ils regardaient l'affaire par cent c?t��s, dont aucun n'��tait dans son vrai jour: les juges d��cid��rent plus vite que les avocats ne dout��rent. Leur jugement fut presque unanime; ils jug��rent bien, parcequ'ils suivaient les lumi��res de la raison; et les autres avaient opin�� mal, parcequ'ils n'avaient consult�� que leurs livres.
Babouc conclut qu'il y avait souvent de tr��s bonnes choses dans les abus. Il vit d��s le jour m��me que les richesses des financiers, qui l'avaient tant r��volt��, pouvaient produire un effet excellent, car l'empereur ayant eu besoin d'argent, il trouva en une heure, par leur moyen, ce qu'il n'aurait pas eu en six mois par les voies ordinaires; il vit que ces gros nuages, enfl��s de la ros��e de la terre, lui rendaient en pluie ce qu'ils en recevaient[20]. D'ailleurs les enfants de ces hommes nouveaux, souvent mieux ��lev��s que ceux des familles plus anciennes, valaient quelquefois beaucoup mieux; car rien n'emp��che qu'on ne soit un bon juge, un brave guerrier, un homme d'��tat habile, quand on a eu un p��re bon calculateur.
[20] Voyez daus les _M��langes_, ann��e 1749, le morceau intitul��: Embellissements de Paris. B.
XI. Insensiblement Babouc fesait grace �� l'avidit�� du financier, qui n'est pas au fond plus avide que les autres hommes, et qui est n��cessaire[21]. Il excusait la folie de se ruiner pour juger et pour se battre, folie qui produit de grands magistrats et des h��ros. Il pardonnait �� l'envie des lettr��s, parmi lesquels il se trouvait des hommes qui ��clairaient le monde; il se r��conciliait avec les mages ambitieux et intrigants, chez lesquels il y avait plus de grandes vertus encore que de petits vices; mais il lui restait bien des griefs, et surtout les galanteries des dames; et les d��solations qui en devaient ��tre la suite le remplissaient d'inqui��tude et d'effroi.
[21] 1750 porte: ?tr��s n��cessaire.? B.
Comme il voulait p��n��trer dans toutes les conditions humaines, il se fit mener chez un ministre; mais il tremblait toujours en chemin que quelque femme ne f?t assassin��e en sa pr��sence par son mari. Arriv�� chez l'homme d'��tat, il resta deux heures dans l'antichambre sans ��tre annonc��, et deux heures encore apr��s l'avoir ��t��. Il se promettait bien dans cet intervalle de recommander �� l'ange Ituriel et le ministre et ses insolents huissiers. L'antichambre ��tait remplie de dames de tout ��tage, de mages de toutes couleurs, de juges, de marchands, d'officiers, de p��dants; tous se plaignaient du ministre. L'avare et l'usurier disaient: Sans doute cet homme-l�� pille les provinces; le capricieux lui reprochait d'��tre bizarre; le voluptueux disait: Il ne songe qu'�� ses plaisirs; l'intrigant se flattait de le voir bient?t perdu par une cabale; les femmes esp��raient qu'on leur donnerait bient?t un ministre plus jeune.
Babouc entendait leurs discours; il ne put s'emp��cher de dire: Voil�� un homme bien heureux, il a tous ses ennemis dans son antichambre; il ��crase de son pouvoir ceux qui l'envient; il voit �� ses pieds ceux qui le d��testent. Il entra enfin; il vit un petit vieillard courb�� sous le poids des ann��es et des affaires, mais encore vif et plein d'esprit.[22]
[22] C'est le cardinal de Fleuri que Voltaire d��signe ici; il en fait encore l'��loge dans le _Pan��gyrique de Louis XV_ (voyez les _M��langes_, ann��e 1748). B.
Babouc lui plut, et il parut �� Babouc un homme estimable. La conversation devint int��ressante. Le ministre lui avoua qu'il ��tait un homme tr��s malheureux, qu'il passait pour riche, et qu'il ��tait pauvre; qu'on le croyait tout puissant, et qu'il ��tait toujours contredit; qu'il n'avait gu��re oblig�� que des ingrats, et que dans un travail continuel de quarante ann��es il avait eu �� peine un moment de consolation. Babouc en fut touch��, et pensa que, si cet homme avait fait des fautes, et si l'ange Ituriel voulait le punir, il ne fallait pas l'exterminer, mais seulement lui laisser sa place.
XII. Tandis qu'il parlait au ministre entre brusquement la belle dame chez qui Babouc avait d?n��; on voyait dans ses yeux et sur son front les sympt?mes de la douleur et de la col��re. Elle ��clata en reproches contre l'homme d'��tat, elle versa des larmes; elle se plaignit avec amertume de ce qu'on avait refus�� �� son mari une place o�� sa naissance lui permettait d'aspirer, et que ses services et ses blessures m��ritaient; elle s'exprima avec tant de force, elle mit tant de graces dans ses plaintes, elle d��truisit les objections avec tant d'adresse, elle fit valoir les raisons avec tant d'��loquence, qu'elle ne sortit point de la chambre sans avoir fait la fortune de son mari.
Babouc lui donna la main: Est-il possible, madame, lui dit-il, que vous vous soyez donn�� toute cette peine pour un homme que vous n'aimez point, et dont vous avez tout �� craindre? Un homme que je n'aime point! s'��cria-t-elle: sachez que mon mari est le meilleur ami que j'aie
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