deux chevaux blancs. Elle conduisait elle-m��me. Derri��re, un n��grillon tenait ouvert un grand parasol.
A l'approche de la halte, la dame ralentit l'allure de ses chevaux, afin de recueillir les regards de la cour ��tonn��e, o�� fr��mit un murmure.
Ses larges paniers emplissaient la voiture de falbalas. Sa main gauche laissait flotter les r��nes; la droite agitait un grand ��ventail.
Elle portait un chapeau �� la berg��re sur ses cheveux poudr��s et avait trois mouches si subtilement pos��es qu'elles brillaient comme des ��tincelles sur le teint pale que relevait un rien de fard. La robe ��chancr��e �� la gorge montrait la naissance des seins. Tout provoquait dans la belle coch��re: la fiert�� sur son front, la luxure aux fossettes de ses joues et aux coins de ses l��vres. La transparence de ses dentelles carnait d'un diabolique ��clat jusqu'�� ses perles, tandis que ses yeux arm��s cherchaient une victime. Son bras avait l'��l��gance d'un col de cygne, et sa toilette semblait avoir ��t�� tremp��e dans le sang enflamm�� des roses de Bengale.
La dame traversa les groupes des chevau-l��gers, des grenadiers, des valets; elle excitait la curiosit�� de tous ces hommes.
Elle passa devant le roi, s'inclina.
Jasmin voyait tout du haut de son arbre. A l'aspect de la dame, il ��prouva un trouble ��trange. L'��moi lui fit lacher une seconde la branche qui le soutenait. Il entendit battre son coeur dans sa poitrine. Ebloui comme si la reine des fleurs f?t apparue, le jardinier cria:
--Mordi, la belle femme!
Mais une gerbe ��tait l��, dans la voiture, �� c?t�� de la dame. Jasmin prof��ra, la gorge serr��e:
--Mes fleurs!
Il avait reconnu les n��riums cueillis aux lueurs de l'aurore devant sa maisonnette et il dit, tremblant:
--Mme d'��tioles.
Alors, pris de vertige, il descendit de l'arbre et s'��loigna, suivi d'Eustache, qui s'��tonnait de l'��motion de son ami.
--Mme d'��tioles, r��p��ta encore Buguet.
Eustache prit un air malin:
--J'ai entendu parler d'elle; on dit que c'est un morceau de roi.
Il insista, hochant la t��te:
--Un morceau de roi!
Arriv�� �� proximit�� de Lieusaint, Eustache quitta Jasmin en lui promettant de venir le reprendre une heure plus tard.
--Merci, dit le jardinier, j'ai le temps de retourner �� pied, ?a me fera du bien.
--A ton aise!
Jasmin se dirige du c?t�� de Lieusaint. Dans la route maintenant solitaire, il marche, abasourdi, s'arr��tant pour passer la main sur son front.
Alors c'est cette femme merveilleuse que Martine approche �� toute heure!
Jasmin e?t d? deviner que sa promise ��tait au service d'une beaut�� pareille. Depuis quelque temps, elle devenait plus piquante, plus jolie: le reflet de Mme d'��tioles, sans doute!
Jasmin pense �� ces choses. Mais il entend quelques petits cris, un bruit de chevaux emball��s. Il se retourne.
Le pha?ton d'azur! Mme d'��tioles! Chass��e par les officiers de la Chateauroux, elle s'est enfuie, d��faille de d��pit, lache les r��nes; d��j�� le n��grillon met sous le nez de sa ma?tresse un flacon de cristal; le grand parasol roule au milieu de la route.
Jasmin se pr��cipite, arr��te les chevaux. Il saute sur le marche-pied de la voiture et recueille la dame. Elle est ��vanouie.
Jasmin la soul��ve, et avec beaucoup de peine, �� cause des grands paniers, la porte au pied d'un arbre.
Affol�� il crie:
--Mon Dieu, aidez-moi!
Le n��grillon s'agite comme un singe en d��lire.
--Elle est morte! hurle Jasmin.
Il court vers une source qu'il a rencontr��e sous bois et revient avec son chapeau qui ruisselle. Il y trempe le bout des doigts, et, comme il le ferait pour ses amaryllis pam��s, secoue quelques gouttes d'eau sur le visage bl��missant o�� la bouche fard��e para?t une blessure.
La dame ouvre les yeux: Jasmin croit rena?tre lui-m��me �� la vie. Elle murmure:
--O�� suis-je?... Que faites-vous l��?
Jasmin est �� genoux. Le n��grillon rajuste une dentelle. Mme d'��tioles, pale, fronce le sourcil, sa bouche se crispe avec douleur. Elle dit, perdue au fond d'un r��ve:
--Je me souviens.
Ses petites mains empoignent l'herbe �� c?t�� d'elle:
--Et je me souviendrai.
Puis elle s'adresse au n��grillon:
--Mon miroir!
Elle y jette un regard:
--Quel d��sarroi!
Elle tapote ses boucles, caresse ses sourcils et, se parlant elle-m��me, avec un sourire de m��pris:
--Dieu, que j'ai ��t�� femme!
Jasmin n'a cess�� de contempler les yeux de Mme d'��tioles: ils lui paraissent tant?t noirs, tant?t bleus. Sous des cheveux o�� de vagues blondeurs cendr��es luttent avec la poudre, le visage ovale de Mme d'��tioles montre une peau fine o�� les mouches de velours se jouent comme des volucelles autour d'une rose blanche.
Mme d'��tioles d��pose son miroir, tend une main au n��grillon, l'autre �� Jasmin:
--Relevez-moi!
Jasmin h��site. Il n'ose toucher aux doigts fr��les.
--Voyons! dit nerveusement Mme d'��tioles.
Le jardinier prend la main tendue, ferme les yeux, tant le coeur lui d��faille.
Mme d'��tioles est debout.
--Qui ��tes-vous? demande-t-elle �� Jasmin.
Il murmure, la gorge serr��e:
--Jasmin Buguet.
La grande dame dit au n��grillon:
--Donne un ��cu �� cet homme.
Buguet r��prime un mouvement de r��volte:
--Merci! Oh! non! Madame!
Mme d'��tioles s'aper?oit de la bonne mine du jeune gar?on:
--Vous regardez mes fleurs? dit-elle d'un air aimable.
Jasmin baisse les paupi��res:
--Elles viennent
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