Un rossignol chanta dans les grands ormes. De nouveau, le silence. Un rossignol r��pondit, plus lointain. Le vol de velours d'un oiseau de nuit amollit l'air immobile. Une bouff��e de parfums s'��leva jusqu'�� mes narines: r��s��das ou bien h��liotropes... C'en ��tait trop: je fis le geste d'enjamber l'appui de ma fen��tre. Elle ouvrait �� un m��tre du sol. J'allais m'��lancer dans cette nuit enchanteresse. Je suspendis soudain mon mouvement; et voici pourquoi. J'avais vu une chose remuer. Une forme plus claire que la nuit avait boug�� l��-bas et elle semblait courir vers l'extr��mit�� de la pelouse, au del�� du ruisseau. Mon dos se h��rissa. Je r��fl��chis. ?Suis-je dupe, me dis-je, des apparences, ou bien le jouet des charmes de la nuit? Voyons: ce que j'ai aper?u a trop de sveltesse pour ��tre d'une fille de chambre ou de campagne...? Je n'y pus tenir: me voil�� enjambant la barre d'appui; et j'entends mes deux pieds �� la fois, comme une masse de plomb, ��craser les tiges fr��les et odorantes des r��s��das.
?Une femme ��tait dans le parc, traversait en courant une portion de la pelouse priv��e de l'ombre des ormes; elle s'y cachait donc, �� moins qu'elle ne folatrat, telle une nymphe. Cette femme, gui pouvait-elle ��tre, sinon H��l��ne des Gaudr��es?
?H��l��ne des Gaudr��es folatrait, la nuit, comme une nymphe des fontaines et des bois? ou bien elle gagnait quelque endroit furtivement? Mais, furtivement, pourquoi?... Ah! messieurs, j'eus une ��motion. Sur-le-champ mon parti ��tait adopt�� de savoir ce qu'il en ��tait, co?te que co?te.
?Mes pieds, lourds en tombant de la fen��tre, ��taient devenus ��lastiques et sans poids. Je ne m'entendais pas avancer dans les r��gions ombreuses, mais ce que je percevais tr��s bien, c'��tait les battements de mon coeur. Sottement, �� l'��tourdie, je me heurtai au ruisseau. Il gazouillait entre les roseaux qui m'avaient emp��ch�� de voir son reflet sous la lune. C'est que, pour le traverser, il n'existait pas trente-six ponts! Je dus ex��cuter un long d��tour afin de franchir une passerelle en me maintenant �� couvert. A peine avais-je touch�� l'autre rive, que le bruit d'un rire m'atteignit: une pluie de perles en plein visage. Le rire ne provenait pas d'une femme ��loign��e de moi; et, �� n'en pouvoir douter, c'��tait le rire d'H��l��ne des Gaudr��es.
?M'avait-elle vu? Se moquait-elle de moi? Ou bien poursuivait-elle, enivr��e, son jeu plaisant de d��esse nocturne?
?Je m'arr��tai; je demeurai fig�� comme un bronze. A ce moment, il est hors de doute, messieurs, que je me suis attendu �� voir surgir la silhouette du vicomte.
--Enfin!...
--Oui, Bernereau, je l'avoue, je me souviens m��me parfaitement que je pronon?ai, et quasi tout haut: ?Eh bien, c'est un peu raide!...?
?Tout �� coup, je vis, �� quatre pas de moi, non point une silhouette, mais deux. Il est vrai qu'elles ��taient enlac��es de mani��re si ��troite qu'on les pouvait r��duire �� l'unit��. Quant �� les identifier, bernique. Je retenais mon souffle. Ah! que c'��tait peine superflue!
?Le baiser ��chang��, une voix, la voix du rire de perles, me dit, mais me dit du ton pos�� d'un propri��taire qui fait sa tourn��e au potager:
?--La belle nuit, monsieur Bri?onnet!?
?Et, H��l��ne des Gaudr��es suspendue au bras de son mari, nous remontames tous les trois, en parlant de petites choses quelconques, jusqu'au manoir.
?Au moment de me quitter, l'homme heureux dit �� sa femme:
?--Il faudra absolument marier ce gar?on-l��...?
?Ils ne m'ont pas mari��. Je les quittai deux jours apr��s. Jamais je n'ai voulu les revoir.
M. Bri?onnet croisa les mains sur le bord de la table en regardant tomber dans sa tasse le caf�� qu'on lui servait. Et il demeura pensif tandis que les petites bulles blondes agglom��r��es �� la surface du liquide, se s��parant, changeaient de groupe, et fuyaient vers les bords.
A quoi on connut qu'il avait fini.
--Je demande la parole, dit M. Bernereau.
--C'est convenu.
--Messieurs, je vous prie de m'excuser si je manifeste un si grand d��sir de ne pas laisser se refroidir l'int��r��t de l'aventure Bri?onnet, mais celle-ci est pour ma propre histoire un excitant tout particulier; c'est elle d'abord qui me l'a fait choisir entre tant d'autres, et j'oserais presque dire qu'elle lui sert de pr��ambule...
Il alluma son cigare, en tira quelques bouff��es, et parla.
II
--Messieurs, la difficult�� que j'��prouve en commen?ant, est de me conformer �� la r��gle qui veut que nous donnions �� nos personnages des noms suppos��s. Je ne suis pas un romancier; je n'ai aucune imagination. J'aimerais, je l'avoue, conserver a mon h��ro?ne ce nom de ?madame des Gaudr��es? auquel nous sommes d��j�� accoutum��s.
--C'est impossible! s'��cria Bri?onnet, c'est inconvenant �� l'��gard de mes propres souvenirs. Eh! sais-je de quel opprobre vous allez charger vos personnages? En outre, c'est tendancieux, car par l�� vous favorisez votre th��se de l'identit�� entre ma brune et votre blonde!
--Soit, dit Bernereau. Dire qu'il va me falloir baptiser tout mon monde! J'ai envie d'appeler ces gens-l�� Un, Deux, Trois,
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