Le dinier de la Pompadour | Page 3

Eugène Demolder
chair blanche: sa main en restait parfum��e!
Il reconnut aussi que l'odeur des tub��reuses ��tait pareille �� celle du flacon que Martine lui avait donn�� un jour en disant:
--Tiens, c'est de Mme d'��tioles!
Et il songea �� Mme d'��tioles. Il se la figura pareille �� la fille d'un lord qu'il avait vue au parc de Vaux-Pralin quand il s'y trouvait en corv��e. Cette anglaise ��tait pale comme la gordon et, ainsi que cette fleur, v��tue de mousseline blanche.
Jasmin c?toyait le fleuve. Une poule d'eau s'envolant des roseaux le tira de sa songerie. Il prit dans sa pochette la grosse montre d'argent qu'il tenait de son p��re. Le petit forgeron du cadran frappa huit coups sur son enclume. Jasmin, rassur��, continua lentement sa route.
Mais une femme vint l'accoster: Nicole Sansonet, la p��cheuse d'anguilles--une gaillarde qui n'eut point peur des chevau-l��gers en son temps et qui, frisant la quarantaine, regardait encore les gar?ons avec une flamme au fond de l'oeil. Sa cornette couvrait une figure rougeaude, son tablier �� bavette dissimulait mal de grasses rondeurs. Elle portait sur le dos une hotte pleine de poissons; une gourde battait ses fesses.
--Belle journ��e, Jasmin, dit-elle. Il faut en profiter. Elles vont se faire rares, mon gas!
Ils cheminent c?te �� c?te. Tout �� coup la comm��re regarde son compagnon en face:
--A propos, toi, t'es pas encore mari��? T'es dans l'age pourtant! On l'avait annonc��, ton mariage! On croyait que ce serait aux prunes! Et puis, pan! V'la Martine �� ��tioles! Alors, c'est-y pour les vendanges ou la No?l?
Jasmin rit et Nicole continue:
--C'est qu'elle est avenante, la matine! A ta place, je n'aimerais gu��re la voir entour��e de ces freluquets d'��tioles! La vertu d'une femme ?a glisse comme l'anguille, et quand c'est parti, c'est parti! Ouvre l'oeil, Jasmin, c'est Nicole qui te le dit.
Buguet ��tait arriv��. Il remercia la p��cheuse pour ses conseils et se dirigea vers la tannerie de l'oncle Gillot.
Elle s'��rigeait devant la Seine. Culott��e par le tannin, le sang, les chiures de frelons, elle distribuait ses trois s��choirs et le logis du ma?tre le long d'une cour brune et puante. Au milieu, une charrette pleine de peaux de boeufs ��tait arr��t��e.
Jasmin entra. Ses parents lui firent bon accueil. La tante Gillot prit le melon, le flaira sous la queue. Le jardinier s'informa de l'��tat des vignes.
--Eh! si septembre est chaud (chose probable, vu que le beau temps a pris avec la lune!) on pourra vendanger t?t!
--Bonne affaire, r��pliqua Jasmin. En attendant je vais passer la journ��e ici et voir s'il n'y a rien �� tailler dans l'enclos.
--J'ai mieux pour toi, mon neveu, dit la m��re Gillot. Eustache Chatouillard, notre voisin, a promis de venir me prendre dans sa carriole pour aller �� S��nart, o�� le Roi chasse en for��t. Mais il faut que j'aide mon homme �� mettre les peaux dessaigner dans la rivi��re. Va �� S��nart �� ma place!
Jasmin h��sita.
--C'est des choses qu'on voit une fois dans sa vie, insista Gillot.
Eustache arriva sur ces entrefaites. Il poussa des exclamations en apprenant que la m��re Gillot ��tait emp��ch��e. Mais il enleva Jasmin.
--Je suis certain que le Roi vient, affirma-t-il. Je le tiens de grenadiers �� cheval qui raccommodaient la route.
Comme Jasmin s'��tonnait que des soldats vinssent r��parer les chemins pour un seul passage de carrosses:
--Ah! Ah! reprit Chatouillard, c'est qu'il y a des dames dans les carrosses, et les cahots, ?a ne fripe pas seulement les atours! Il y a autre chose en dessous qu'il faut soigner!... ?a te fait rire, jardinier! Tu ne t'assieds pas sur tes laitues quand tu les portes au march�� de Corbeil?
--Eh! J'ai trop souci de ma marchandise!
--Chacun a souci de la sienne, mon gars! Hue, Bourry!
Le cheval trottait ferme, excit�� par les ��clats de voix d'Eustache et les coups de fouet. Les jeunes gens atteignirent Nandy, dont la petite ��glise sonna dix heures. Ils traversaient les champs d��j�� fauch��s o�� les perdrix couraient dans le chaume. Les meules posaient leurs c?nes d'or �� c?t�� des bosquets d'un vert sombre; une brise l��g��re fit glisser le frisson pale des feuilles retourn��es.
Le village de Lieusaint, o�� ils arriv��rent bient?t, ��tait encombr��. Un air de f��te soufflait. Les groupes de paysans allaient, venaient, avec des fermi��res en coqueluchon noir ou en chapeau de paille; une qu��teuse de grand chemin, ses souliers �� la ceinture, regardait, l'air ahuri. Un ane charg�� d'ustensiles revenait du march�� de Corbeil, accompagn�� de laiti��res portant le pot de cuivre sur la t��te et de gamins qui avaient ��t�� vendre des noisettes au litron.
Les grenadiers �� cheval caracolaient, sous leur bonnet rouge garni de peau d'ourson.
Ils avaient les sabres au clair; de longs fusils et des ��pieux battaient leurs cuisses.
Au fond de la longue, et large route qui, bord��e au bourg de fermes et de maisons blanches, p��n��trait ensuite dans la for��t, au loin, pr��s du carrefour de
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