pas?
DANIEL.--Est-ce que ces dames sont prêtes?
PERRICHON.--Non... elles ne viendront pas: vous comprenez?... mais je compte sur vous.
DANIEL.--Et sur Armand?
PERRICHON.--S'il veut être des n?tres[14], je ne refuserai certainement pas la compagnie de M. Desroches.
DANIEL, à part.--M. Desroches! Encore un peu et il va le prendre en grippe!
L'AUBERGISTE, entrant de la droite.--Monsieur!...
PERRICHON.--Eh bien! ce guide?
L'AUBERGISTE.--Il est à la porte... Voici vos chaussons.
PERRICHON.--Ah! oui! il para?t[15] qu'on glisse dans les crevasses là-bas... et comme je ne veux avoir d'obligation à personne...
L'AUBERGISTE, lui présentant le registre.--Monsieur écrit-il sur le livre des voyageurs?
PERRICHON.--Certainement... mais je ne voudrais pas écrire quelque chose d'ordinaire... il me faudrait... là... une pensée!... une jolie pensée!... (Rendant le livre à l'aubergiste.) Je vais y rêver[16] en mettant mes chaussons. (A Daniel.) Je suis à vous dans la minute. (Il entre à droite suivi de l'aubergiste.)
ACTE II, SCèNE VI
DANIEL, puis ARMAND
DANIEL, seul.--Ce carrossier est un trésor d'ingratitude. Or, les trésors appartiennent à ceux qui les trouvent, article 716 du Code civil[1]...
ARMAND, paraissant à la porte du fond.--Eh bien?
DANIEL, à part.--Pauvre gar?on!
ARMAND.--L'avez-vous vu?
DANIEL.--Oui.
ARMAND.--Lui avez-vous parlé?
DANIEL.--Je lui ai parlé.
ARMAND.--Alors vous avez fait ma demande?...
DANIEL.--Non.
ARMAND.--Tiens! pourquoi?
DANIEL.--Nous nous sommes promis d'être francs vis-à-vis l'un de l'autre... Eh bien! mon cher Armand, je ne pars plus, je continue la lutte.
ARMAND, étonné.--Ah! c'est différent!... et peut-on vous demander les motifs qui ont changé votre détermination?
DANIEL.--Les motifs... j'en ai un puissant: je crois réussir.
ARMAND.--Vous?
DANIEL.--Je compte prendre un autre chemin que le v?tre et arriver plus vite.
ARMAND.--C'est très bien... vous êtes dans votre droit...
DANIEL.--Mais la lutte n'en continuera pas moins loyale et amicale?
ARMAND.--Oui.
DANIEL.--Voilà un oui un peu sec!
ARMAND.--Pardon!... (Lui tendant la main.) Daniel, je vous le promets...
DANIEL.--A la bonne heure! (Il remonte.)
ACTE II, SCèNE VII
LES MêMES, PERRICHON, puis L'AUBERGISTE
PERRICHON.--Je suis prêt... j'ai mis mes chaussons... Ah! monsieur Armand!
ARMAND.--Vous sentez-vous remis de votre chute?
PERRICHON.--Tout à fait! ne parlons plus de ce petit accident... c'est oublié!
DANIEL, à part.--Oublié! il est plus vrai que nature[l]...
PERRICHON.--Nous partons pour la mer de Glace... êtes-vous des n?tres?
ARMAND.--Je suis un peu fatigué... je vous demanderai la permission de rester...
PERRICHON, avec empressement.--Très volontiers! ne vous gênez pas[2]! (A l'aubergiste qui entre.) Ah! monsieur l'aubergiste, donnez-moi le livre des voyageurs. (Il s'assied à droite et écrit.)
DANIEL, à part.--Il para?t qu'il a trouvé sa pensée... la jolie pensée.
PERRICHON, achevant d'écrire.--Là... voilà ce que c'est! (Lisant avec emphase.) ?Que l'homme est petit quand on le contemple du haut de la mère de Glace!?
