la table une miche, du lard et un cruchon. Jasmin sortit un couteau de sa poche, se servit, mangea, but �� m��me la cruche.
--L'aurore creuse l'estomac, dit-il.
La m��re allumait une flamb��e de sarments sous le tr��pied, au milieu de la grande chemin��e. Le fagot fuma: la vieille n'en fut point g��n��e; elle se versa du lait dans une ��cuelle en terre, qu'elle mit sur les flammes; puis elle tailla quelques tranches de pain bis: quand l'��bullition commen?a, elle les jeta dans le lait, sala, poivra et laissa mijoter.
Ces pr��paratifs firent tousser Jasmin.
--Je vais prendre l'air, dit-il.
--C'est la fum��e qui te chasse, fieu! Va sentir d'o�� le vent vient! Tu me le diras!
Jasmin sortit. A ce moment le ciel devint plus transparent. Sur l'eau flottaient des brumes: avides de lumi��re autant qu'amoureuses de l'onde, elles tiraient vers le ciel et trempaient leurs gazes dans le fleuve endormi.
Soudain la brise r��veilla tout �� fait la Seine; dans un fr��missement, sous le soleil pale en sa rondeur d'hostie, l'eau se pailleta d'argent. Ebloui, Jasmin regarda les spirales opalines que le vent poussait contre les buissons.
Il adorait la ros��e; il aimait �� surprendre ses diamants pr��s d'une c��toine verte, au coeur des ?cuisses de Nymphe?. Ce matin elle le fit songer aux mois d��j�� pass��s. Vraiment cette ann��e le printemps avait op��r�� le miracle des roses. La F��te-Dieu en ��tait rest��e inoubliable: les rues avaient ��t�� jonch��es de p��tales, les reposoirs enguirland��s de branches fleuries et la petite ��glise avait ressembl�� �� un temple de l'Amour.
Aujourd'hui on payait cette d��bauche. Jasmin jeta un regard �� ses rosiers ��puis��s par un trop fougueux renouveau: l'��t�� ��tait mort et ils ne portaient pas de fleurs ?remontantes?. A l'id��e de cette privation Buguet regretta presque le cadeau fait �� Martine; bien qu'il aimat fort la soubrette, il la maudit un brin et sentit que peut-��tre au fond de son ame il pr��f��rait �� sa blonde joliesse la chair multicolore des bouquets.
Doucement, avec un soupir, il gravit �� droite de la maison un petit escalier de pierres qui conduisait �� une terrasse o�� s'alignaient les fuschias, les basilics odorants, les orangers de savetier. Au long de plates-bandes bord��es de thym, les oeillets d'Inde r��pandaient leur apre parfum. Au fond de la terrasse, le premier rayon aviva les roses tr��mi��res comme s'il les e?t peintes avec un pinceau d'or.
Jasmin sortit un arrosoir, en plongea le ventre dans un tonneau enfonc�� au coin d'un parterre. Il distribua l'eau �� des flox pr��par��s pour la Saint-Auguste, tombant ce jour-l��.
--M��re, cria-t-il en promenant sur les plantes les jets fins d'un juste arrosage, les flox blancs sont �� vendre! Trois sols!
--C'est pas donn��, mon gar?on!
Jasmin devait aller chez l'oncle Gillot pour savoir quand on commen?ait les vendanges.
--Bonne id��e, mon fieu! dit la Buguet. Embrasse bien mon fr��re pour moi. H��! Porte-lui notre dernier melon.
Buguet rentra, mit sa culotte noire �� boucles d'argent, une chemise de toile bise avec un col rabattu, un gilet de p��kin �� pochettes et son habit brun en droguet: puis, ayant nou�� ses cheveux par derri��re en catogan, il posa sur son front le tricorne des dimanches.
Il partit, emportant sur l'��paule, au bout d'un baton, le gros fruit jaune que la m��re avait mis dans un panier ferm�� ?pour attraper les curieux?.
Et il suivit le bord de la Seine, heureux de la belle journ��e.
Passant �� Saint-Assises, Jasmin aper?ut dans le parc d'une gentilhommi��re le vieux jardinier qui ratissait l'all��e.
--Bonjour, monsieur Leturcq!
--Ah! Jasmin! Entre donc!
--Vous ��tes bien civil, monsieur Leturcq! Buguet ?ta son chapeau et d��posa le panier pr��s de la grille.
--Viens que je te montre une plante nouvelle, continua M. Leturcq. Elle arrive d'Italie et fleurit ici pour la premi��re fois.
Jasmin eut un battement de coeur en p��n��trant dans la petite serre. Un d��vot n'est pas plus ��mu sous le porche d'une ��glise. Cet amoureux des fleurs e?t cherch�� l'eau b��nite au fond des arrosoirs et se f?t sign��. Il tint son feutre sous le bras respectueusement.
--Vois, dit M. Leturcq avec un geste rond et une mine satisfaite.
Jasmin s'arr��ta devant deux tub��reuses. Blanches sur leurs longues tiges vertes et rougissant, comme honteuses de la volupt�� qui s'��manait de leurs corolles, capiteuses elles s'offraient au milieu d'un groupe de brom��lias bigarr��s qui semblaient ��pris des nouvelles venues.
--Caresse! C'est doux, dit M. Leturcq. Jasmin ob��it; sa main trembla.
--Et celle-ci? continua le vieux jardinier. C'��tait la Gordon des Anglais (ainsi appelait-on alors le gard��nia!), tout aristocratique et ��l��gante.
--Sont-elles belles! murmura Buguet. Vous devez ��tre fier de les montrer, monsieur Leturcq.
--Dame! On a son amour-propre! Malheureusement les connaisseurs sont rares.
Jasmin reprit sa route, ��merveill��. Ces tub��reuses! Sa cervelle en ��tait troubl��e. Il lui semblait qu'il venait d'assister au d��shabill�� d'une princesse au jour de ses noces, dans un de ces contes qu'il lisait aux veill��es. Et il ��tait l'��poux! Il avait touch�� la
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