Le Pays de lor | Page 7

Hendrik Conscience
mont��s �� un degr�� d'excitation extraordinaire.
Le pilote essaya enfin de faire r��gner un peu d'ordre sur le pont; mais on re?ut ses avis et ses ordres en se moquant de lui, en riant et en dansant. Il alla, tout courrouc��, du c?t�� du gouvernail, o�� le capitaine contemplait avec un sourire l'animation des passagers en gaiet��. Il r��pondit �� la plainte du pilote:
--Laisse-les faire, Corneille. Vois-tu l��-bas ces nuages monter sur la mer? Le vent s'��l��vera, et aussit?t que le Jonas commencera �� danser, ce sera fini de tout ce vacarme.
En ce moment, Donat Kwik accourut, pale et d��fait, vers Jean et Victor, qui contemplaient en causant le large fleuve. Le paysan se laissa tomber �� genoux devant eux, et ��leva les mains d'un air suppliant.
--Pour l'amour de Dieu! dit-il, ayez compassion d'un pauvre Flamand! Je vais mourir, je suis empoisonn��...
Le sensible Victor, croyant �� la possibilit�� d'un malheur, releva Donat Kwik, le prit dans ses bras et lui demanda avec int��r��t ce qui lui ��tait arriv��.
--Ah! mon bon monsieur Roozeman, ah! Monsieur Creps, je n'��tais pas bien, vous savez de quoi, g��mit le paysan. Ils ne me comprennent pas en bas; ils se moquent de moi et rient de ma souffrance. Il y a quelqu'un qui est all�� chercher le m��decin, et il est venu un homme avec un gros nez rouge. Il m'a vers�� dans le corps un demi-litre de cette ex��crable eau sal��e, et une poudre rouge, du poivre d'Espagne, je connais cela, ?a sert �� faire trotter les anes. Ah! mon Dieu! mon Dieu! je suis empoisonn��, soyez-en s?rs, mon ame va quitter mon corps. A l'aide! �� l'aide!
--Bah! ne voyez-vous pas, messieurs, que cet imb��cile a le mal de mer? dit un Allemand en passant.
Cette remarque amena un sourire sur les l��vres des deux amis, et ils se disposaient �� convaincre Donat que son indisposition se passerait d'elle-m��me; mais le pauvre gar?on sentit une terrible crampe d'estomac, porta ses deux mains �� sa poitrine et s'enfuit dans l'entre-pont pour se cacher.
Comme le Capitaine l'avait pr��dit, le ciel se couvrait peu �� peu de petits nuages, et le vent, quoique d��j�� favorable, gagna en force. L'eau commen?a �� s'��lever et le Jonas dansa gracieusement sur les vagues qui accouraient �� sa rencontre de la pleine mer.
Le capitaine marcha vers le pilote et lui dit:
--La fin de cette folle kermesse est arriv��e, Corneille; qu'on pr��pare des seaux et des cuves. Il y en a d��j�� une vingtaine l��-bas couch��s avec la t��te au-dessus de la mer. Vite! sinon ils vont faire l��-dessous un affreux gachis.
En effet, la joie et les chansons s'��teignirent en peu de temps. Bient?t, plus de la moiti�� des passagers furent pris de violentes douleurs d'entrailles et de crampes d'estomac; ils ��taient pales comme des cadavres, et, pendant les moments de r��pit que leur laissaient leurs souffrances, ils interrogeaient l'espace d'un regard ��gar�� et stupide, comme pour lui demander l'explication de ce mal myst��rieux qui avait refroidi si soudainement leur enthousiasme et souffl�� sur leur joie. L'Oc��an, dont le n��buleux horizon leur apparaissait au loin, leur avait envoy�� son messager ordinaire, le mal de mer, pour leur souhaiter la bienvenue sur la plaine liquide.
Victor en avait ��t�� atteint un des premiers; il ��tait silencieusement courb�� au-dessus du bord du navire, et quand ses souffrances diminuaient, il s'effor?ait quelquefois de r��pondre par un sourire aux consolations de Jean; celui-ci, qui ��tait encore en bonne sant��, prit enfin son ami par le bras pour le conduire dans sa cabine et l'aider �� se mettre au lit. Pendant qu'ils descendaient, Victor lui dit:
--Ce n'est rien, Jean, je sais bien que cela se passera; mais cependant tu ne peux imaginer comme ce mal ��tonnant abat et torture l'homme. Je comprends que tu ries, j'ai ri aussi du pauvre Donat, mais c'est...
Une nouvelle crampe ��touffa la parole sur ses l��vres. Jean allait de nouveau r��pondre �� ses plaintes par des railleries; mais il sentit �� son tour que le coeur lui tournait, et le violent effort qu'il fit pour surmonter le mal mouilla son front d'une sueur froide.
--Viens, viens, Victor, dit-il, descendons. Ce malencontreux mal de mer ne se trouvait pas sur le prospectus; pas de roses sans ��pines; cela se passera en dormant.
Un grand nombre de malades descendirent, les uns apr��s les autres, derri��re les deux amis. Enfin, il n'en resta plus qu'une vingtaine sur le pont. Quoique ceux-ci parussent �� l'��preuve du mal de mer, ils n'��taient pas cependant �� leur aise. Ils ��taient faibles, et d��courag��s et regardaient silencieusement les flots, qui soulevaient avec une r��gularit�� monotone les flancs du navire.
Lorsque, �� l'embouchure de l'Escaut, le Jonas entra dans le d��troit, le capitaine dit �� son pilote:
--Il s'��coulera quelques jours avant que ce tas d'imb��ciles soient sur pied. Nous emploierons ce temps �� mettre tout en
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