ou huit poissons de toute forme et de toute couleur, pour la plupart inconnus �� nos ports, et parmi lesquels nous reconnaissions presque toujours la dorade �� ses ��cailles d'or, et le loup de mer �� sa voracit��. Alors Giovanni prenait son harpon, toujours couch�� �� babord ou �� tribord pr��s des avirons, et nous appelait. Nous passions alors avec lui sur l'arri��re et, selon notre app��tit ou notre curiosit��, nous choisissions parmi les c��tac��s qui nous suivaient celui qui se trouvait le plus �� notre convenance. Le choix fait, Giovanni levait son harpon, visait un instant l'animal d��sign��, puis le fer s'enfon?ait en sifflant dans la mer; le manche disparaissait �� son tour, mais pour remonter au bout d'une seconde �� la surface de l'eau: Giovanni le ramenait alors �� lui �� l'aide d'une corde attach��e �� son bras; puis, �� l'extr��mit�� oppos��e, nous voyions repara?tre dix fois sur douze le malheureux poisson perc�� de part en part; alors la tache du p��cheur ��tait faite, et l'office du cuisinier commen?ait. Comme sans ��tre r��ellement malades nous ��tions cependant constamment indispos��s du mal de mer, ce n'��tait pas chose facile que d'��veiller notre app��tit. La discussion s'��tablissait donc aussit?t sur le mode de cuisson et d'assaisonnement le plus propre �� l'exciter. Jamais turbot ne souleva parmi les graves s��nateurs romains de dissertations plus savantes et plus approfondies que celles auxquelles nous nous livrions, Jadin et moi. Comme pour plus de facilit�� nous discutions dans notre langue, l'��quipage attendait, immobile et muet, que la d��cision f?t prise. Giovanni seul, devinant �� l'expression de nos yeux le sens de nos paroles, ��mettait de temps en temps une opinion, qui, nous annon?ant quelque pr��paration inconnue, l'emportait ordinairement sur les n?tres. La sauce arr��t��e, il saisissait le manche du gril ou la queue de la po��le; Pietro grattait le poisson et allumait le feu dans l'entrepont; Milord, qui n'avait aucun mal de mer et qui comprenait qu'il allait lui revenir force ar��tes, remuait la queue et se plaignait amoureusement. Le poisson cuisait, et bient?t Giovanni nous le servait sur la longue planche qui nous servait de table, car nous ��tions si �� l'��troit sur notre petit batiment que la place manquait pour une table r��elle. Sa mine app��tissante nous donnait les plus grandes esp��rances; puis, �� la troisi��me ou quatri��me bouch��e, le mal de mer r��clamait obstin��ment ses droits, et l'��quipage h��ritait du poisson, qui passait imm��diatement de l'arri��re �� l'avant, suivi de Milord qui ne le perdait pas de vue depuis le moment o�� il ��tait entr�� dans la po��le ou s'��tait couch�� sur le gril, jusqu'�� celui o�� le mousse en avalait le dernier morceau.
Venait ensuite Filippo. Celui-l�� ��tait grave comme un quaker, s��rieux comme un docteur, et silencieux comme un fakir. Nous ne le v?mes rire que deux fois dans tout le courant du voyage, la premi��re lorsque notre ami Cama tomba �� la mer dans le golfe d'Agrigente; la seconde fois lorsque le feu prit au dos du capitaine, qui, d'apr��s mes conseils et pour la gu��rison d'un rhumatisme, se faisait frotter les reins avec de l'eau-de-vie camphr��e. Quant �� ses paroles, je ne sais pas si nous e?mes une seule fois l'occasion d'en conna?tre le son ou la couleur. Sa bonne ou sa mauvaise disposition d'esprit se manifestait par un sifflottement triste ou gai, dont il accompagnait ses camarades chantant, sans jamais chanter avec eux. Je crus longtemps qu'il ��tait muet, et ne lui adressai pas la parole pendant pr��s d'un mois, de peur de lui faire une nouvelle peine en lui rappelant son infirmit��. C'��tait du reste le plus fort plongeur que j'eusse jamais vu. Quelquefois, nous nous amusions �� lui jeter du haut du pont une pi��ce de monnaie: en un tour de main il se d��shabillait, pendant que la pi��ce s'enfon?ait, s'��lan?ait apr��s elle au moment o�� elle ��tait pr��te de dispara?tre, s'enfon?ait avec elle dans les profondeurs de la mer, o�� nous finissions par le perdre de vue malgr�� la transparence de l'eau; puis, quarante, cinquante secondes, une minute apr��s, montre �� la main, nous le voyions repara?tre, remontant parfaitement calme et sans effort apparent, comme s'il habitait son ��l��ment natal et qu'il v?nt de faire la chose la plus naturelle. Il va sans dire qu'il rapportait la pi��ce de monnaie et que la pi��ce de monnaie ��tait pour lui.
Antonio ��tait le m��n��trier de l'��quipage. Il chantait la tarentelle avec une perfection et un entrain qui ne manquaient jamais leur effet. Parfois nous ��tions assis, les uns sur le tillac, les autres dans l'entrepont; la conversation languissait, et nous gardions le silence: tout �� coup Antonio commen?ait cet air ��lectrique qui est pour le Napolitain et le Sicilien ce que le ranz des vaches est pour le Suisse. Filippo avan?ait gravement hors de l'��coutille la
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.