haut les chants de voix suaves, les fanfares des conques, les roulements des tymbales célestes.
Le magnanime anachorète était suivi par ces deux héros, comme le roi du ciel est suivi par les deux A?wins. Armés d'un arc, d'un carquois et d'une épée, la main gauche défendue par un cuir lié autour de leurs doigts, ils suivaient Vi?vamitra, comme les deux jumeaux enfants du feu suivent Sthanou, c'est-à-dire le Stable, un des noms de ?iva.
Arrivés à un demi-yodjana et plus sur la rive méridionale de la ?arayo?: ?Rama, dit avec douceur Vi?vamitra; mon bien-aimé Rama, il convient que tu verses maintenant l'eau sur toi, suivant nos rites; je vais t'enseigner les moyens de salut; ne perdons pas le temps.
?Re?ois d'abord ces deux sciences merveilleuses, LA PUISSANCE et L'OUTRE-PUISSANCE; par elles, ni la fatigue, ni la vieillesse, ni aucune altération ne pourront jamais envahir tes membres.
?Car ces deux sciences, qui apportent avec elles la force et la vie, sont les filles de l'a?eul suprême des créatures; et toi, ? Kakoutsthide, tu es un vase digne que je verse en lui ces connaissances merveilleuses. Entouré de qualités divines, enfantées par ta propre nature, et d'autres qualités acquises par les efforts d'un louable désir, tu verras encore ces deux sciences élever tes vertus jusqu'à la plus haute excellence.?
Après ce discours, Vi?vamitra, l'homme riche en mortifications, initia aux deux sciences Rama, purifié dans les eaux du fleuve, debout, la tête inclinée et les mains jointes.
Le héros enfant dit, chemin faisant, au sublime anachorète Vi?vamitra ces paroles, toutes composées de syllabes douces: ?Quelle est cette forêt bien grande, qui se montre ici, non loin de la montagne, comme une masse de nuages? à qui appartient-elle, homme saint, qui brilles d'une splendeur impérissable? Cette forêt semble à mes regards délicieuse et ravissante.?
?Ce lieu, Rama, lui répondit l'anachorète, fut jadis l'ermitage du Nain magnanime: l'Ermitage-Parfait, c'est ainsi qu'on l'appelle, fut jadis la scène où le parfait, où l'illustre Vishnou se livrait sous la forme d'un nain à la plus austère pénitence, dans le temps, noble fils de Raghou, que Bali ravit à Indra le sceptre des trois mondes.
?Le Virotchanide, enflammé par l'ivresse que lui inspirait l'éminence de sa force, ayant donc vaincu le monarque du ciel, Bali resta ma?tre de l'empire des trois mondes.
?Ensuite, comme Bali voulait encore augmenter sa puissance par l'offrande d'un sacrifice, Indra et l'armée des immortels avec lui vint dire, tout ému de crainte, à Vishnou, ici même, dans cet ermitage:
?Ce Virotchanide d'une si haute puissance, Bali offre un sacrifice: et cependant ce roi des Asouras est déjà doué d'une telle abondance, qu'il rassasie les désirs de toutes les créatures. Va le trouver sous cette forme de nain, Dieu aux longs bras, et veuille bien lui mendier ce que trois de tes pas seulement peuvent mesurer de terre. Il doit nécessairement t'accorder l'aum?ne de ces trois pas, aveuglé qu'il est de sa force, comme de son courage, et méprisant dans toi-même le ma?tre du monde, qu'il ne reconna?tra point sous ta forme de nain. Le roi des vils Démons gratifie par l'accomplissement de leurs voeux les plus chers tous ceux qui, désirant obtenir l'objet où leur souhait aspire, invoquent sa munificence.
?Cet ermitage parfait de nom le sera donc aussi de fait, si tu veux bien en sortir un instant, ? toi, de qui l'énergie est celle de la vérité même, pour accomplir cette action parfaite.
?Conjuré ainsi par les Dieux, Vishnou, sous la forme de nain, dont s'était revêtue son ame divine, alla trouver le Virotchanide et lui demanda l'aum?ne des trois pas.
?Mais aussit?t que Bali eut accordé les trois pas de terre au mendiant, le nain se développa dans une forme prodigieuse, et le Dieu-aux-trois-pas[3] s'empara de tous les mondes en trois pas.--Du premier pas, noble Raghouide, il franchit toute la terre; au deuxième, tout l'immortel espace atmosphérique; et, du troisième, il mesura tout le ciel austral. C'est ainsi que Vishnou réduisit le démon Bali à ne plus avoir d'autre habitation que l'ab?me des enfers; c'est ainsi qu'ayant extirpé ce fléau des trois mondes, il en restitua l'empire au monarque du ciel.
[Note 3: Trivikrama, un des surnoms de Vishnou, qu'il dut à cette légende.]
?Cet ermitage, qui fut habité jadis par le Dieu aux oeuvres saintes, re?oit très-souvent mes visites par dévotion en l'ineffable nain. Voici le lieu où grace à ton courage, héros, fils du plus grand des hommes, tu dois immoler ces deux rakshasas qui mettent des obstacles à mon sacrifice.?
Ensuite Rama, ayant habité là cette nuit avec Lakshmana et s'étant levé à l'heure où blanchit l'aube, se prosterna humblement pour saluer Vi?vamitra.
Alors ce guerrier, de qui la force ne trompe jamais, Rama, qui sait le prix du lieu, du temps et des moyens, adresse à Vi?vamitra ce langage opportun: ?Saint anachorète, je désire que tu m'apprennes dans quel temps il me faut
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