dois immoler ces deux rakshasas qui mettent des obstacles à mon
sacrifice.»
Ensuite Râma, ayant habité là cette nuit avec Lakshmana et s'étant levé
à l'heure où blanchit l'aube, se prosterna humblement pour saluer
Viçvâmitra.
Alors ce guerrier, de qui la force ne trompe jamais, Râma, qui sait le
prix du lieu, du temps et des moyens, adresse à Viçvâmitra ce langage
opportun: «Saint anachorète, je désire que tu m'apprennes dans quel
temps il me faut écarter ces Démons nocturnes qui jettent des obstacles
dans ton sacrifice.»
Ravis de joie à ces paroles, aussitôt Viçvâmitra et tous les autres
solitaires de louer Râma et de lui dire: «À partir de ce jour, il faut,
Râma, que tu gardes pendant six nuits, dévoué entièrement à cette veille
continue; car une fois entré dans les cérémonies préliminaires du
sacrifice, il est défendu au solitaire de rompre le silence.»
Après qu'il eut écouté ces paroles des monobites à l'âme contemplative,
Râma se tint là debout, six nuits, gardant avec Lakshmana le sacrifice
de l'anachorète, l'arc en main, sans dormir et sans faire un mouvement,
immobile, comme un tronc d'arbre, impatient de voir la nuée des
rakshasas abattre son vol sur l'ermitage.
Ensuite, quand le cours du temps eut amené le sixième jour, ces fidèles
observateurs des voeux, les magnanimes anachorètes dressèrent l'autel
sur sa base.--Déjà, accompagné des hymnes, arrosé de beurre clarifié,
le sacrifice était célébré suivant les rites; déjà la flamme se développait
sur l'autel, où priait le contemplateur d'une âme attentive, quand
soudain éclata dans l'air un bruit immense et tel que l'on entend le
sombre nuage tonner au sein des cieux dans la saison des pluies.
Alors, voici que se précipitent dans l'ermitage, et Mârîtcha, et
Soubâhou, et les serviteurs de ces deux rakshasas, déployant toute la
puissance de leur magie.
Aussitôt que, de ses yeux beaux comme des lotus, Râma les vit accourir,
faisant pleuvoir un torrent de sang: «Vois, Lakshmana, dit-il à son frère,
vois Mârîtcha, qui vient, suivi de son cortége, avec sa voix de bruyant
tonnerre, et Soubâhou, le rôdeur nocturne. Regarde bien! ces Démons
noirs, comme deux montagnes de collyre, vont disparaître à l'instant
même devant moi, tels que deux nuages au souffle du vent!»
À ces mots, l'habile archer tira de son carquois la flèche nommée le
Trait-de-l'homme, et, sans être poussé d'une très-vive colère, il décocha
le dard en pleine poitrine de Mârîtcha.
Emporté jusqu'au front de l'Océan par l'impétuosité de cette flèche,
Mârîtcha y tomba comme une montagne, les membres agités par le
tremblement de l'épouvante.
Ensuite, le rejeton vaillant de Raghou choisit dans son carquois le dard
nommé la Flèche-du-feu; il envoya ce trait céleste dans la poitrine de
Soubâhou, et le rakshasa frappé tomba mort sur la terre.
Puis, s'armant avec la Flèche-du-vent et mettant le comble à la joie des
solitaires, le descendant illustre de Raghou immola même tous les
autres Démons. Après ce carnage, Viçvâmitra avec toute la
communauté des anachorètes, s'approcha du jeune guerrier, et lui
décerna les honneurs, les félicitations, les présents, que méritait sa
victoire:
«Je suis content, guerrier aux longs bras: tu as bien observé la parole de
moi, ton maître; en effet, cet Ermitage-Parfait est devenu, grâce à toi,
plus parfait encore.
* * * * *
Leur mission accomplie, Râma et Lakshmana passèrent encore là cette
nuit, honorés des anachorètes et l'âme joyeuse. À l'heure où la nuit
s'éclaire aux premières lueurs de l'aube, et quand ils eurent vaqué aux
dévotions du matin, les deux héros petits-neveux de Raghou allèrent
s'incliner devant Viçvâmitra et devant les autres solitaires; puis, les
ayant tous salués avec lui, ces princes, doués d'une immortelle
splendeur, lui tinrent ce discours à la fois noble et doux:
«Ces deux guerriers, qui se tiennent devant toi, ô le plus éminent des
anachorètes, sont tes serviteurs; commande-nous à ton gré: que veux-tu
que nous fassions encore?»
À ce discours, les ermites, riches de mortifications, à qui ces deux
frères l'avaient adressé, laissent parler Viçvâmitra, et rendent par lui
cette réponse au vaillant Râma:
«Djanaka, le roi de Mithila, doit bientôt célébrer, ô le plus vertueux des
Raghouides, un sacrifice très-grand et très-saint: nous irons
certainement.--Toi-même, ô le plus éminent des hommes, tu viendras
avec nous: tu es digne de voir là cet arc fameux, qui est une grande
merveille et la perle des arcs.
«Jadis, Indra et les Dieux ont donné au roi de Mithila cet arc géant,
comme un dépôt, au temps que la guerre fut terminée entre eux et les
Démons. Ni les Dieux, ni les Gandharvas, ni les Yakshas, ni les Nâgas,
ni les Rakshasas ne sont capables de bander cet arc: combien moins,
nous autres hommes, ne le saurions-nous faire!»
Et sur-le-champ Râma se mit en route avec ces grands saints, à la tête
desquels marchait Viçvâmitra.
Attelés dans
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