la justesse des
cadences, mais en même temps de le persuader par la force de la
doctrine. Oui, l'art d'écrire doit contenter ce double besoin de musique
et de géométrie que nous portons, à la française, dans une âme bien
faite.... Ah! mon Dieu! ce pauvre petit livre, qu'il est loin de satisfaire à
cette magnifique ambition! Il a du moins de la jeunesse, de la fierté
sans aucun théâtral et ne rétrécit pas le coeur.
Juillet 1904.
[note 1: Les Débats du 13 décembre 1890: les Ironistes, par Paul
Desjardins.]
[note 2: Voir à l'Appendice: Une réponse à M. Doumic: Pas de veau
gras.]
* * * * *
DÉDICACE
* * * * *
A QUELQUES COLLÉGIENS
DE PARIS ET DE LA PROVINCE
J'OFFRE CE LIVRE
J'écris pour les enfants et les tout jeunes gens. Si je contentais les
grandes personnes, j'en aurais de la vanité, mais il n'est guère utile
qu'elles me lisent. Elles ont fait d'elles-mêmes les expériences que je
vais noter, elles ont systématisé leur vie, ou bien elles ne sont pas nées
pour m'entendre. Dans l'un et l'autre cas, cette lecture leur sera
superflue.
Les collégiens sont à peu près les seuls êtres qu'on puisse plaindre.
Encore la moitié d'entre eux sont-ils des petits goujats qui
empoisonnent la vie de leurs camarades. Nous autres adultes, nous
nous isolons, nous nous distrayons selon le système qui nous paraît
convenable. Au collège, ils sont soumis à une discipline qu'ils n'ont pas
choisie: cela est abominable. J'ai relevé avec piété, depuis six à sept
ans, les noms des enfants qui se sont suicidés. C'est une longue liste
que je n'ose pas publier. J'aurais aimé dédier à leur mémoire ce petit
livre, mais il m'a paru que j'irais contre leurs intentions, en répandant
leurs noms dans la vie.
S'ils m'avaient lu, je crois qu'ils n'auraient pas pris une résolution
aussi extrême. Ces âmes délicates et paresseuses étaient évidemment
mal renseignées. Elles crurent qu'il y a du sérieux au monde. Elles
attachaient de l'importance à cinq ou six choses: en ayant éprouvé du
désagrément, elles reculèrent hors de la vie. L'essentiel est de se
convaincre qu'il n'y a que des manières de voir, que chacune d'elles
contredit l'autre, et que nous pouvons, avec un peu d'habileté, les avoir
toutes sur un même objet. Ainsi nous amoindrissons nos mortifications
à penser quelles sont causées par rien du tout, et nous arrivons à
souffrir très peu.
Parce qu'il détaille ces principes et les illustre de petits exemples
empruntés à l'ordinaire de l'existence, mon livre, je crois, est appelé à
rendre service.
Quelques amis que j'ai dans la politique m'ont affirmé qu'aux siècles
derniers les esprits de notre race, je veux dire les esprits religieux, se
plaisaient déjà à faire des prosélytes. Ils enfermaient parfois les esprits
épais dans une chambre de fer chauffée au rouge. Le matérialiste en
était réduit à sauter précipitamment sur l'un et l'autre pied, jusqu'à ce
qu'il eût modifié sa conception de l'univers. C'est ainsi que la
Providence en agit encore aujourd'hui pour nous rendre idéalistes.
Notre sentiment élevé du problème de la vie est fait de notre inquiétude
perpétuelle. Nous ne savons sur quel pied danser.
Dans cette disgrâce je goûte un plaisir réel. Chercher continuellement
la paix et le bonheur, avec la conviction qu'on ne les trouvera jamais,
c'est toute la solution que je propose. Il faut mettre sa félicité dans les
expériences qu'on institue, et non dans les résultats qu'elles semblent
promettre. Amusons-nous aux moyens, sans souci du but. Nous
échapperons ainsi au malaise habituel des enfants honorables, qui est
dans la disproportion entre l'objet qu'ils rêvaient et celui qu'ils
atteignent.
Jérôme Paturot désirait un peu vivement une position sociale. C'est
d'une petite âme. Il eût été plus heureux s'il avait suivi ma méthode,
s'égayant de ses recherches et n'attachant jamais la moindre
importance aux buts qu'il poursuivait! Il eut de curieuses aventures: il
n'y prit pas de plaisir. C'est faute d'avoir possédé ma philosophie. Je
vais parmi les hommes, le coeur défiant et la bouche dégoûtée; j'hésite
perpétuellement entre les rêves de Paturot et ceux des mystiques: les
uns et les autres comme moi s'agitent, parce que l'ordinaire de la vie ne
peut les satisfaire. Mais j'ai souvent pensé qu'entre tous, Ignace de
Loyola avait montré le plus de génie, et je le dis le prince des
psychologues, parce qu'il déclare à la dernière ligne de ses Exercices
spirituels, ou suite de mécaniques pour donner la paix à l'âme: «Et
maintenant le fidèle n'a plus qu'à recommencer.»
Cela est admirable. Vous travaillez depuis des mois à trouver le
bonheur, vous pensez l'avoir enfin conquis; c'est quand vous le désiriez
si fort que vous l'avez le plus approché; recommencez maintenant!
Faisons des rêves chaque matin, et avec une extrême énergie, mais
sachons qu'ils n aboutiront pas. Soyons
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.