qu'il fallait les yeux de l'habitude pour bien distinguer, l'��quipage vivait avec lui sur un pied d'��galit�� tout �� fait patriarcale.
Nunzio le pilote ��tait apr��s le capitaine le personnage le plus important du bord: c'��tait un homme de cinquante ans, court et robuste, au teint de bistre, aux cheveux grisonnants, au visage rude, et qui naviguait depuis son enfance. Il ��tait v��tu d'un pantalon de toile bleue et d'une chemise de bure; dans les temps froids ou pluvieux, il ajoutait �� ce strict n��cessaire une esp��ce de manteau �� capuchon qui tenait �� la fois du paletot de l'occident et du burnous m��ridional. Ce manteau, qui ��tait de couleur brune, brod�� de fil rouge et bleu aux poches et aux ouvertures des manches, tombait raide et droit, et donnait �� sa physionomie un admirable caract��re. Au reste, Nunzio ��tait l'homme essentiel ou plut?t indispensable: c'��tait l'oeil qui veillait sur les rochers, l'oreille qui ��coutait le vent, la main qui guidait le navire. Dans les gros temps, le capitaine redevenait simple matelot et lui remettait tout le pouvoir. Alors du gouvernail, que d'ailleurs quelque temps qu'il f?t il ne quittait jamais que pour la pri��re du soir, il donnait ses ordres avec une fermet�� et une pr��cision telles, que l'��quipage ob��issait comme un seul homme. Son autorit�� avait la dur��e de la temp��te. Lorsqu'il avait sauv�� le navire et la vie de ceux qui le montaient, il se rasseyait simple et calme �� l'arri��re du batiment, et redevenait Nunzio le pilote; mais, quoiqu'il e?t abandonn�� son autorit��, il conservait son influence: car Nunzio, religieux comme un vrai marin, ��tait consid��r�� �� l'��gal d'un proph��te. Ses pr��dictions, �� l'endroit du temps qu'il pr��voyait d'avance �� des signes imperceptibles �� tous les autres yeux, n'avaient jamais ��t�� d��menties par les ��v��nements, de sorte que l'affection que lui portait l'��quipage ��tait m��l��e d'un certain respect religieux qui nous ��tonna d'abord, mais que nous fin?mes bient?t par partager, tant est grande sur l'homme, quelle que soit sa condition, l'influence d'une sup��riorit�� quelconque.
Vicenzo, que nous pla?ons le troisi��me plut?t pour suivre la hi��rarchie des rangs qu'�� cause de son importance r��elle, avait titre de second pilote; c'��tait lui qui rempla?ait Nunzio dans les rares et courts moments o�� celui-ci abandonnait le gouvernail. Pendant les nuits calmes, ils veillaient chacun �� son tour. Presque toujours au reste, m��me dans les moments o�� son aide ��tait inutile �� la direction du navire, Vicenzo ��tait assis pr��s de notre vieux proph��te, ��changeant avec lui des paroles rares, et le plus souvent �� voix basse. Cette habitude l'avait isol�� du reste de l'��quipage et rendu silencieux: aussi paraissait-il rarement parmi nous et ne r��pondait-il que lorsque nous l'interrogions; il accomplissait alors cet acte comme un devoir, avec toutes les formules de politesse usit��es parmi les matelots. Au reste, brave et excellent homme, et apr��s Nunzio, qui ��tait un prodige sous ce rapport, r��sistant d'une mani��re merveilleuse �� l'insomnie et �� la fatigue.
Apr��s ces trois autorit��s venait Pietro: Pietro ��tait un joyeux compagnon qui remplissait parmi l'��quipage l'emploi d'un loustic de r��giment: toujours gai, sans cesse chantant, dansant et grima?ant; parleur ��ternel, danseur enrag��, nageur fanatique, adroit comme un singe dont il avait les mouvements, entrem��lant toutes les manoeuvres d'entrechats grotesques et de petits cris bouffons qu'il jetait �� la mani��re d'Auriol; toujours pr��t �� tout, se m��lant �� tout, comprenant tout; plein de bon vouloir et de familiarit��; le plus priv�� avec nous de tous ses compagnons. Pietro s'��tait li�� tout d'abord avec notre bouledogue. Celui-ci, d'un caract��re moins facile et moins sociable, fut longtemps �� ne r��pondre �� ses avances que par un grognement sourd, qui finit par se changer �� la longue en un murmure amical, et finalement en une amiti�� durable et solide, quoique Pietro, g��n�� dans sa prononciation par l'accent italien, n'ait jamais pu l'appeler que Melor au lieu de Milord; changement qui parut blesser d'abord son amour-propre, mais auquel il finit cependant par s'habituer au point de r��pondre �� Pietro comme si ce dernier pronon?ait son v��ritable nom.
Giovanni, gar?on gros et gras, homme du Midi avec le teint blanc et le visage joufflu d'un homme du Nord, s'��tait constitu�� notre cuisinier du moment o�� notre ami Cama s'��tait senti pris du mal de mer, ce qui lui ��tait arriv�� dix minutes apr��s que le speronare s'��tait mis en mouvement; il joignait au reste �� la science culinaire un talent qui s'y rattachait directement, ou plut?t dont elle n'��tait que la cons��quence: c'��tait celui de harponneur. Dans les beaux temps, Giovanni attachait �� la poupe du batiment une ficelle de quatre ou cinq pieds de longueur, �� l'extr��mit�� de laquelle pendait un os de poulet ou une cro?te de pain. Cette ficelle ne flottait pas dix minutes dans le sillage qu'elle ne f?t escort��e de sept
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