coupe, s'��cria Renan; c'est les injures que je pr��f��re dans le mouvement boulangiste et je veux vous en dire les raisons.
Oui, cher Monsieur, je pense peu de bien des jeunes gens qui n'entrent pas dans la vie l'injure �� l�� bouche. Beaucoup nier a vingt ans, c'est signe de f��condit��. Si la jeunesse approuvait int��gralement ce que ses a?n��s ont constitu��, ne reconna?trait-elle pas d'une fa?on implicite que sa venue en ce monde fut inutile? Pourquoi vivre, s'il nous est interdit de composer des r��publiques id��ales? Et quand nous avons celles-ci dans la t��te, comment nous satisfaire de celle o�� nous vivons? Rien de plus mauvais pour la patrie que l'accord unanime sur ces questions essentielles du gouvernement. C'est s'interdire les am��liorations, c'est ruiner l'avenir.
Sans doute il est difficile de comprendre, sans y avoir s��rieusement r��fl��chi, toute l'utilit�� des injures. Mais prenons un exemple: nul doute que M. Ferry ne soit enchant�� qu'on le tra?ne dans la boue. ?a l'��claire sur lui-m��me. En effet, il est bien ��vident qu'entre les louanges de ses partisans et les ��pith��tes des boulangistes, la v��rit�� est cern��e. Peut-��tre, apr��s les renseignements que publient ses journaux sur le Tonkin, ��tait-il dispos�� �� s'estimer trop haut, mais quand il lit les articles de Rochefort, nul doute qu'il ne s'��crie: ?L'excellent penseur! Si je me trompe sur moi-m��me, il est dans le vrai. Les int��r��ts de la v��rit�� sont gard��s �� pique et �� carreau! Grande satisfaction pour un patriote!
J'ajoute que le lettr�� se consolerait malais��ment d'��tre priv�� de nos pol��miques actuelles, o�� la logique est fortifi��e d'une savate tr��s particuli��re.
Ayant ainsi parl��, M. Renan se mit �� tourner ses pouces en regardant Chincholle avec un profond int��r��t.
Celui-ci, renvers�� en arri��re, riait tout �� son aise, et je vis bien qu'il se retenait avec peine de devenir familier.
--Mon cher ma?tre, disait-il, cher ma?tre, vous ��tes un philosophe, un po��te, oui, vraiment un po��te.
--Me prendre pour un r��veur, mon cher monsieur Chincholle, pour un id��aliste emport�� par la chim��re! ce serait mal me conna?tre. Ce ne sont pas seulement les int��r��ts sup��rieurs des groupes humains qui me convainquent de l'utilit�� des injures, j'ai pes�� aussi le bonheur de l'individu, et je d��clare que, pour un homme dans la force de l'age, c'est un grand malheur de ne pas trouver un plus petit que soi �� injurier.
Il est n��cessaire qu'�� mi-chemin de son d��veloppement le litt��rateur ou le politicien cesse de pourchasser son pr��d��cesseur afin d'assommer le plus possible de ses successeurs. C'est ce qu'on appelle devenir un mod��r��, et cela convient tout �� fait au midi de la vie. Cette transformation est indispensable dans la carri��re d'un homme qui a le d��sir bien l��gitime de r��ussir. Le secret de ce continuel insucc��s que nous voyons �� beaucoup de politiciens et d'artistes ��minents, c'est qu'ils n'ont pas compris cette n��cessit��. Ils ne furent jamais les r��actionnaires de personne; toute leur vie, ils s'obstin��rent �� marcher �� l'avant-garde, comme ils le faisaient �� vingt ans. C'est une grande folie qu'un enthousiasme aussi prolong��. Pour l'ordinaire un fou trouve �� quarante ans un plus fou, grace �� qui il para?t raisonnable. C'est l'heureux cas o�� nos boulangistes mettent les r��volutionnaires de la veille.
--Oui, soupira Chincholle, je vois bien les avantages pour le pays et m��me pour certains antiboulangistes, mais ... voil��! le g��n��ral r��ussira-t-il?
--Je vous surprends dans des pr��occupations un peu mesquines. Mais j'entre dans votre souci, apr��s tout explicable et tr��s humain. Et je vous dis: Si vous marchez avec la partie forte, avec l'instinct du peuple, qu'avez-vous �� craindre? Vous n'avez qu'�� suivre les secousses de l'opinion; toujours la v��rit�� en sort et le succ��s. Les mouvements que fait instinctivement la femme qui enfante sont pr��cis��ment les mouvements les plus sages et qui peuvent le mieux l'aider. Que vous inqui��tiez-vous tout �� l'heure de savoir si le g��n��ral Boulanger a du g��nie! L'essentiel, c'est de ne pas contrarier l'enfantement et de laisser faire l'instinct populaire.
Dans les loteries, on prend la main d'un enfant pour proclamer le hasard. Il n'y a pas de hasard, mais un ensemble de causes infiniment nombreuses qui nous ��chappent et qui am��nent ces num��ros vari��s qui sont les ��v��nements historiques. Le long des si��cles, les plus graves ��v��nements sont pr��sent��s �� l'historien par des mains qui vous feraient sourire, Chincholle.
Mais, tenez, pour achever de vous rassurer, je vais vous dire un r��ve que j'ai fait.
Par quelles circonstances avais-je ��t�� amen�� �� me rendre sur un hippodrome, cela est inutile �� vous raconter. Cette foule, cette passion me fatigu��rent; je dormis d'un sommeil un peu fi��vreux, j'eus des r��ves et entre autres celui-ci:
J'��tais cheval, un bon cheval de courses, mais rien de plus; je n'arrivais jamais le premier. Cependant je me r��signais, et pour me consoler je me disais: Tout de m��me, je ferai un bon
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