de brosser les habits, d'��pousseter, tout cela, c'est la goutte d'eau dont la chute constante finit par ronger lentement, mais s?rement, l'esprit aussi bien que le corps. C'est devant le fourneau de cuisine que, par une magie vulgaire, la petite cr��ature blanche et rose, au rire de cristal, se change en une momie noire et douloureuse. Sur l'autel fumeux o�� mijote le pot-au-feu, sont sacrifi��es jeunesse, libert��, beaut��, joie.? Ainsi s'exprime peu pr��s Gerhard d'Amyntor.
Tel est le sort, en effet, de l'immense majorit�� des femmes. L'existence est dure pour elles comme pour l'homme. Et si l'on recherche aujourd'hui pourquoi elle est si p��nible, on reconna?t qu'il n'en peut ��tre autrement sur une plan��te o�� les choses indispensables �� la vie sont rares, d'une production difficile ou d'une extraction laborieuse. Des causes si profondes et qui d��pendent de la figure m��me de la terre, de sa constitution, de sa flore et de sa faune, sont malheureusement durables et n��cessaires. Le travail, avec quelque ��quit�� qu'on le puisse r��partir, p��sera toujours sur la plupart des hommes et sur la plupart des femmes, et peu d'entre elles auront le loisir de d��velopper leur beaut�� et leur intelligence dans des conditions esth��tiques. La faute en est �� la nature. Cependant, que devient l'amour? Il devient ce qu'il peut. La faim est sa grande ennemie. Et c'est un fait incontestable que les femmes ont faim. Il est probable qu'au XX�� si��cle comme au XIX�� elles feront la cuisine, �� moins que le socialisme ne ram��ne l'age o les chasseurs d��voraient leur proie encore chaude et o�� V��nus dans les for��ts unissait les amants. Alors la femme ��tait libre. Je vais vous dire: Si j'avais cr���� l'homme et la femme, je les aurais form��s sur un type tr��s diff��rent de celui qui a pr��valu et qui est celui des mammif��res sup��rieurs. J'aurais fait les hommes et les femmes, non point �� la ressemblance des grands singes comme ils sont en effet, mais �� l'image des insectes qui, apr��s avoir v��cu chenilles, se transforment en papillons et n'ont, au terme de leur vie, d'autre souci que d'aimer et d'��tre beaux. J'aurais mis la jeunesse �� la fin de l'existence humaine. Certains insectes ont, dans leur derni��re m��tamorphose, des ailes et pas d'estomac. Ils ne renaissent sous cette forme ��pur��e que pour aimer une heure et mourir.
Si j'��tais un dieu, ou plut?t un d��miurge,--car la philosophie alexandrine nous enseigne que ces minimes ouvrages sont plut?t l'affaire du d��miurge, ou simplement de quelque d��mon constructeur,--si donc j'��tais d��miurge ou d��mon, ce sont ces insectes que j'aurais pris pour mod��les de l'homme. J'aurais voulu que, comme eux, l'homme accompl?t d'abord, �� l'��tat de larve, les travaux d��go?tants par lesquels il se nourrit. En cette phase, il n'y aurait point eu de sexes, et la faim n'aurait point avili l'amour. Puis j'aurais fait en sorte que, dans une transformation derni��re, l'homme et la femme, d��ployant des ailes ��tincelantes, v��cussent de ros��e et de d��sir et mourussent dans un baiser. J'aurais de la sorte donn�� �� leur existence mortelle l'amour en r��compense et pour couronne. Et cela aurait ��t�� mieux ainsi. Mais je n'ai pas cr���� le monde, et le d��miurge qui s'en est charg�� n'a pas pris mes avis. Je doute, entre nous, qu'il ait consult�� les philosophes et les gens d'esprit.
* * *
C'est une grande erreur de croire que les v��rit��s scientifiques diff��rent essentiellement des v��rit��s vulgaires. Elles n'en diff��rent que par l'��tendue et la pr��cision. Au point de vue pratique, c'est l�� une diff��rence consid��rable. Mais il ne faut pas oublier que l'observation du savant s'arr��te �� l'apparence et au ph��nom��ne, sans jamais pouvoir p��n��trer la substance ni rien savoir de la v��ritable nature des choses. Un oeil arm�� du microscope n'en est pas moins un oeil humain. Il voit plus que les autres yeux, il ne voit pas autrement. Le savant multiplie les rapports de l'homme avec la nature, mais il lui est impossible de modifier en rien le caract��re essentiel de ces rapports. Il voit comment se produisent certains ph��nom��nes qui nous ��chappent, mais il lui est interdit, aussi bien qu'�� nous, de rechercher pourquoi ils se produisent.
Demander une morale �� la science, c'est s'exposer �� de cruels m��comptes. On croyait, il y a trois cents ans, que la terre ��tait le centre de la cr��ation. Nous savons aujourd'hui qu'elle n'est qu'une goutte fig��e du soleil. Nous savons quels gaz br?lent �� la surface des plus lointaines ��toiles. Nous savons que l'univers, dans lequel nous sommes une poussi��re errante, enfante et d��vore dans un perp��tuel travail; nous savons qu'il na?t sans cesse et qu'il meurt des astres. Mais en quoi notre morale a-t-elle ��t�� chang��e par de si prodigieuses d��couvertes? Les m��res en ont-elles mieux ou moins bien aim�� leurs petits enfants? En sentons-nous plus ou moins
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