Le chasseur noir | Page 6

Émile Chevalier
Celui qui sent une piste doit aller vite; comme l'ombre il doit passer d'un point �� un autre et aussi mollement que l'ombre.
--Je vous ob��irai, dit tristement S��bastien. Mais promettez moi de faire bien attention et de ne pas me priver de mon unique protecteur.
--Je le promets. La t��m��rit�� et l'imprudence seraient nuisibles. Je ne courrai aucun risque... si je puis. Je serai subtil comme le serpent, dangereux autant que possible. Appelle les chiens; qu'ils ne viennent pas avec moi!
Le jeune gar?on partit avec r��pugnance et remonta lentement vers le plateau, tandis que Nicolas descendait rapidement �� la vall��e.
Le soleil ��teignait ses feux �� l'horizon et les brumes du cr��puscule se tra?naient d��j�� dans les gorges de la montagne. Le trappeur atteignit une piste fra?che. Il s'y arr��ta un moment, inspecta sa carabine et son ��quipement, serra sa ceinture et reprit sa marche comme un homme qui a pris un grand parti. Ses allures fermes et s?res prouvaient que la contr��e lui ��tait famili��re.
--Je sais �� peu pr��s o�� ils iront, se disait-il; ��tant �� cheval, ils seront oblig��s de longer les sinuosit��s de la vall��e. Mais je trouverai un chemin plus court.
Cessant alors de suivre les ondulations du terrain, il coupa droit �� travers l'��peron de la montagne. Pendant deux heures, il parcourut un pays, tant?t montueux, tant?t mar��cageux et inaccessible aux pieds inexp��riment��s; au bout de ce temps, il ��tait au terme de son excursion.
C'��tait un vallon entre deux montagnes et arros�� par un petit tributaire de la branche orientale de la Saskatchaouane. Sur la rive sud s'��tendait une passe ��troite �� demi masqu��e par des rochers et des buissons. Cette passe menait aux prairies de la Saskatchaouane et aux territoires de chasses des Pieds-noirs.
Deux cavaliers ne pouvaient marcher de front dans ce sentier.
D'apr��s les calculs du trappeur Nicolas, les Indiens et le prisonnier devaient passer l�� pour se rendre �� leur village. Il r��solut de se poster pr��s de l'eau, et de les attendre, car il esp��rait qu'en arrivant, ils abreuveraient leurs chevaux et peut-��tre feraient une halte avant de se remettre en route.
Une grosse roche couverte de mousse et entour��e de halliers ��pais de mesquites se dressait sur la rive. Nicolas se blottit derri��re.
La nuit devenait plus noire. Les cha?nes de montagnes s'ab?maient dans ses plis ��pais.
Le val ressemblait �� un temple d��sert dont les passes et les d��fil��s ��taient les ailes myst��rieuses; les rochers abrupts, les murs rong��s par le temps, et le ciel sans ��toiles, le d?me immense.
La pr��vision du chasseur se r��alisa.
Un pi��tinement de chevaux, assourdi, lointain d'abord, clair et plus rapproch�� ensuite, se fit bient?t entendre.
Les sc��nes et les incidents de la vie du d��sert n'affectent pas les nerfs d'un trappeur aguerri, comme ceux de l'homme sortant des ��tablissements civilis��s. Aussi, Nicolas re?ut-il avec son calme habituel ces signes de l'arriv��e des sauvages.
Dans certaines circonstances sang-froid vaut bravoure. Il permet de saisir tous les avantages et d'en profiter.
P��n��trant dans le vallon, les sauvages march��rent �� la rivi��re qu'ils travers��rent imm��diatement. Ce mouvement les conduisit tout pr��s de la retraite que s'��tait choisie le trappeur. Ils ��chang��rent ensuite quelques mots dans leur idiome, mirent pied �� terre, et firent boire leurs chevaux en les tenant par la bride.
Effray�� de quelque objet insolite, l'animal que montait le prisonnier recula jusque vers le fourr�� de mesquites o�� se tenait tapi Nicolas.
Le guerrier aux sept plumes, qui ��tait le chef du parti, fit peu attention �� ce d��tail; toute tentative d'��vasion de ce c?t�� semblait du reste compl��tement inutile, car nul, si audacieux qu'il f?t n'aurait os�� pousser un cheval sur cette mont��e rocheuse, presque perpendiculaire.
Pour le trappeur c'��tait, toutefois, un moment propice. La providence favorisait apparemment ses intentions.
Les Indiens se tenaient toujours immobiles pr��s de la rivi��re.
D��buchant �� demi de sa cachette et tirant de sa gaine un couteau bien affil��, Nicolas se disposa �� ex��cuter son hardi projet.
Un tressaillement, une exclamation pouvait le trahir. Il imita le sifflement du serpent.
Le captif tourna l��g��rement la t��te, Nicolas saisit,--qu'on nous pardonne l'expression,--l'occasion aux cheveux.
--Trappeur, souffla-t-il tout bas, un ami est l��, soyez sur vos gardes!
Si faiblement que fussent dits ces mots, ils arriv��rent aux oreilles du prisonnier qui dressa soudain la t��te et regarda autour de lui.
--Chut! ajouta Nicolas, sortant du buisson.
Le captif l'aper?ut. Mais il comprima l'��motion que cette apparition impr��vue avait soulev��e en lui.
Les dangers incessants qui environnent un trappeur du Nord lui ont appris �� sentir et �� r��fl��chir promptement...
Nicolas coupa les lani��res qui assujettissaient le captif �� son cheval, puis, tranchant les liens mis �� ses poignets, il lui pla?a entre les mains une paire de pistolets.
Tout cela se fit avec une rapidit�� et une dext��rit�� dont les lourds habitants des villes ne peuvent se faire une id��e exacte.
Un novice e?t certainement ��chou��, mais l'habitude et l'adresse aplanissent la surface rugueuse des
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