle ne vit point le marquis d'Orangis qui la guignait d'une petite fen��tre de son castel. Il lui faisait des signes avec la main qui venait de fourrer du tabac d'Espagne dans son nez de vieux singe. Il portait une robe de chambre d'homme de qualit�� et un ancien bonnet de mariage v��nitien, couvert d'embl��mes dor��s sur fond blanc, et trop large pour sa t��te �� cette heure sans perruque.
Le marquis poussa un petit cri. Alors Tiennette s'aper?ut de sa pr��sence. Les yeux du vieillard brillaient et les rides de sa figure s��che ��taient tir��es par un sourire sans dents. Il esquissa deux baisers.
--Vous allez vous enrhumer, monsieur le marquis, s'��cria Tiennette.
Elle s'enfuit, mais pour passer le ruisseau, sous les yeux du seigneur, elle releva sa cotte, bien que celle-ci f?t d��j�� tr��s courte et qu'il n'y e?t qu'un mince filet d'eau.
Le lendemain la pluie nocturne avait apais�� le vent; une l��g��re brise d��chira les brumes: le soleil se leva dans une claire puret��.
En ouvrant leurs volets, les paysans se r��jouirent. Quelle bonne journ��e pour la vendange!
Voil�� d��j�� les filles. Elles chargent les hottes; leurs bonnets de mousseline battent des ailes. Les ?jeunesses? crient et chantent. Et les gar?ons paraissent aussi, avec les mollets nus, les manches retrouss��es. Ils sont joyeux: on dirait que l'?azur?, cette fleur d��licate qui couvre le raisin, veloute leurs sourires. Une voix s'��l��ve: elle lance une ariette:
Croyez-vous qu'Amour m'attrape De m'avoir ?t�� Catin? Qu'ai-je �� faire de la grappe Quand j'ai foul�� le raisin?
La chanson vole au-dessus des haies, jusqu'�� l'��glise, et r��veille les ��chos de la Seine endormie.
Jasmin restait insensible aux rumeurs du village.
--Tu ne te rends point aux vendanges? lui demanda la Buguet.
--Je n'en ai gu��re envie.
La porte s'ouvrit: c'��tait Martine! Elle cria �� Jasmin:
--Eh bien! Tu n'es pas pr��t!
La jolie fille s'avan?a, poing sur la hanche, un peu moqueuse:
--Vraiment, Jasmin, tu n'es point galant! Fallait savoir que j'allais venir! Allons! Embrasse-moi!
Le jardinier lui donna un baiser sur chaque joue; puis la jeune fille sauta au cou de la Buguet.
--Eh! dit celle-ci, que tu sens bon et que tu as la peau doucette et blanche! Prends-tu des bains de lait comme ta ma?tresse?
La soubrette ��clata de rire:
--Mme d'��tioles se baigne dans l'eau claire!
Martine ��tait affriolante avec son bonnet blanc, son corsage
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.