de l��g��ret�� que de vigueur. D��s sa premi��re jeunesse son air extr��mement pensif et sa grande paleur avaient donn�� l'id��e �� son p��re qu'il ne vivrait pas, ou qu'il vivrait pour ��tre une charge �� sa famille. Objet des m��pris de tous �� la maison, il ha?ssait ses fr��res et son p��re; dans les jeux du dimanche, sur la place publique, il ��tait toujours battu.
Il n'y avait pas un an que sa jolie figure commen?ait �� lui donner quelques voix amies parmi les jeunes tilles. M��pris�� de tout le monde, comme un ��tre faible, Julien avait ador�� ce vieux chicurgien-major qui un jour osa parler au maire au sujet des platanes.
Ce chirurgien payait quelquefois au p��re Sorel la journ��e de son fils, et lui enseignait le latin et l'histoire c'est-��-dire ce qu'il savait d'histoire, la campagne de 1796 en Italie. En mourant, il lui avait l��gu�� sa croix de la L��gion d'honneur, les arr��rages de sa demi-solde, et trente ou quarante volumes, dont le plus pr��cieux venait de faire le saut dans le ruisseau public, d��tourn�� par le cr��dit de M. le maire.
A peine entr�� dans la maison, Julien se sentit l'��paule arr��t��e par la puissante main de son p��re; il tremblait, s'attendant �� quelques coups.
- R��ponds-moi sans mentir, lui cria aux oreilles la voix dure du vieux paysan, tandis que sa main le retournait comme la main d'un enfant retourne un soldat de plomb. Les grands yeux noirs et remplis de larmes de Julien se trouv��rent en face des petits yeux gris et m��chants du vieux charpentier qui avait l'air de vouloir lire jusqu'au fond de son ame.
CHAPITRE V
UNE NEGOCIATION
Cunctando restituit rem. ENNIUS.
- R��ponds-moi sans mentir, si tu le peux, chien de lisard, d'o�� connais-tu Mme de R��nal, quand lui as-tu parl��?
- Je ne lui ai jamais parl�� r��pondit Julien, je n'ai jamais vu cette dame qu'�� l'��glise.
- Mais tu l'auras regard��e, vilain effront��?
- Jamais! Vous savez qu'�� l'��glise je ne vois que Dieu, ajouta Julien, avec un petit air hypocrite, tout propre, selon lui, �� ��loigner le retour des taloches.
- Il y a pourtant quelque chose l��-dessous, r��pliqua le paysan malin, et il se tut un instant; mais je ne saurai rien de toi, maudit sournois. Au fait, je vais ��tre d��livr�� de toi, et ma scie n'en ira que mieux. Tu as gagn�� M. le cur�� ou tout autre qui t'a procur�� une belle place. Va faire ton paquet, et je te m��nerai chez M. de R��nal, o�� tu seras pr��cepteur des enfants.
- Qu'aurai-je pour cela?
- La nourriture, l'habillement et trois cents francs de gages.
- Je ne veux pas ��tre domestique.
- Animal, qui te parle d'��tre domestique, est-ce que je voudrais que mon fils f?t domestique?
- Mais, avec qui mangerai-je?
Cette demande d��concerta le vieux Sorel, il sentit qu'en parlant, il pourrait commettre quelque imprudence; il s'emporta contre Julien, qu'il accabla d'injures, en l'accusant de gourmandise, et le quitta pour aller consulter ses autres fils.
Julien les vit bient?t apr��s, chacun appuy�� sur sa hache et tenant conseil. Apr��s les avoir longtemps regard��s, Julien ne pouvant rien deviner, alla se placer de l'autre c?t�� de la scie, pour ��viter d'��tre surpris. Il voulait penser m?rement �� cette annonce impr��vue qui changeait son sort, mais il se sentit incapable de prudence; son imagination ��tait tout enti��re �� se figurer ce qu'il verrait dans la belle maison de M. de R��nal.
"Il faut renoncer �� tout cela se dit-il, plut?t que de se laisser r��duire �� manger avec l��s domestiques. Mon p��re voudra m'y forcer; plut?t mourir. J'ai quinze francs huit sous d'��conomie, je me sauve cette nuit, en deux jours, par des chemins de traverse o�� je ne crains nul gendarme, je suis �� Besan?on; l��, je m'engage comme soldat, et, s'il le faut, je passe en Suisse. Mais alors plus d'avancement, plus d'ambition pour moi, plus de ce bel ��tat de pr��tre qui m��ne �� tout."
Cette horreur pour manger avec les domestiques n'��tait pas naturelle �� Julien; il e?t fait, pour arriver �� l�� fortune, des choses bien autrement p��nibles. Il puisait cette r��pugnance dans les Confessions de Rousseau. C'��tait le seul livre �� l'aide duquel son imagination se figurat le monde. Le recueil des bulletins de la grande arm��e et le M��morial de Sainte-H��l��ne compl��taient son Coran. Il se serait fait tuer pour ces trois ouvrages. Jamais il ne crut en aucun autre. D'apr��s un mot du vieux chirurgien-major, il regardait tous les autres livres du monde comme menteurs, et ��crits par des fourbes pour avoir de l'avancement.
Avec une ame de feu, Julien avait une de ces m��moires ��tonnantes si souvent unies �� la sottise. Pour gagner le vieux cur�� Ch��lan, duquel il voyait bien que d��pendait son sort �� venir, il avait appris par coeur tout le Nouveau Testament en latin, il savait aussi le livre Du Pape
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