la beaut�� des femmes? Le coeur en bat-il autrement dans la poitrine des h��ros? Non! non! que la terre soit grande ou petite, il n'importe �� l'homme. Elle est assez grande pourvu qu'on y souffre, pourvu qu'on y aime. La souffrance et l'amour, voil�� les deux sources jumelles de son in��puisable beaut��. La souffrance! quelle divine m��connue! Nous lui devons tout ce qu'il y a de bon en nous, tout ce qui donne du prix �� la vie; nous lui devons la piti��, nous lui devons le courage, nous lui devons toutes les vertus. La terre n'est qu'un grain de sable dans le d��sert infini des mondes. Mais, si l'on ne souffre que sur la terre, elle est plus grande que tout le reste du monde. Que dis-je? elle est tout, et le reste n'est rien. Car, ailleurs, il n'y a ni vertu ni g��nie. Qu'est-ce que le g��nie, sinon l'art de charmer la souffrance? C'est sur le sentiment seul que la morale repose naturellement. De tr��s grands esprits ont nourri, je le sais, d'autres esp��rances. Renan s'abandonnait volontiers en souriant au r��ve d'une morale scientifique. Il avait dans la science une confiance �� peu pr��s illimit��e. Il croyait qu'elle changerait le monde, parce qu'elle perce les montagnes. Je ne crois pas, comme lui, qu'elle puisse nous diviniser. A vrai dire, je n'en ai gu��re l'envie. Je ne sens pas en moi l'��toffe d'un dieu, si petit qu'il soit. Ma faiblesse m'est ch��re. Je tiens �� mon imperfection comme �� ma raison d'��tre.
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Il y a une petite toile de Jean B��raud qui m'int��resse ��trangement. C'est la salle Graffard; une r��union publique o l'on voit fumer les cerveaux avec les pipes et les lampes. La sc��ne sans doute tourne au comique. Mais combien ce comique est profond et vrai! Combien il est m��lancolique! Il y a dans cet ��tonnant tableau une figure qui me fait mieux comprendre �� elle seule l'ouvrier socialiste que vingt volumes d'histoire et de doctrine, celle de ce petit homme chauve, tout en crane, sans ��paules, qui si��ge au bureau dans son cache-nez, un ouvrier d'art sans doute, et un homme �� id��es, maladif et sans instincts, l'asc��te du prol��tariat, le saint de l'atelier, chaste et fanatique comme les saints de l'��glise, aux premiers ages. Certes, celui-l�� est un ap?tre et on sent �� le voir qu'une religion nouvelle est n��e dans le peuple.
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Un g��ologue anglais, de l'esprit le plus riche et le plus ouvert, sir Charles Lyell, a ��tabli, il y a quarante ans environ, ce qu'on nomme la th��orie des causes actuelles. Il a d��montr�� que les changements survenus dans le cours des ages sur la face de la terre n'��taient pas dus, comme on le croyait, �� des cataclysmes soudains, qu'ils ��taient l'effet de causes insensibles et lentes qui ne cessent point d'agir encore aujourd'hui. �� le suivre, on voit que ces grands changements, dont les vestiges ��tonnent, ne semblent si terribles que par le raccourci des ages et qu'en r��alit�� ils s'accomplirent tr��s doucement. C'est sans fureur que les mers chang��rent de lit et que les glaciers descendirent dans les plaines, couvertes autrefois de foug��res arborescentes.
Des transformations semblables s'accomplissent sous nos yeux, sans que nous puissions m��me nous en apercevoir. L��, enfin, o Cuvier voyait d'��pouvantables bouleversements, Charles Lyell nous montre la lenteur cl��mente des forces naturelles. On sent combien cette th��orie des causes actuelles serait bienfaisante si on pouvait la transporter du monde physique au monde moral et en tirer des r��gles de conduite. L'esprit conservateur et l'esprit r��volutionnaire, y trouveraient un terrain de conciliation.
Persuad�� qu'ils restent insensibles quand ils s'op��rent d'une mani��re continue, le conservateur ne s'opposerait plus aux changements n��cessaires, de peur d'accumuler des forces destructives �� l'endroit m��me o�� il aurait plac�� l'obstacle. Et le r��volutionnaire, de son c?t��, renoncerait �� solliciter imprudemment des ��nergies qu'il saurait ��tre toujours actives. Plus j'y songe et plus je me persuade que, si la th��orie morale des causes actuelles p��n��trait dans la conscience de l'humanit��, elle transformerait tous les peuples de la terre en une r��publique de sages. La seule difficult�� est de l'y introduire, et il faut convenir qu'elle est grande.
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Je viens de lire un livre dans lequel un po��te philosophe nous montre des hommes exempts de joie, de douleur et de curiosit��. Au sortir de cette nouvelle terre d'Utopie quand, de retour sur la terre, on voit autour de soi des hommes lutter, aimer, souffrir, comme on se prend �� les aimer et comme on est content de souffrir avec eux! Comme on sent bien que l�� seulement est la v��ritable joie! Elle est dans la souffrance comme le baume est dans la blessure de l'arbre g��n��reux. Ils ont tu�� la passion, et du m��me coup ils ont tout tu��, joie et douleur, souffrance
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