Le Voyage De Monsieur Perrichon | Page 4

Eugene Labiche and Edouard Martin
je croyais... Si mes services...
LE FACTEUR, à Daniel.--Bourgeois! vous n'avez que le temps pour
vos bagages.
DANIEL.--C'est juste! allons! (A part.) J'aurais voulu savoir où elles
vont... avant de prendre mon billet... (Saluant.) Madame...
mademoiselle... (A part.) Elles partent, c'est le principal! (Il sort par la
gauche.)

ACTE I, SCÈNE IV
MADAME PERRICHON, HENRIETTE, puis ARMAND
MADAME PERRICHON.--Il est très bien[1], ce jeune homme!
ARMAND, tenant un sac de nuit.--Portez ma malle aux bagages... je
vous rejoins! (Apercevant Henriette.) C'est elle! (Ils se saluent.)
MADAME PERRICHON.--Quel est ce monsieur?
HENRIETTE.--C'est encore un jeune homme qui m'a fait danser au bal
du huitième arrondissement.
MADAME PERRICHON.--Ah ça! ils se sont donc tous donné
rendez-vous ici?... n'importe, c'est un danseur! (Saluant.) Monsieur...
ARMAND.--Madame... mademoiselle... je bénis le hasard... Ces dames
vont partir?...
MADAME PERRICHON.--Oui, monsieur.
ARMAND.--Ces dames vont à Marseille, sans doute?...

MADAME PERRICHON.--Non, monsieur.
ARMAND.--A Nice, peut-être?...
MADAME PERRICHON, à part.--Tiens, comme l'autre! (Haut.) Non,
monsieur!
ARMAND.--Pardon, madame, je croyais... Si mes services...
MADAME PERRICHON, à part.--Après ça[2], ils sont du même
arrondissement.
ARMAND, à part.--Je ne suis pas plus avancé... Je vais faire
enregistrer ma malle... je reviendrai! (Saluant.) Madame...
mademoiselle...

ACTE I, SCÈNE V
MADAME PERRICHON, HENRIETTE, MAJORIN, puis
PERRICHON
MADAME PERRICHON.--Il est très bien, ce jeune homme!... Mais
que fait ton père? les jambes me rentrent dans le corps[1]!
MAJORIN, entrant de la gauche.--Je me sais trompé, ce train ne part
que dans une heure!
HENRIETTE.--Tiens! monsieur Majorin!
MAJORIN, à part.--Enfin! les voila!
MADAME PERRICHON.--Vous! comment n'êtes-vous pas à votre
bureau?
MAJORIN.--J'ai demandé un congé, belle dame; je ne voulais pas vous
laisser partir sans vous faire mes adieux!
MADAME PERRICHON.--Comment! c'est pour cela que vous êtes

venu! Ah! que c'est aimable!
MAJORIN.--Mais je ne vois pas Perrichon?
HENRIETTE.--Papa s'occupe des bagages.
PERRICHON, entrant en courant, à la cantonade.--Les billets d'abord!
très bien!
MAJORIN.--Ah! le voici! Bonjour, cher ami!
PERRICHON, très pressé.--Ah! c'est toi! tu es bien gentil d'être venu!...
Pardon, il faut que je prenne mes billets! (Il le quitte.)
MAJORIN, à part.--Il est poli!
PERRICHON, à l'employé au guichet.--Monsieur, on ne veut pas
enregistrer mes bagages avant que je n'aie pris mes billets!
L'EMPLOYÉ.--Ce n'est pas ouvert! attendez!
PERRICHON.--Attendez! et là-bas ils m'ont dit: Dépêchez-vous!
(S'essuyant le front.) Je suis en nage!
MADAME PERRICHON.--Et moi, je ne tiens plus sur mes jambes!
PERRICHON.--Eh bien, asseyez-vous! (Indiquant le fond à gauche.)
Voilà des bancs... vous êtes bonnes de rester plantées là comme deux
factionnaires!
MADAME PERRICHON.--C'est toi-même qui nous as dit: Restez-là!
Tu n'en finis pas[2]! Tu es insupportable!
PERRICHON.--Voyons[3], Caroline!
MADAME PERRICHON.--Ton voyage! j'en ai déjà assez!
PERRICHON.--On voit bien que tu n'as pas pris ton café! Tiens, va
t'asseoir!

MADAME PERRICHON.--Oui! mais dépêche-toi! (Elle va s'asseoir
avec Henriette.)

ACTE I, SCÈNE VI
PERRICHON, MAJORIN
MAJORIN, à part.--Joli petit ménage!
PERRICHON, à Majorin.--C'est toujours comme ça quand elle n'a pas
pris son café... Ce bon Majorin! c'est bien gentil à toi d'être venu!
MAJORIN.--Oui, je voulais te parler d'une petite affaire.
PERRICHON, distrait.--Et mes bagages qui sont restés là-bas sur une
table[1]!... Je suis inquiet! (Haut.) Ce bon Majorin! c'est bien gentil à
toi d'être venu!... (A part.) Si j'y[2] allais!
MAJORIN.--J'ai un petit service à te demander.
PERRICHON.--A moi?
MAJORIN.--J'ai déménagé... et si tu voulais m'avancer un trimestre de
mes appointements... six cents francs...
PERRICHON.--Comment! ici?
MAJORIN.--Je crois t'avoir toujours rendu, exactement l'argent que tu
m'as prêté.
PERRICHON,--Il ne s'agit pas de ça[3]!
MAJORIN.--Pardon! je tiens à le constater[4]... Je touche mon
dividende des paquebots le huit du mois prochain; j'ai douze actions...
et si tu n'as pas confiance en moi, je te remettrai les titres en garantie.
PERRICHON.--Allons donc[5]! es-tu bête!

MAJORIN, sèchement.--Merci!
PERRICHON.--Pourquoi diable aussi[6] viens-tu me demander ça au
moment où je pars?... j'ai pris juste l'argent nécessaire à mon voyage.
MAJORIN.--Après tout, si ça te gêne... n'en parlons plus. Je
m'adresserai à des usuriers qui me prendront cinq pour cent par an[7]...
je n'en mourrai pas!
PERRICHON, tirant son portefeuille.--Voyons, ne te fâche pas!... tiens,
les voilà tes six cents francs, mais n'en parle pas à ma femme.
MAJORIN, prenant les billets.--Je comprends! elle est si avare!
PERRICHON.--Comment, avare!
MAJORIN.--Je veux dire qu'elle a de l'ordre[8]!
PERRICHON.--Il faut ça, mon ami!... il faut ça!
MAJORIN, sèchement.--Allons! c'est six cents francs que je te dois...
adieu! (A part.) Que d'histoires! pour six cents francs!... et ça[9] va en
Suisse!... Carrossier! (Il disparaît à droite.)
PERRICHON.--Eh bien, il part? il ne m'a seulement pas dit merci!
mais au fond, je crois qu'il m'aime! (Apercevant le guichet ouvert.) Ah!
sapristi! on distribue les billets!... (Il se précipite vers la balustrade[10]
et bouscule cinq ou six personnes qui font la queue.)
UN VOYAGEUR.--Faites donc attention, monsieur!
L'EMPLOYÉ, à Perrichon.--Prenez votre tour, vous, là-bas!
PERRICHON, à part.--Et mes bagages!... et ma femme!... (Il se met à
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