Le cycle patibulaire | Page 8

Georges Eekhoud
l'implacable espace, mais surtout dans notre accablant silence trahissant une g��ne r��ciproque et mettant entre nous un secret ou plut?t une s��cr��tion.
Sans souci des repr��sailles annonc��es par la terrienne, pour te donner contenance, tu compl��tais ta moisson d'am��thystes fleuries. Que craindre encore? Un essaim d'abeilles autrement farouches et gloutonnes t'avait guign��e et menac��e l��-bas, au tournant du cimeti��re.
Tacitement nous pr?mes un autre chemin pour regagner la grand'route banale et le non moins banal railway.
En retournant sur nos pas, nous n'aurions plus trouv��, assembl��s au carrefour, tes inqui��tants admirateurs.... Pourquoi ��prouvais-je le besoin de mettre des lieues entre nous et le tilleul de Zoersel? Plus nous nous en ��loignions, plus l'arbre tut��laire et sa nich��e de rustres florissants m'obstruaient la m��moire.
Et, durant toute cette journ��e de path��tique vill��giature, tant au d��part qu'au retour, la nature panth��e fut de connivence avec nous, ou mieux, elle nous tourmenta de son malaise, de sa crise, de sa passion sourde qui n'��clatait pas.
Et nous nous boudions, par contagion, comme le soleil boudait la terre; et nous aspirions �� je ne sais quel redoutable inconnu!
H��las, pauvres nous, venus dans cette contr��e vivifiante pour y rago?ter notre mutuelle tendresse, sentions s'y fondre, s'y an��antir, tout ce qui nous restait d'ardeur l'un pour l'autre! Nous ne nous suffisions plus....
Le souvenir d'un stupide article de journal! Telle l'origine de notre inavouable malentendu.
Les ��l��ments avaient pris un malin plaisir �� entretenir, d'heure en heure, ce germe de dissentiment, en me sugg��rant d��s la descente du tramway, une anormale et pernicieuse admiration pour les destructeurs.
L'aspect sous lequel s'annon?a leur contr��e justifia leur excessive originalit��. Sous peine de discordance, c'��tait bien ainsi que devaient se comporter envers les civilis��s les terriens de ce terroir! Ils ne pouvaient mentir �� leur milieu farouche et hallucinant.
L'apr��s-midi d��clinait lorsque nous nous aventurames dans la vaste ?Bruy��re des Vanneaux?.
Il avait fait, je ne saurais assez insister sur ce point, gris, opaque et ��nervant, tout le jour, avec des ��claircies ambigu?s, des sourires faux, des rages en dedans. La temp��rature affectait des accablements et des suffocations, comme d'un coeur qui voudrait s'ouvrir mais qui n'ose, et qui se dissout faute de s'��pancher.
Et voil�� que, tout �� coup, le soleil boudeur et taquin, las de son jeu cruel et de ses ��ternelles refuites, sur le point de quitter l'horizon, se d��cida �� en finir une bonne fois avec sa victime et, d��chirant enfin sa tunique de nuages, vautra la plaine, navr��e, mit l'horizon �� feu et �� sang, consomma son rouge viol.
Alors seulement, ch��re ange, d��barrass�� de mon id��e fixe, de ma d��l��t��re obsession, je te jetai �� la d��rob��e un regard de compassion et de tendresse, tandis que la bruy��re t'��claboussait de ses rubis....
Et ce fut comme si quelque victime d'expiation venait d'��tre livr��e �� ta place, aux amoureux en peine, sous le tilleul fatidique.

HIEP-HIOUP!
La ferme du Boschhof ou ?Maison Foresti��re? ��tait situ��e entre Wortel et Ippenroy.
Pays d��sol�� mais plein de caract��re, comme disent les peintres d'aujourd'hui: des bruy��res couleur de rouille, des sapins d'un vert noiratre, des gen��ts d'or, ?�� et l�� un de ces marais glauques et fig��s, entour��s de gen��vriers, que nos paysans appellent vennes, de rares ch��nayes, des cultures plus rares, trois ou quatre clochers ayant l'air de se faire des signaux par-dessus des lieues de landes, et presque toujours un grand ciel nuageux, aussi mobile, aussi tourment�� que la plaine est qui��te et amortie.
Le contraste s'��tend du d��cor �� la population: au noyau des habitants primitifs, gens r��sign��s et laborieux, sont venus s'ajouter, �� cause du voisinage de la fronti��re hollandaise et du D��p?t de mendicit�� d'Hoogstraeten, quelques rafal��s, d'humeur moins chr��tienne, vivant de contrebande, de braconnage et de maraude.
Les Overmaat, habitants du Boschhof, de p��re en fils, fermiers et gardes forestiers des comtes de Thyme, grande famille n��erlandaise aujourd'hui ��teinte, passaient pour les paysans les plus ais��s de la contr��e.
Jakk�� Overmaat, le dernier garde, ��tait un superbe gaillard de vingt-cinq ans. ?Solide comme le ch��ne, droit comme le sapin, sain comme les bruy��res!? dit-on l��-bas de ceux de sa trempe. La mort subite de son p��re et d'un a?n�� qui devait h��riter des fonctions paternelles rappela Jakk�� du s��minaire de Malines o��, comme la plupart des cadets de fermiers flamands, il se pr��parait �� devenir cur��. Il rapporta du coll��ge des mani��res d��f��rentes, et les livres avaient fait lever dans son imagination ce grain de merveilleux qui germe au fond de toute ame campinoise.
L'air r��serv��, plus grave que son age, il ��tait une sorte d'oracle pour sa paroisse. Le caract��re eccl��siastique qu'il avait failli rev��tir ajoutait �� son prestige. Les r��fractaires m��me vantaient son humanit�� et son esprit de justice. S'il tenait �� distance les familiers, il ne se connaissait aucun ennemi et pas une m��re qui ne l'e?t r��v�� pour gendre.
Sa vieille m��re �� lui aurait bien d��sir�� qu'il se
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