Le comte de Monte-Cristo, Tome I | Page 8

Alexandre Dumas, père
s'��levait, derri��re une butte nue et rong��e par le soleil et le mistral, le village des Catalans.
Un jour, une colonie myst��rieuse partit de l'Espagne et vint aborder �� la langue de terre o�� elle est encore aujourd'hui. Elle arrivait on ne savait d'o�� et parlait une langue inconnue. Un des chefs, qui entendait le proven?al, demanda �� la commune de Marseille de leur donner ce promontoire nu et aride, sur lequel ils venaient, comme les matelots antiques, de tirer leurs batiments. La demande lui fut accord��e, et trois mois apr��s, autour des douze ou quinze batiments qui avaient amen�� ces boh��miens de la mer, un petit village s'��levait.
Ce village construit d'une fa?on bizarre et pittoresque, moiti�� maure, moiti�� espagnol, est celui que l'on voit aujourd'hui habit�� par des descendants de ces hommes, qui parlent la langue de leurs p��res. Depuis trois ou quatre si��cles, ils sont encore demeur��s fid��les �� ce petit promontoire, sur lequel ils s'��taient abattus, pareils �� une bande d'oiseaux de mer, sans se m��ler en rien �� la population marseillaise, se mariant entre eux, et ayant conserv�� les moeurs et le costume de leur m��re patrie, comme ils en ont conserv�� le langage.
Il faut que nos lecteurs nous suivent �� travers l'unique rue de ce petit village, et entrent avec nous dans une de ces maisons auxquelles le soleil a donn��, au-dehors, cette belle couleur feuille morte particuli��re aux monuments du pays, et, au-dedans, une couche de badigeon, cette teinte blanche qui forme le seul ornement des posadas espagnoles.
Une belle jeune fille aux cheveux noirs comme le jais, aux yeux velout��s comme ceux de la gazelle, tenait debout, adoss��e �� une cloison, et froissait entre ses doigts effil��s et d'un dessin antique une bruy��re innocente dont elle arrachait les fleurs, et dont les d��bris jonchaient d��j�� le sol; en outre, ses bras nus jusqu'au coude, ses bras brunis, mais qui semblaient model��s sur ceux de la V��nus d'Arles, fr��missaient d'une sorte d'impatience f��brile, et elle frappait la terre de son pied souple et cambr��, de sorte que l'on entrevoyait la forme pure, fi��re et hardie de sa jambe, emprisonn��e dans un bas de coton rouge �� coins gris et bleus.
�� trois pas d'elle, assis sur une chaise qu'il balan?ait d'un mouvement saccad��, appuyant son coude �� un vieux meuble vermoulu, un grand gar?on de vingt �� vingt-deux ans la regardait d'un air o�� se combattaient l'inqui��tude et le d��pit; ses yeux interrogeaient, mais le regard ferme et fixe de la jeune fille dominait son interlocuteur.
?Voyons, Merc��d��s, disait le jeune homme, voici Paques qui va revenir, c'est le moment de faire une noce, r��pondez-moi!
--Je vous ai r��pondu cent fois, Fernand, et il faut en v��rit�� que vous soyez bien ennemi de vous-m��me pour m'interroger encore!
--Eh bien, r��p��tez-le encore, je vous en supplie, r��p��tez-le encore pour que j'arrive �� le croire. Dites-moi pour la centi��me fois que vous refusez mon amour, qu'approuvait votre m��re; faites-moi bien comprendre que vous vous jouez de mon bonheur, que ma vie et ma mort ne sont rien pour vous. Ah! mon Dieu, mon Dieu! avoir r��v�� dix ans d'��tre votre ��poux, Merc��d��s, et perdre cet espoir qui ��tait le seul but de ma vie!
--Ce n'est pas moi du moins qui vous ai jamais encourag�� dans cet espoir, Fernand, r��pondit Merc��d��s; vous n'avez pas une seule coquetterie �� me reprocher �� votre ��gard. Je vous ai toujours dit: ?Je vous aime comme un fr��re, mais n'exigez jamais de moi autre chose que cette amiti�� fraternelle, car mon coeur est �� un autre.? Vous ai-je toujours dit cela, Fernand?
--Oui, je le sais bien, Merc��d��s, r��pondit le jeune homme; oui, vous vous ��tes donn��, vis-��-vis de moi, le cruel m��rite de la franchise; mais oubliez-vous que c'est parmi les Catalans une loi sacr��e de se marier entre eux?
--Vous vous trompez, Fernand, ce n'est pas une loi, c'est une habitude, voil�� tout; et, croyez-moi, n'invoquez pas cette habitude en votre faveur. Vous ��tes tomb�� �� la conscription, Fernand; la libert�� qu'on vous laisse, c'est une simple tol��rance; d'un moment �� l'autre vous pouvez ��tre appel�� sous les drapeaux. Une fois soldat, que ferez-vous de moi, c'est-��-dire d'une pauvre fille orpheline, triste, sans fortune, poss��dant pour tout bien une cabane presque en ruine, o�� pendent quelques filets us��s, mis��rable h��ritage laiss�� par mon p��re �� ma m��re et par ma m��re �� moi? Depuis un an qu'elle est morte, songez donc, Fernand, que je vis presque de la charit�� publique! Quelquefois vous feignez que je vous suis utile, et cela pour avoir le droit de partager votre poche avec moi; et j'accepte, Fernand, parce que vous ��tes le fils d'un fr��re de mon p��re, parce que nous avons ��t�� ��lev��s ensemble et plus encore parce que, par-dessus tout, cela vous ferait trop de peine si je vous
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