pas...
LE COMMANDANT (ils se lèvent).--Mon Dieu! je suis moi-même un peu embarrassé pour vous expliquer... Pardon, êtes-vous gar?on[7]?
ARMAND.--Oui, commandant.
LE COMMANDANT.--Oh! alors! je puis vous faire ma confession... J'ai le malheur d'avoir une faiblesse... J'aime.
ARMAND.--Vous?
LE COMMANDANT.--C'est bien ridicule à mon age, n'est-ce pas?
ARMAND.--Je ne dis pas ?a.
LE COMMANDANT.--Oh! ne vous gênez pas[8]! Je me suis affolé d'une jeune personne qui se nomme Anita... et qui se moque de moi. Cela me ruine. Je veux la quitter, je pars, je fais deux cents lieues; j'arrive à la mer de Glace... et je ne suis pas s?r de ne pas retourner ce soir à Paris!... C'est plus fort que moi!... L'amour à cinquante ans... voyez-vous[9]... c'est comme un rhumatisme, rien ne le guérit.
ARMAND, riant.--Commandant, je n'avais pas besoin de cette confidence pour arrêter les poursuites... je vais écrire immédiatement à Paris...
LE COMMANDANT, vivement.--Mais, du tout![10] n'écrivez pas! Je tiens à être enfermé; c'est peut-être un moyen de guérison. Je n'en ai pas encore essayé.
ARMAND.--Mais cependant...
LE COMMANDANT.--Permettez! j'ai la loi pour moi[11].
ARMAND.--Allons, commandant! puisque vous le voulez...
LE COMMANDANT.--Je vous en prie... instamment... Dès que je serai de retour... je vous ferai passer ma carte et vous pourrez faire instrumenter... Je ne sors jamais avant dix heures. (Saluant.) Monsieur, je suis bien heureux d'avoir eu l'honneur de faire votre connaissance.
ARMAND.--Mais c'est moi, commandant... (Ils se saluent. Le commandant sort par le fond.)
ACTE II, SCèNE IX
ARMAND, puis MADAME PERRICHON, puis HENRIETTE
ARMAND.--A la bonne heure! il n'est pas banal celui-là! (Apercevant Madame Perrichon qui entre de la gauche.) Ah! madame Perrichon!
MADAME PERRICHON.--Comment! vous êtes seul, monsieur? Je croyais que vous deviez accompagner ces messieurs.
ARMAND.--Je suis déjà venu ici l'année dernière, et j'ai demandé à monsieur Perrichon la permission de me mettre à vos ordres.
MADAME PERRICHON.--Ah! monsieur. (A part.) C'est tout à fait un homme du monde!... (Haut.) Vous aimez beaucoup la Suisse?
ARMAND.--Oh! il faut bien aller quelque part.
MADAME PERRICHON.--Oh! moi, je ne voudrais pas habiter ce pays-là... il y a trop de précipices et de montagnes... Ma famille est de la Beauce[1].
ARMAND.--Ah! je comprends.
MADAME PERRICHON.--Près d'étampes...
ARMAND, à part.--Nous devons avoir un correspondant à étampes; ce serait un lien. (Haut.) Vous ne connaissez pas monsieur Pingley, à étampes?
MADAME PERRICHON.--Pingley!... c'est mon cousin! Vous le connaissez?
ARMAND.--Beaucoup. (A part.) Je ne l'ai jamais vu!
MADAME PERRICHON.--Quel homme charmant!
ARMAND.--Ah! oui!
MADAME PERRICHON.--C'est un bien grand malheur qu'il ait son infirmité!
ARMAND.--Certainement... c'est un bien grand malheur!
MADAME PERRICHON.--Sourd à quarante-sept ans!
ARMAND, à part.--Tiens! il est sourd, notre correspondant! C'est donc pour ?a qu'il ne répond jamais à nos lettres[2].
MADAME PERRICHON.--Est-ce singulier! c'est un ami de Pingley qui sauve mon mari!... Il y a de bien grands hasards dans le monde.
