notes:--?Je dis: Versant fran?ais--c?té ingénieurs. Versant italien: nature et poésie!!?
Et quand, par-dessus son épaule, Avertie lut ces lignes: ?Nature et poésie?, elle se trouva une toute petite chose à c?té de la simple Floche. Ces mots roulèrent plusieurs fois dans sa bouche avec la saveur d'un bonbon acidulé. ?Nature et poésie!? que dire de plus? Rien que ce nom Bellinzona, n'est-ce pas déjà une romance? Et cette langue si sensuelle, faite surtout de consonnes pour être plus douce dans la bouche et aux oreilles! Et ce temps de printemps étourdissant, quelle bénédiction! C'était donc tout cela l'Italie?
Déjà des rosés aux murs des villages. Avertie ajusta son face-à-main. De quelle espèce? Multiflora! Maniaque, elle ne pouvait voir une plante sans l'affubler d'une désignation classique de catalogue. Sa passion pour la nature et la botanique l'obsédait; elle écrasait ses amies de son savoir en citant les titres ronflants, colorés, barbares, latins, dont elle affublait les plantes. Elle plaignait tout le monde, et Floche aujourd'hui, de ne pas go?ter l'intimité des herbes qu'on appelle par leurs noms.
à Chiasso, le bruit se répandit que le train allait stopper. C'était la frontière, la douane italienne et la grève des Ferrovieri. Quelques militaires tra?naient déjà dans la gare pour en témoigner. Floche se lamentait. Les douaniers, moustachus, clamèrent en sonores paroles la visite des bagages. Clefs en mains, Avertie descendait, lorsqu'elle s'entendit appeler doucement par son nom de jeune fille... étrange sensation qui lui donna, en un instant, dix ans de moins. Elle se retourna et se trouva en présence de deux jeunes femmes à l'air affable et étranger.
--Mais oui, Josepha, c'est elle! et les voix s'éteignirent dans des embrassades.
--Comment, Altesses! par quel curieux hasard nous retrouvons-nous à Chiasso?
Les princesses expliquèrent leur voyage vers un oncle mourant. Elles parlaient d'Edouard, de Guillaume, d'Humbert et de Fran?ois-Joseph, tous têtes couronnées, comme Avertie e?t parlé de ses frères et cousins; c'était étrange, cette familiarité dynastique et prénominale sur le quai de Chiasso.
Jamais ces trois jeunes femmes ne s'étaient revues depuis le couvent, où Avertie avait été leur respectueuse et assez flattée petite amie.
Elle se rappelait les dimanches passés chez la Reine exilée, à Passy, où les Princesses montraient avec orgueil, dans le pavillon isolé du roi leur père, les drapeaux nombreux jadis enlevés aux régiments de l'usurpateur, fanés, salis, troués de balles, tachés de sang, même. Avertie en avait la chair de poule tant elle se croyait dans le merveilleux épique. Puis c'était encore une suite de cadres où, sous verre, s'alignaient des pièces de monnaies de toutes grandeurs et percées également au milieu d'un coup de pistolet. Le Roi, tireur émérite, avait collectionné ces petites gloires à c?té des grandes. Son immense portrait, qui centrait la salle, le représentait en uniforme de général, don Juan bellatre, et un peu épais. Avertie, enfant, l'e?t souhaité plus mince, plus théatral encore, plus Prince de Légende. Mais l'uniforme brillant, les trophées ensanglantés, les damas somptueux tendus aux murs en faisaient, pour son imagination de neuf ans, un héros tout de même assez fabuleux.
Dans ces temps-là, les journées de congé, passées à Passy, commen?aient toujours par des parties de cache-cache. Puis on allait dans la chambre des Princesses, grande pièce blanche et nue, dont l'odeur acre et fade de renfermé, si particulière aux chambres d'enfants, soulevait parfois le coeur d'Avertie. Trois petits lits en fer, laqués blanc, s'alignaient le long du mur et une grosse couronne royale aux fleurs de lys d'or leur servait de baldaquin.
Rien qu'en regardant ses anciennes compagnes, tous ses souvenirs se précisèrent nettement. Do?a Josepha, dans l'amabilité du sourire, faisait rena?tre ses enfantines fossettes, tandis que Do?a Alicia s'intéressait avec grace à la vie d'Avertie. Leurs délicieuses manières étaient comparables à une oeuvre d'art; on y go?tait un plaisir de beauté et d'harmonie. Ces infantes, pourtant, étaient simples, gaies, un peu na?ves comme presque toutes les Princesses; et Avertie pensa à ces beaux fruits qu'on empêche de m?rir librement dans les serres, en de petits sacs étroits et bien clos. C'est ainsi que l'étiquette avait d? contraindre ces femmes.
Cependant l'homme des douanes, fonctionnaire assagi par le protocole, s'approcha avec déférence du groupe princier, et, englobant Avertie dans la ?suite?, prit le numéro de ses bagages, de ceux de Floche et, après avoir baisé les mains de tout le monde, annon?a qu'on n'ouvrirait point les colis.
Le temps pressait. Avertie s'inclina, respectueusement elle aussi, vers les mains supra-patriciennes couvertes de grosses pierres précieuses et rentra dans son wagon.
Floche, qui, derrière sa vitre, avait tout surveillé, ne revenait pas de cette aventure.
--Que vous avez de belles connaissances, ma chère! Moi qui les avais prises pour de bonnes Allemandes. Ah! on est honorée de voyager avec vous! D'ailleurs, de ces trois femmes, c'est vous seule qui sembliez l'Altesse!
Avertie méprisa un peu son amie pour cette flagornerie, mais... elle se regarda dans
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