DANIEL.--Sapristi! c'est fort!
ARMAND, à part.--Courtisan!
PERRICHON, modestement.--Ce n'est pas l'idée de tout le monde.
DANIEL, à part.--Ni l'orthographe; il a écrit mère, r, e, re[3]!
PERRICHON, à l'aubergiste, lui montrant le livre ouvert sur la table.--Prenez garde! c'est frais!
L'AUBERGISTE.--Le guide attend ces messieurs avec les batons ferrés.
PERRICHON.--Allons! en route!
DANIEL.--En route! (Daniel et Perrichon sortent suivis de l'aubergiste.)
ACTE II, SCèNE VIII
ARMAND, puis L'AUBERGISTE et LE COMMANDANT MATHIEU
ARMAND.--Quel singulier revirement chez Daniel! Ces dames sont là... elles ne peuvent tarder à sortir[1], je veux les voir... leur parler... (S'asseyant vers la cheminée et prenant un journal.) Je vais les attendre.
L'AUBERGISTE, à la cantonade.--Par ici, monsieur!...
LE COMMANDANT, entrant.--Je ne reste qu'une minute... je repars à l'instant pour là mer de Glace... (S'asseyant devant la table sur laquelle est resté le registre ouvert.) Faites-moi servir[2] un grog au kirsch, je vous prie.
L'AUBERGISTE, sortant à droite.--Tout de suite, monsieur.
LE COMMANDANT, apercevant le registre.--Ah! ah! le livre des voyageurs! voyons... (Lisant.) ?Que l'homme est petit quand on le contemple du haut de la mère de Glace!...? Signé Perrichon... mère! Voilà un monsieur qui mérite une le?on d'orthographe.
L'AUBERGISTE, apportant le grog.--Voici, monsieur. (Il le pose sur la table à gauche.)
LE COMMANDANT, tout[3] en écrivant sur le registre.--Ah, monsieur l'aubergiste...
L'AUBERGISTE.--Monsieur?
LE COMMANDANT.--Vous n'auriez pas[4] parmi les personnes qui sont venues chez vous ce matin un voyageur du nom d'Armand Desroches?
ARMAND.--Hein?... c'est moi, monsieur.
LE COMMANDANT, se levant.--Vous, monsieur!... pardon! (A l'aubergiste.) Laissez-nous. (L'aubergiste sort.) C'est bien à monsieur Armand Desroches de la maison Turneps, Desroches et Cie que j'ai l'honneur de parler?
ARMAND.--Oui, monsieur.
LE COMMANDANT.--Je suis le commandant Mathieu. (Il s'assied à gauche et prend son grog.)
ARMAND.--Ah! enchanté!... mais je ne crois pas avoir l'avantage de vous conna?tre, commandant.
LE COMMANDANT.--Vraiment? Alors je vous apprendrai que vous me poursuivez à outrance pour une lettre de change que j'ai eu l'imprudence de mettre dans la circulation...
ARMAND.--Une lettre de change!
LE COMMANDANT.--Vous avez même obtenu contre moi une prise de corps.
ARMAND.--C'est possible, commandant, mais ce n'est pas moi, c'est la maison qui agit.
LE COMMANDANT.--Aussi[5] n'ai-je aucun ressentiment contre vous... ni contre votre maison... seulement, je tenais à vous dire que je n'avais pas quitté Paris pour échapper aux poursuites.
ARMAND.--Je n'en doute pas.
LE COMMANDANT.--Au contraire!... Dès que je serai de retour à Paris, dans une quinzaine, avant peut-être... je vous le ferai savoir, et je vous serai infiniment obligé de me faire mettre à Clichy[6]... le plus t?t possible?...
ARMAND.--Vous plaisantez, commandant...
LE COMMANDANT.--Pas le moins du monde!... Je vous demande cela comme un service...
ARMAND.--J'avoue que je ne comprends
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