ARMAND.--Souvent aussi on attribue au hasard des péripéties dont il est parfaitement innocent.
MADAME PERRICHON.--Ah! oui... souvent aussi on attribue[3]... (A part.) Qu'est-ce qu'il veut dire?
ARMAND.--Ainsi, madame, notre rencontre en chemin de fer, puis à Lyon, puis à Genève, à Chamouny, ici même, vous mettez tout cela sur le compte du hasard?
MADAME PERRICHON.--En voyage, on se retrouve...
ARMAND.--Certainement... surtout quand on se cherche.
MADAME PERRICHON.--Comment?...
ARMAND.--Oui, madame, il ne m'est pas permis de jouer plus longtemps la comédie du hasard[4]; je vous dois là vérité, pour vous, pour mademoiselle votre fille.
MADAME PERRICHON.--Ma fille!
ARMAND.--Me pardonnerez-vous? Le jour où je la vis, j'ai été touché, charmé... J'ai appris que vous partiez pour la Suisse... et je suis parti.
MADAME PERRICHON.--Mais alors, vous nous suivez?...
ARMAND.--Pas à pas... Que voulez-vous? j'aime!
MADAME PERRICHON.--Monsieur!
ARMAND.--Oh! rassurez-vous! j'aime avec tout le respect, toute la discrétion qu'on doit à une jeune fille dont on serait heureux de faire sa femme.
MADAME PERRICHON, perdant la tête, à part.--Une demande en mariage! Et Perrichon qui n'est pas là! (Haut.) Certainement, monsieur... je suis charmée... non, flattée!... parce que vos manières... votre éducation... Pingley... le service que vous nous avez rendu... mais monsieur Perrichon est sorti... pour la mer de Glace... et aussit?t qu'il rentrera...
HENRIETTE, entrant vivement.--Maman!... (S'arrêtant.) Ah! tu causais avec monsieur Armand?
MADAME PERRICHON, troublée.--Nous causions, c'est-à-dire, oui! nous parlions de Pingley! Monsieur conna?t Pingley; n'est-ce pas?
ARMAND.--Certainement je connais Pingley!
HENRIETTE.--Oh! quel bonheur[5]!
MADAME PERRICHON, à Henriette.--Ah! comme tu es coiffée[6]... et ta robe! ton col! (Bas.) Tiens-toi donc droite!
HENRIETTE, étonnée.--Qu'est-ce qu'il y a? (Cris et tumulte au dehors.)
MADAME PERRICHON et HENRIETTE.--Ah! mon Dieu!
ARMAND.--Ces cris!...
ACTE II, SCèNE X
LES MêMES, PERRICHON, DANIEL, LE GUIDE, L'AUBERGISTE
Daniel entre soutenu par l'aubergiste et par le guide
PERRICHON, très ému.--Vite! de l'eau! du sel! du vinaigre! (Il fait asseoir Daniel.)
TOUS.--Qu'y a-t-il?
PERRICHON.--Un événement affreux! (S'interrompant.) Faites-le boire, frottez-lui les tempes!
DANIEL.--Merci... Je me sens mieux.
ARMAND.--Qu'est-il arrivé?
DANIEL.--Sans le courage de monsieur Perrichon...
PERRICHON, vivement.--Non, pas vous! ne parlez pas!... (Racontant.) C'est horrible!... Nous étions sur la mer de Glace... Le mont Blanc nous regardait tranquille et majestueux...
DANIEL, à part.--Le récit de Théramène[1]!
MADAME PERRICHON.--Mais dépêche-toi donc!
HENRIETTE.--Mon père!
PERRICHON.--Un instant, que diable! Depuis cinq minutes nous suivions, tout pensifs, un sentier abrupt qui serpentait entre deux crevasses... de glace[2]! Je marchais le premier.
MADAME PERRICHON.--Quelle imprudence!
PERRICHON.--Tout à coup, j'entends
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