Le Salon des Refusés | Page 8

Fernand Desnoyers
recevons une lettre de M. Ancourt, un des Refusés hardis inscrits
sur le catalogue, une réclamation _au nom des artistes refusés_....
«_Cet élève, jeune encore_, écrit que les Refusés _n'avaient pas ta
prétention d'être exposés face à face avec les peintres en renom et
même déjà décorés_ (sic).» Mais, alors, quelle était leur prétention en
envoyant leurs tableaux à la Commission d'examen?
_Nous n'avons demandé qu'un petit coin_,» répond ledit peintre,
«_pour recueillir, s'il est possible, quelques encouragements_.» Ce petit
coin, si modeste, vous pouviez l'obtenir sans vous faire refuser. On ne
vous a fait la concession du grand coin de la Contre-Exposition que
pour donner satisfaction aux plaignants et réclamants, et les faire ainsi
juger, eux et le jury, parle public. Si le public ratifie par sa critique les
refus de la Commission, les peintres sont condamnés, sinon, c'est la
Commission qui est coupable.
Quant aux encouragements, qu'est-ce cela? Un artiste ne se décourage
pas. Il sait ce qu'il fait et n'a pas besoin de compliments.
Qu'en regardant son oeuvre il se dise: c'est bien, Sûr d'elle et sûr de
lui,--tout le reste n'est rien.
Encourager qui? Quelqu'un qui fait mal à continuer?
Notre correspondant ajoute: «_Nous ne disons rien de la prétendue
injustice du jury_, etc.» Pourquoi donc protester contre sa décision en
acceptant la Contre-Exposition? Et M. Ancourt nous écrit tout ce que
dessus Au nom des artistes Refusés! J'affirme qu'il se trompe et qu'un
grand nombre de Refusés n'ont pas les mêmes opinions que lui.

Quelques personnes se sont méprises à propos de la petite physiologie
du critique d'art détaillée au commencement de ce livre. Je n'ai appliqué
dérisoirement ce titre qu'à des jugeurs dont j'ai fait la description
ressemblante, qu'à des faiseurs de Salons de profession qui ne savent ni
critiquer, ni écrire, ni voir, ni lire. Mais il faut bien se garder de croire
que je puisse confondre ces importants personnages avec des écrivains
de génie ou de talent qui ont exprimé leurs opinions sur des peintres et
sur la peinture. Si par quelques traits, ceux-ci se rapprochent de ceux-là,
ce n'est qu'un petit ridicule qui se noie dans la valeur du
littérateur-critique. Mais, je le répète, je n'ai pas plus voulu mêler ces
hommes spirituels, intelligents et savants, que moi-même, qui suis bien
aussi un peu critique d'art, aux pédadogues du Palais-de-Justice, de
l'École normale, du Notariat, du monde et de brasserie, dont j'ai cité les
infirmités, les tics, les dislocations, les loupes et les bosses
intellectuelles. Quand on fait le portrait d'un type d'animal, cela n'est
pas le portrait de tous les animaux. M. Brivet-le-Gaillard, déjà nommé,
ne dit pas non plus que ses Types de chevaux représentent tous les
chevaux. L'ancien Trissotin et l'ancien Vadius n'étaient pas, dans la
pensée de Molière, la portraiture de tous les savants et poètes de son
temps. De même, en caricaturant certains peintres très-nombreux, je ne
parle que de ceux-là et non d'autres, comme le verront les gens qui
continueront la lecture de ce livre. (Quoique tout ceci soit d'une
simplicité qui le rend inutile à dire, il est bon, il est important de le dire.
On ne saurait trop expliqueras choses).
La peinture la plus singulière, la plus originale, est celle de M. Whistler.
La désignation de son tableau est: La Fille blanche. C'est le portrait
d'une spirite, d'un _médium_. La figure, l'attitude, la physionomie, la
couleur, sont étranges. C'est tout à la fois simple et fantastique. Le
visage a une expression tourmentée et charmante qui fixe l'attention. Il
y a quelque chose de vague et de profond dans le regard de cette jeune
fille, qui est d'une beauté si particulière, que le public ne sait s'il doit la
trouver laide ou jolie. Ce portrait est vivant. C'est une peinture
remarquable, fine, une des plus originales qui aient passé devant les
yeux du jury. Le refus de cette oeuvre n'irrite que les gens qui croient
aux examinateurs, aux comités et aux académies; ce refus fait plaisir à
d'autres personnes et leur confirme une fois de plus la vérité. Ne rien

faire qui vienne de soi-même, ne rien faire que d'après les autres, c'est
ce que veulent dire règle et tradition, bases fondamentales de l'art
académique, à qui nous devons Abel de Pujol et M. Signol.
Tombe aux pieds de ce sexe à qui tu dois, etc.
Et, puisque je parle de ce membre de l'Institut, de ce juge des peintres,
qu'il me soit permis (autrement je prends moi-même la permission) de
citer ici, à cause de sa violence, un petit morceau extrêmement violent:
M. SIGNOL
«Une des hontes de notre temps, c'est qu'un peintre-de la force de M.
Signol ait pu arriver à l'Institut. Ce que c'est, cependant, que la
médiocrité soutenue, la docilité académique et la bêtise soumise!
N'avoir ni impression, ni idées, ni exécution,
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