Le culte du moi 3 | Page 4

Maurice Barrès
��talon!
C'est un r��ve qui s'applique excellemment au g��n��ral Boulanger.
--Mais, dit Chincholle un peu d��?u, le g��n��ral est vieux.
--Chincholle, vous prenez les choses trop �� la lettre; j'ai d��j�� remarqu�� cette tendance de votre esprit. Je veux dire qu'�� Boulanger, non vainqueur en d��pit de ses excellentes performances, succ��dera Boulanger II; je veux dire que jamais une force ne se perd, simplement elle se transforme.
R��fl��chissez un peu l��-dessus, ?a vous ��pargnera dans la suite de trop violentes d��sillusions.
--Si je vous ai bien suivi, r��suma Chincholle qui avait pris des notes, vous refusez de prendre position dans l'un ou l'autre parti, mais vous estimez que, pour le pays, et m��me pour ceux qui se m��lent �� la lutte, il y a tout avantage dans ces recherches contradictoires, fussent-elles les plus violentes du monde.
Vous croyez aussi qu'aucune force ne se perd, et que l'effort du peuple, quoique sa direction soit assez incertaine, aboutira. A qui sera-t-il donn�� de repr��senter ces aspirations? voil�� tout le probl��me tel que vous le limitez.
Eh bien! mon cher ma?tre, pourquoi, vous-m��me ne collaborez-vous pas �� cette tache de donner un sens au mouvement populaire, de l'interpr��ter comme vous dites, ou encore de lui donner les formes qu'il vivifierait? Pourquoi �� des ambitieux inf��rieurs laisser d'aussi nobles soins?
--Mes raisons sont nombreuses, r��pondit M. Renan visiblement fatigu��, mais je n'ai pas �� vous les d��tailler, une seule suffira: mon hygi��ne s'oppose �� ce que je d��sire voir modifier avant que je meure la forme de nos institutions.
* * * * *
CHAPITRE DEUXI��ME
PHILIPPE RETROUVE DANS ARLES B��R��NICE, DITE PETITE-SECOUSSE
La conversation de ces messieurs m'��claira brusquement sur mon besoin d'activit�� et sur les moyens d'y satisfaire.
Ayant fait les d��marches convenables et discut�� avec les personnes qui savent le mieux la g��ographie, c'est la circonscription d'Arles que je choisis.
Le lendemain de mon arriv��e dans cette ville, comme je d?nais seul �� l'h?tel, une jeune femme entra, v��tue de deuil, d'une figure d��licate et voluptueuse, qui, tr��s entour��e par les gar?ons, alla s'asseoir �� une petite table. Tandis qu'elle mangeait des olives d'un air r��veur, avec les fa?ons presque d'une enfant: ?Quel gracieux m��canisme, ces ��tres-l��, me, disais-je, et qu'un de leurs gestes ais��s renferme plus d'��motion que les meilleures strophes des lyriques!?
Puis soudain, nos yeux s'��tant rencontr��s:
--Tiens, m'��criai-je, Petite-Secousse!
J'allai �� elle. Elle me donna joyeusement ses deux mains.
--Mon vieil ami!
Mais aussit?t, songeant que ce mot de vieil ami pouvait m'offenser, avec sa d��licatesse de jeune fille qui a ��t�� ��lev��e par des vieillards, elle ajouta:
--Vous n'avez pas chang��.
Elle m'expliqua qu'elle habitait Aigues-Mortes, �� trois heures d'Arles o�� elle venait de temps �� autre pour des emplettes.
--Mais vous-m��me? me dit-elle.
J'eus une minute d'h��sitation. Comment me faire entendre d'elle, qui lit peu les journaux. Je r��pondis, me mettant �� sa port��e:
--Je viens, parce que je suis contre les abus.
Quand elle eut compris, elle me dit, un peu effray��e:
--Mais vous ne craignez pas de vous faire destituer?
Voil�� bien la femme, me disais-je; elle a le sentiment de la force et voudrait que chacun se courbat. Il m'appartient d'avoir plus de bravoure civique.
--D'ailleurs, ajoutai-je, je n'ai pas de position.
Je vis bien qu'elle s'appliquait �� ne pas m'en montrer de froideur.
--Je vous disais cela, reprit-elle, parce que M. Charles Martin, l'ing��nieur, ne peut pas protester, quoiqu'il reconnaisse bien qu'on me fait des abus: ses chefs le casseraient.
--Charles Martin! m'��criai-je, mais c'est mon adversaire!
Et je lui expliquai qu'��tant all��, d��s mon arriv��e, au comit�� r��publicain, j'avais ��t�� trait�� tout �� la fois de radical et de r��actionnaire par Charles Martin, qui s'��tait ��chauff�� jusqu'�� brandir une chaise au-dessus de ma t��te en s'��criant: ?Moi, Monsieur, je suis un r��publicain mod��r��!?
--Vous m'��tonnez, me r��pondit-elle, car c'est un gar?on bien ��lev��.
Nous ��changeames ainsi divers propos, peu significatifs, jusqu'�� l'heure de son train, mais quand je la mis en voiture, elle me rappela soudain la petite fille d'autrefois, car dans la nuit, elle m'embrassa en pleurant:
--Promets-moi de venir �� Aigues-Mortes, disait-elle tout bas. Je te raconterai comme j'ai eu des tristesses.
* * * * *
CHAPITRE TROISI��ME
HISTOIRE DE B��R��NICE.--COMMENT PHILIPPE CONNUT PETITE-SECOUSSE
Il n'est pas un d��tail de la biographie de B��r��nice,--Petite-Secousse, comme on l'appelait �� l'��den--qui ne soit choquant; je n'en garde pourtant que des sensations tr��s fines. Cette petite libertine, entrevue �� une ��poque fort maussade de ma vie, m'a laiss�� une image tendre et ��l��gante, que j'ai serr��e de c?t��, comme jadis ces oeufs d�� Paques dont les couleurs m'��mouvaient si fortement que je ne voulais pas les manger.
Je l'ai connue, avais-je dix-neuf ans? �� la suite d'une longue discussion sur l'ironie, ennemie de l'amour et m��me de la sensualit��: ?Les femmes, me disait un aimable homme, qui dans la suite devint gaga, les femmes sont maladroites. Parce qu'il arrive souvent qu'elles ont les yeux jolis, elles n��gligent de les fermer quand cela conviendrait, elles voient des choses qui les font
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