aux princesses désolées:--«Quelle chose vois-je donc ici, mes
filles? Dites-le-moi! Quel être eut une âme assez violente pour attenter
sur vos personnes et vous rendre ainsi toutes bossues?
«À ces mots du sage Kouçanâbha, les cent jeunes filles répondirent,
baissant leur tête à ses pieds:--«Enivré d'amour, le Vent s'est approché
de nous; et, franchissant les bornes du devoir, ce Dieu s'est porté
jusqu'à nous faire violence.--Toutes cependant nous avions dit à ce
Vent, tombé sous l'aiguillon de l'Amour: «Dieu fort, nous avons un
père; nous ne sommes pas maîtresses de nous-mêmes. Demande-nous à
notre père, si ta pensée ne veut point une autre chose que ce qui est
honnête. Nos coeurs ne sont pas libres dans leur choix: sois bon pour
nous, toi qui es un Dieu!» Irrité de ce langage, le Vent, seigneur, fit
irruption dans nos membres: abusant de sa force, il nous brisa et nous
rendit bossues, comme tu vois.»
«Après que ses filles eurent achevé ce discours, le dominateur des
hommes, Kouçanâbha fit cette réponse, noble Râma, aux cent
princesses: «Mes filles, je vois avec une grande satisfaction que ces
violences du Vent, vous les avez souffertes avec une sainte résignation,
et que vous avez en même temps sauvegardé l'honneur de ma race. En
effet, la patience, mes filles, est le principal ornement des femmes; et
nous devons supporter, c'est mon sentiment, tout ce qui vient des Dieux.
Votre soumission à de tels outrages commis par le Vent, je vous
l'impute à bonne action; aussi je m'en réjouis, mes chastes filles,
comme je pense que ce jour vient d'amener pour vous le temps du
mariage. Allez donc où il vous plaît d'aller, mes enfants: moi, je vais
occuper ma pensée de votre bonheur à venir.»
«Ensuite, quand ce roi, le plus vertueux des monarques, eut congédié
les tristes jeunes filles, il se mit, en homme versé dans la science du
devoir, à délibérer avec ses ministres sur le mariage des cent princesses.
Enfin, c'est de ce jour que Mahaudaya fut dans la suite des temps
appelé Kanyakoubja, c'est-à-dire la ville des jeunes bossues, en
mémoire du fait arrivé dans ces lieux, où jadis le Vent déforma les cent
filles du roi et les rendit toutes bossues.
«Dans ce temps même, un grand saint, nommé Halî, anachorète d'une
sublime énergie, accomplissait un voeu de chasteté vraiment difficile à
soutenir.--Une Gandharvî[4], fille d'Orûnâyou, appelée Saumadâ, s'était
elle-même enchaînée du même voeu très-saint et veillait avec des soins
attentifs autour du brahmatchâri, tandis qu'il se consumait dans sa rude
pénitence. Elle souhaitait un fils, Râma; et ce désir lui avait inspiré
d'embrasser une obéissance soumise et pieusement dévouée à ce grand
saint, absorbé dans la contemplation. Après un long temps, l'anachorète
satisfait lui dit: «Je suis content: que veux-tu, sainte, dis-moi, que je
fasse pour toi?» Aussitôt que la Gandharvî eut reçu de l'anachorète ces
paroles de satisfaction, elle joignit les mains et lui fit connaître en ces
mots composés de syllabes douces à quelle chose aspirait son voeu le
plus ardent: «Ce que je désire de toi, c'est un fils tout éblouissant d'une
beauté, qui émane de Brahma, comme toi, que je vois briller à mes
yeux de cette lumière, auréole éminente, dont Brahma t'a revêtu
lui-même. Je te choisis de ma libre volonté pour mon époux, moi qui
n'ai pas encore été liée par la chaîne du mariage.
[Note 4: Les Gandharvas sont les musiciens du ciel: ce mot au féminin
est gandharvî.]
«Veuille donc t'unir à moi, qui te demande, religieux inébranlable en
tes voeux, à moi, qui n'en demandai jamais un autre avant toi!»
Sensible à sa prière, le brahme saint lui donna un fils, comme elle se
l'était peint dans ses désirs.
«Le fils de Hali eut nom Brahmadatta: ce fut un saint monarque d'une
splendeur égale au rayonnement du roi même des Immortels: il habitait
alors, Kakoutsthide, une ville appelée Kâmpilyâ. Quand la renommée
de son éminente beauté fut parvenue aux oreilles de Kouçanâbha, ce
prince équitable conçut la pensée de marier ses filles avec lui, et fit
proposer l'hymen au roi Brahmadatta.
«L'offre acceptée, Kouçanâbha, dans toute la joie de son âme, donna les
cent jeunes filles à Brahmadatta. Ce prince, d'une splendeur à nulle
autre semblable, prit donc la main à toutes, l'une après l'autre, suivant
les rites du mariage. Mais à peine les eut-il seulement touchées aux
mains, que tout à coup disparut aux yeux la triste infirmité des cent
princesses bossues.
«Elles redevinrent ce qu'elles étaient naguère, douées entièrement de
majesté, de grâces et de beauté. Quand le roi Kouçanâbha vit ses filles
délivrées du ridicule fardeau que leur avait imposé la colère du Vent, il
en fut ravi au plus haut point de l'admiration, il s'en réjouit, il en fut
enivré de plaisir.
«Les noces célébrées et son royal hôte
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