Le comte de Monte-Cristo, Tome I | Page 9

Alexandre Dumas, père
refusais. Mais je sens bien que ce poisson que je vais vendre et dont je tire l'argent avec lequel j'ach��te le chanvre que je file, je sens bien, Fernand, que c'est une charit��.
--Et qu'importe, Merc��d��s, si, pauvre et isol��e que vous ��tes, vous me convenez ainsi mieux que la fille du plus fier armateur ou du plus riche banquier de Marseille! �� nous autres, que nous faut-il? Une honn��te femme et une bonne m��nag��re. O�� trouverais-je mieux que vous sous ces deux rapports?
--Fernand, r��pondit Merc��d��s en secouant la t��te, on devient mauvaise m��nag��re et on ne peut r��pondre de rester honn��te femme lorsqu'on aime un autre homme que son mari. Contentez-vous de mon amiti��, car, je vous le r��p��te, c'est tout ce que je puis vous promettre, et je ne promets que ce que je suis s?re de pouvoir donner.
--Oui, je comprends, dit Fernand; vous supportez patiemment votre mis��re, mais vous avez peur de la mienne. Eh bien, Merc��d��s, aim�� de vous, je tenterai la fortune; vous me porterez bonheur, et je deviendrai riche: je puis ��tendre mon ��tat de p��cheur; je puis entrer comme commis dans un comptoir; je puis moi-m��me devenir marchand!
--Vous ne pouvez rien tenter de tout cela, Fernand; vous ��tes soldat, et si vous restez aux Catalans, c'est parce qu'il n'y a pas de guerre. Demeurez donc p��cheur; ne faites point de r��ves qui vous feraient para?tre la r��alit�� plus terrible encore, et contentez-vous de mon amiti��, puisque je ne puis vous donner autre chose.
--Eh bien, vous avez raison, Merc��d��s, je serai marin; j'aurai, au lieu du costume de nos p��res que vous m��prisez, un chapeau verni, une chemise ray��e et une veste bleue avec des ancres sur les boutons. N'est-ce point ainsi qu'il faut ��tre habill�� pour vous plaire?
--Que voulez-vous dire? demanda Merc��d��s en lan?ant un regard imp��rieux, que voulez-vous dire? Je ne vous comprends pas.
--Je veux dire, Merc��d��s, que vous n'��tes si dure et si cruelle pour moi que parce que vous attendez quelqu'un qui est ainsi v��tu. Mais celui que vous attendez est inconstant peut-��tre, et, s'il ne l'est pas, la mer l'est pour lui.
--Fernand, s'��cria Merc��d��s, je vous croyais bon et je me trompais! Fernand, vous ��tes un mauvais coeur d'appeler �� l'aide de votre jalousie les col��res de Dieu! Eh bien, oui, je ne m'en cache pas, j'attends et j'aime celui que vous dites, et s'il ne revient pas, au lieu d'accuser cette inconstance que vous invoquez, vous, je dirai qu'il est mort en m'aimant.?
Le jeune Catalan fit un geste de rage.
?Je vous comprends, Fernand: vous vous en prendrez �� lui de ce que je ne vous aime pas; vous croiserez votre couteau catalan contre son poignard! �� quoi cela vous avancera-t-il? �� perdre mon amiti�� si vous ��tes vaincu, �� voir mon amiti�� se changer en haine si vous ��tes vainqueur. Croyez-moi, chercher querelle �� un homme est un mauvais moyen de plaire �� la femme qui aime cet homme. Non, Fernand, vous ne vous laisserez point aller ainsi �� vos mauvaises pens��es. Ne pouvant m'avoir pour femme, vous vous contenterez de m'avoir pour amie et pour soeur; et d'ailleurs, ajouta-t-elle, les yeux troubl��s et mouill��s de larmes, attendez, attendez, Fernand: vous l'avez dit tout �� l'heure, la mer est perfide, et il y a d��j�� quatre mois qu'il est parti; depuis quatre mois j'ai compt�� bien des temp��tes!?
Fernand demeura impassible; il ne chercha pas �� essuyer les larmes qui roulaient sur les joues de Merc��d��s; et cependant, pour chacune de ces larmes, il e?t donn�� un verre de son sang; mais ces larmes coulaient pour un autre.
Il se leva, fit un tour dans la cabane et revint, s'arr��ta devant Merc��d��s, l'oeil sombre et les poings crisp��s.
?Voyons, Merc��d��s, dit-il, encore une fois r��pondez: est-ce bien r��solu?
--J'aime Edmond Dant��s, dit froidement la jeune fille, et nul autre qu'Edmond ne sera mon ��poux.
--Et vous l'aimerez toujours?
--Tant que je vivrai.?
Fernand baissa la t��te comme un homme d��courag��, poussa un soupir qui ressemblait �� un g��missement; puis tout �� coup relevant le front, les dents serr��es et les narines entrouvertes:
?Mais s'il est mort?
--S'il est mort, je mourrai.
--Mais s'il vous oublie?
--Merc��d��s! cria une voix joyeuse au-dehors de la maison, Merc��d��s!
--Ah! s'��cria la jeune fille en rougissant de joie et en bondissant d'amour, tu vois bien qu'il ne m'a pas oubli��e, puisque le voil��!?
Et elle s'��lan?a vers la porte, qu'elle ouvrit en s'��criant:
?�� moi, Edmond! me voici.?
Fernand, pale et fr��missant, recula en arri��re comme fait un voyageur �� la vue d'un serpent, et rencontrant sa chaise, il y retomba assis.
Edmond et Merc��d��s ��taient dans les bras l'un de l'autre. Le soleil ardent de Marseille, qui p��n��trait �� travers l'ouverture de la porte, les inondait d'un flot de lumi��re. D'abord ils ne virent rien de ce qui les entourait. Un immense bonheur les isolait du monde, et
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