Le Speronare | Page 3

Alexandre Dumas, père
sait quel jour ils partent et quel jour ils arrivent. A Naples, point. Le capitaine est le seul juge de l'opportunit�� de son voyage. Quand il a son contingent de passagers, il allume ses fourneaux et fait sonner la cloche. Jusque-l�� il se repose, lui et son batiment.
Malheureusement nous ��tions au 22 ao?t, et comme personne n'��tait curieux d'aller se faire r?tir en Sicile par une chaleur de trente degr��s, les passagers ne donnaient pas. Le second, qui par hasard ��tait �� bord, nous dit que le paquebot ne se mettrait certainement pas en route avant huit jours, et encore qu'il ne pouvait pas m��me pour cette ��poque nous garantir le d��part.
Nous ��tions sur le m?le �� nous d��sesp��rer de ce contretemps, tandis que Milord furetait partout pour voir s'il ne trouverait pas quelque chat �� manger, lorsqu'un matelot s'approcha de nous, le chapeau �� la main, et nous adressa la parole en patois sicilien. Si peu familiaris��s que nous fussions avec cet idiome, il ne s'��loignait pas assez de l'italien pour que je ne pusse comprendre qu'il nous offrait de nous conduire o�� nous voudrions. Nous lui demandames alors sur quoi il comptait nous conduire, dispos��s que nous ��tions �� partir sur quelque chose que ce f?t. Aussit?t il marcha devant nous, et, s'arr��tant pr��s de la lanterne, il nous montra, �� cinquante pas en mer, et dormant sur son ancre, un charmant petit batiment de la force d'un chasse-mar��e, mais si coquettement peint en vert et en rouge, que nous nous sent?mes pris tout d'abord pour lui d'une sympathie qui se manifesta sans doute sur notre physionomie, car, sans attendre notre r��ponse, le matelot fit signe �� une barque de venir �� nous, sauta dedans, et nous tendit la main pour nous aider �� y descendre.
Notre speronare, c'est le nom que l'on donne �� ces sortes de batiments, n'avait rien �� perdre �� l'examen, et plus nous nous approchions du navire, plus nous voyions se d��velopper ses formes ��l��gantes et ressortir la vivacit�� de ses couleurs. Il en r��sulta qu'avant de mettre le pied �� bord, nous ��tions d��j�� �� moiti�� d��cid��s.
Nous y trouvames le capitaine. C'��tait un beau jeune homme de vingt-huit �� trente ans, �� la figure ouverte et d��cid��e. Il parlait un peu mieux italien que son matelot. Nous p?mes donc nous entendre, ou �� peu pr��s. Un quart d'heure plus tard, nous avions fait march�� �� huit ducats par jour. Moyennant huit ducats par jour, le batiment et l'��quipage nous appartenaient corps et ame, planches et toiles. Nous pouvions le garder tant que nous voudrions, le mener o�� nous voudrions, le quitter o�� nous voudrions: nous ��tions libres; seulement tant tenu, tant pay��. C'��tait trop juste.
Je descendis dans la cale; le batiment n'��tait charg�� que de son lest. J'exigeai du capitaine qu'il s'engageat positivement �� ne prendre ni marchandises ni passagers; il me donna sa parole. Il avait l'air si franc, que je ne lui demandai pas d'autre garantie.
Nous remontames sur le pont, et je visitai notre cabine. C'��tait tout bonnement une esp��ce de tente circulaire en bois, ��tablie �� la poupe, et assez solidement amarr��e �� la membrure du batiment pour n'avoir rien �� craindre d'une rafale de vent ou d'un coup de mer. Derri��re cette tente ��tait un espace libre pour la manoeuvre du gouvernail. C'��tait le d��partement du pilote. Cette tente ��tait parfaitement vide. C'��tait �� nous de nous procurer les meubles n��cessaires, le capitaine de la _Santa-Maria di Pie di Grotta_ ne logeant point en garni. Au reste, vu le peu d'espace, ces meubles devaient se borner �� deux matelas, �� deux oreillers et �� quatre paires de draps. Le plancher servait de couchette. Quant aux matelots, le capitaine compris, ils dormaient ordinairement p��le-m��le dans l'entrepont.
Nous conv?nmes d'envoyer les deux matelas, les deux oreillers et les quatre paires de draps dans la soir��e, et le moment du d��part fut fix�� au lendemain huit heures du matin.
Nous avions d��j�� fait une centaine de pas, en nous f��licitant, Jadin et moi, de notre r��solution, lorsque le capitaine courut apr��s nous. Il venait nous recommander par-dessus tout de ne pas oublier de nous munir d'un cuisinier. La recommandation me parut assez ��trange pour que je voulusse en avoir l'explication. J'appris alors que, dans l'int��rieur de la Sicile, pays sauvage et d��sol��, o�� les auberges, quand il y en a, ne sont que des lieux de halte, un cuisinier est une chose de premi��re n��cessit��. Nous prom?mes au capitaine de lui en envoyer un en m��me temps que notre roba.
Mon premier soin, en rentrant, fut de m'informer �� monsieur Martin Zir, ma?tre de l'h?tel de la Vittoria, o�� je pourrais trouver le cordon-bleu demand��. Monsieur Martin Zir me r��pondit que cela tombait �� merveille, et qu'il avait justement mon affaire sous la main. Au
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