qui
ont quarante mille livres de rentes! Des carrossiers qui ont voiture!
Quel siècle! Tandis que moi, je gagne deux mille quatre cents francs...
un employé laborieux, intelligent, toujours courbé sur son bureau...
Aujourd'hui, j'ai demandé un congé... j'ai dit que j'étais de garde[7]... Il
faut absolument que je voie Perrichon avant son départ... je veux le
prier de m'avancer mon trimestre... six cents francs! Il va prendre son
air protecteur... faire l'important[8]!... un carrossier! ça fait pitié[9]! Il
n'arrive toujours[10] pas! on dirait qu'il le fait exprès! (S'adressant à un
facteur qui passe suivi de voyageurs.) Monsieur... à quelle heure part le
train direct pour Lyon?
LE FACTEUR, brusquement.--Demandez à l'employé[11], (Il sort par
la gauche[12].)
MAJORIN.--Merci... manant! (S'adressant à l'employé qui est près du
guichet.) Monsieur, à quelle heure part le train direct pour Lyon?
L'EMPLOYÉ, brusquement.--Ça ne me regarde pas! voyez l'affiche. (Il
désigne une affiche à la cantonade, à gauche.)
MAJORIN.--Merci... (A part.) Ils sont polis dans ces administrations!
Si jamais tu viens à mon bureau, toi!... Voyons l'affiche... (Il sort à
gauche.)
ACTE I, SCÈNE II
L'EMPLOYÉ, PERRICHON, MADAME PERRICHON, HENRIETTE
Ils entrent de la droite
PERRICHON.--Par ici!... ne nous quittons pas! nous ne pourrions plus
nous retrouver... Où sont nos bagages?... (Regardant à droite; à la
cantonade.) Ah! très bien! Qui est-ce qui a les parapluies?
HENRIETTE.--Moi, papa.
PERRICHON.--Et le sac de nuit?... les manteaux?
MADAME PERRICHON.--Les voici!
PERRICHON.--Et mon panama?... Il est resté dans le fiacre! (Faisant
un mouvement pour sortir et s'arrêtant.) Ah! non! je l'ai à la main!...
Dieu, que j'ai chaud[1]!
MADAME PERRICHON.--C'est ta faute!... tu nous presses, tu nous
bouscules!... je n'aime pas à voyager comme ça!
PERRICHON.--C'est le départ qui est laborieux: une fois que nous
serons casés!... Restez là, je vais prendre les billets... (Donnant son
chapeau à Henriette.) Tiens[2], garde-moi mon panama... (Au guichet.)
Trois premières[3] pour Lyon?
L'EMPLOYÉ, brusquement.--Ce n'est pas ouvert! Dans un quart
d'heure!
PERRICHON, à l'employé.--Ah! pardon! c'est la première fois que je
voyage... (Revenant à sa femme.) Nous sommes en avance.
MADAME PERRICHON.--Là! quand je te disais que nous avions le
temps... Tu ne nous as pas laissé déjeuner!
PERRICHON.--Il vaut mieux être en avance!... on examine la gare! (A
Henriette.) Eh bien! petite fille, es-tu contente?... Nous voilà partis!...
encore quelques minutes, et, rapides comme la flèche de Guillaume
Tell, nous nous élancerons vers les Alpes[4]! (A sa femme.) Tu as pris
la lorgnette?
MADAME PERRICHON.--Mais oui!
HENRIETTE, à son père.--Sans reproches, voilà au moins deux ans
que tu nous promets ce voyage.
PERRICHON.--Ma fille, il fallait que j'eusse vendu mon fonds... Un
commerçant ne se retire pas aussi facilement des affaires qu'une petite
fille de son pensionnat... D'ailleurs, j'attendais que ton éducation fût
terminée pour la compléter en faisant rayonner devant toi le grand
spectacle de la nature!
MADAME PERRICHON.--Ah ça! est-ce que vous allez continuer
comme ça?
PERRICHON.--Quoi?
MADAME PERRICHON.--Vous faites des phrases dans une gare!
PERRICHON.--Je ne fais pas de phrases... j'élève les idées de l'enfant.
(Tirant de sa poche un petit carnet.) Tiens, ma fille, voici un carnet que
j'ai acheté pour toi.
HENRIETTE.--Pour quoi faire?
PERRICHON.--Pour écrire d'un côté la dépense et de l'autre les
impressions.
HENRIETTE.--Quelles impressions?
PERRICHON.--Nos impressions de voyage! Tu écriras, et moi je
dicterai.
MADAME PERRICHON.--Comment! vous allez vous faire auteur à
présent?
PERRICHON.--Il ne s'agit pas de me faire auteur... mais il me semble
qu'un homme du monde peut avoir des pensées et les recueillir sur un
carnet!
MADAME PERRICHON.--Ce sera bien joli!
PERRICHON, à part.--Elle est comme ça chaque fois qu'elle n'a pas
pris son café[5]!
UN FACTEUR, poussant un petit chariot chargé de
bagages.--Monsieur, voici vos bagages. Voulez-vous les faire
enregistrer?
PERRICHON.--Certainement! Mais avant, je vais les compter... parce
que, quand on sait son compte[6]... Un, deux, trois, quatre, cinq, six,
ma femme, sept, ma fille, huit, et moi, neuf. Nous sommes neuf[7].
LE FACTEUR.--Enlevez!
PERRICHON, courant vers le fond.--Dépêchons-nous!
LE FACTEUR.--Pas par là, c'est par ici! (Il indique la gauche.)
PERRICHON.--Ah! très bien! (Aux femmes.) Attendez-moi là!... ne
nous perdons pas! (Il sort en courant, suivant le facteur.)
ACTE I, SCÈNE III
MADAME PERRICHON, HENRIETTE, puis DANIEL
HENRIETTE.--Pauvre père! quelle peine il se donne!
MADAME PERRICHON.--Il est comme un ahuri[1]!
DANIEL, entrant suivi d'un commissionnaire qui porte sa malle.--Je ne
sais pas encore où je vais, attendez! (Apersevant Henriette.) C'est elle!
je ne me suis pas trompé! (Il salue Henriette qui lui rend son salut.)
MADAME PERRICHON, à sa fille.--Quel est ce monsieur?
HENRIETTE.--C'est un jeune homme qui m'a fait danser la semaine
dernière au bal de la Mairie[2] du huitième arrondissement.
MADAME PERRICHON, vivement.--Un danseur! (Elle salue Daniel.)
DANIEL.--Madame!... mademoiselle!... je bénis le hasard[3]... Ces
dames vont partir?...
MADAME PERRICHON.--Oui, monsieur!
DANIEL.--Ces dames vont à Marseille, sans doute?...
MADAME PERRICHON.--Non, monsieur.
DANIEL.--A Nice, peut-être?...
MADAME PERRICHON.--Non, monsieur!
DANIEL.--Pardon, madame...
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