un instant, s'avançaient une centaine de chars brahmiques,
où l'on avait chargé les bagages des anachorètes, qui venaient tous à
leur suite. On voyait aussi des troupeaux d'antilopes et d'oiseaux, doux
habitants de l'Ermitage-Parfait, suivre pas à pas dans cette marche
Viçvâmitra, le sublime solitaire. Déjà les troupes des anachorètes
s'étaient avancées loin dans cette route, quand, arrivées au bord de la
Çona, vers le temps où le soleil s'affaisse à l'horizon, elles s'arrêtent
pour camper devant son rivage.
Mais, aussitôt que l'astre du jour a touché le couchant, ces hommes
d'une splendeur infinie se purifient dans les ondes, rendent un
hommage au feu avec des libations de beurre clarifié, et, donnant la
première place à Viçvâmitra, s'assoient autour du sage. Râma lui-même
avec le fils de Soumitrâ se prosterne devant l'ermite, qui s'est amassé un
trésor de mortifications, et s'assoit auprès de lui.--Alors, joignant ses
mains, le jeune tigre des hommes, que sa curiosité pousse à faire cette
demande, interroge ainsi Viçvâmitra, le saint: «Bienheureux, quel est
donc ce lieu, que je vois habité par des hommes au sein de la félicité?
Je désire l'apprendre, sublime anachorète, de ta bouche même en toute
vérité.»
Excitée par ce langage de Râma, la grande lumière de Viçvâmitra
commença donc à lui raconter ainsi l'histoire du lieu où ils étaient
arrivés:
«Jadis il fut un monarque puissant, appelé Kouça, issu de Brahma et
père de quatre fils, renommés pour la force. C'étaient Kouçâçwa,
Kouçanâbha, Amoûrtaradjasa et Vasou, tous magnanimes, brillants et
dévoués aux devoirs du kshatrya.
«Kouça dit un jour: «Mes fils, il faut vous consacrer à la défense des
créatures.» C'est ainsi qu'il parla, noble Raghouide, à ces princes, de
qui la modestie était la compagne de la science dans la Sainte Écriture.
«À ces paroles du roi leur père, ils bâtirent quatre villes, chacun
fondant la sienne. De ces héros, semblables aux gardiens célestes du
monde, Kouçâçwa construisit la ville charmante de Kâauçâçwi;
Kouçanâbha, qu'on eût dit la justice en personne, fut l'auteur de
Mahaudaya; le vaillant Amoûrtaradjasa créa la ville de Prâgdjyautisha,
et Vasou éleva Girivradja dans le voisinage de Dharmâranya.
«Ce lieu-ci, appelé Vasou, porte le nom du prince Vasou à la splendeur
infinie: on y remarque ces belles montagnes, au nombre de cinq, à la
crête sourcilleuse.--Là, coule la jolie rivière de Mâgadhî; elle donne son
nom à la ville de Magadhâ, qui brille, comme un bouquet de fleurs, au
milieu des cinq grands monts. Cette rivière appelée Mâgadhî
appartenait au domaine du magnanime Vasou: car jadis il habita,
vaillant Râma, ces champs fertiles, guirlandés de moissons.
«De son côté, l'invincible et saint roi Kouçanâbha rendit la nymphe
Ghritâtchyâ mère de cent filles jumelles, à qui rien n'était supérieur en
toutes qualités.
«Un jour, ces jeunes vierges, délicieusement parées, toutes charmantes
de jeunesse et de beauté, descendent au jardin, et là, vives comme des
éclairs, se mettent à folâtrer. Elles chantaient, noble fils de Raghou,
elles dansaient, elles touchaient ou pinçaient divers instruments de
musique, et, parfumant l'air des guirlandes tressées dans leurs atours,
elles se laissaient ravir aux mouvements d'une joie suprême.
«Le Vent, qui va se glissant partout, les vit en ce moment, et voici quel
langage il tint à ces jouvencelles, aux membres suaves, et de qui rien
n'était pareil en beauté sur la terre: «Charmantes filles, je vous aime
toutes; soyez donc mes épouses. Par là, vous dépouillant de la
condition humaine, vous obtiendrez l'immortalité.»
«À ces habiles paroles du Vent amoureux, les jeunes vierges lui
décochent un éclat de rire; et puis toutes lui répondent ainsi:
«Ô Vent, il est certain que tu pénètres dans toutes les créatures; nous
savons toutes quelle est ta puissance; mais pourquoi juger de nous avec
ce mépris? Nous sommes toutes filles de Kouçanâbha; et, fermes sur
l'assiette de nos devoirs, nous défions ta force de nous en précipiter: oui!
Dieu léger, nous voulons rester dans la condition faite à notre
famille.--Qu'on ne voie jamais arriver le temps où, volontairement
infidèle au commandement de notre bon père, de qui la parole est celle
de la vérité, nous irons de nous-mêmes arrêter le choix d'un époux.
Notre père est notre loi, notre père est pour nous une divinité suprême;
l'homme, à qui notre père voudra bien nous donner, est celui-là seul qui
deviendra jamais notre époux.»
«Saisi de colère à ces paroles des jeunes vierges, le Vent fit violence à
toutes et brisa la taille à toutes par le milieu du corps. Pliées en deux,
les nobles filles rentrent donc au palais du roi leur père; elles se jettent
devant lui sur la terre, pleines de confusion, rougissantes de pudeur et
les yeux noyés de larmes.
«À l'aspect de ses filles, tout à l'heure d'une beauté nonpareille,
maintenant flétries et la taille déviée, le monarque dit avec émotion ces
paroles
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