très comique ce minois de chat, déjà fort extraordinaire par lui-même.
Il s'enhardissait jusqu'à suivre sa ma?tresse au bain, et passait de longues heures avec nous, étendu dans des poses nonchalantes.
Rarahu lui prodiguait les noms les plus tendres,--tels que: Ma petite chose très chérie--et mon petit coeur (ta u mea iti here rahi) et (ta u mafatu iti).
XX
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... Non, ceux-là qui ont vécu là-bas, au milieu des filles à demi civilisées de Papeete,--qui ont appris avec elles le tahitien facile et batard de la plage et les moeurs de la ville colonisée,--qui ne voient dans Tahiti qu'une ?le où tout est fait pour le plaisir des sens et la satisfaction des appétits matériels,--ceux-là ne comprennent rien au charme de ce pays...
Ceux encore,--les plus nombreux sans contredit,--qui jettent sur Tahiti un regard plus honnête et plus artiste,--qui y voient une terre d'éternel printemps, toujours riante, poétique,--pays de fleurs et de belles jeunes femmes,--ceux-là encore ne comprennent pas... Le charme de ce pays est ailleurs, et n'est pas saisissable pour tous...
Allez loin de Papeete, là où la civilisation n'est pas venue, là où se retrouvent sous les minces cocotiers,--au bord des plages de corail, --devant l'immense Océan désert,--les districts tahitiens, les villages aux toits de pandanus.--Voyez ces peuplades immobiles et rêveuses;--voyez au pied des grands arbres ces groupes silencieux, indolents et oisifs, qui semblent ne vivre que par le sentiment de la contemplation... écoutez le grand calme de cette nature, le bruissement monotone et éternel des brisants de corail;--regardez ces sites grandioses, ces mornes de basalte, ces forêts suspendues aux montagnes sombres, et tout cela, perdu au milieu de cette solitude majestueuse et sans bornes: le Pacifique.........................................................
XXI
... Le premier soir où Rarahu vint se mêler aux jeunes femmes de Papeete, était un soir de grande fête.
La reine donnait un bal à l'état-major d'une frégate, qui par hasard passait...
Dans le salon tout ouvert, étaient déjà rangés les fonctionnaires européens, les femmes de la cour, tout le personnel de la colonie, en habits de gala.
En dehors, dans les jardins, c'était un grand tumulte, une grande confusion. Toutes les suivantes, toutes les jeunes femmes, en robe de fête et couronnées de fleurs, organisaient une immense upa-upa. Elles se préparaient à danser jusqu'au jour, pieds nus et au son du tam-tam,- tandis que chez la reine, on allait danser au piano, en bottines de satin.
Et les officiers qui avaient déjà des amies au dedans et au dehors, dans ces deux mondes de femmes, allaient de l'un à l'autre sans détours, avec le singulier laisser-aller qu'autorisent les moeurs tahitiennes...
La curiosité, la jalousie surtout avaient poussé Rarahu à cette sorte d'escapade, depuis longtemps préméditée.--La jalousie, passion peu commune en Océanie, avait sourdement miné son petit coeur sauvage.
Quand elle s'endormait seule au milieu de ce bois, couchée en même temps que le soleil dans la case de ses vieux parents, elle se demandait ce que pouvaient bien être ces soirées de Papeete que Loti son ami passait avec Fa?mana ou Téria, suivantes de la reine... Et puis il y avait cette princesse Ariitéa, dans laquelle, avec son instinct de femme, elle avait deviné une rivale...
--"Ia ora na, Loti!" (Je te salue, Loti!) dit tout à coup derrière moi une petite voix bien connue, qui semblait encore trop jeune et trop fra?che pour être mêlée au tumulte de cette fête.
Et je répondis, étonné:
--"Ia ora na, Rarahu!" (Je te salue, Rarahu!)
C'était bien elle, pourtant, la petite Rarahu, en robe blanche, et donnant la main à Tiahoui. C'étaient bien elles deux,--qui semblaient intimidées de se trouver dans ce milieu inusité, où tant de jeunes femmes les regardaient. Elles m'abordaient avec de petites mines, demi- souriantes, demi-pincées,--et il était aisé de voir que l'orage était dans l'air.
--Ne veux-tu pas te promener avec nous, Loti? Ici ne nous connais-tu pas? Et ne sommes-nous pas autant que les autres bien habillées et jolies?
Elles savaient bien qu'elles l'étaient plus que les autres, au contraire,--et, sans cette conviction, probablement elles n'eussent point tenté l'aventure.
--Allons plus près, dit Rarahu; je veux voir à ce qu'elles font dans la maison de la reine.
Et tous trois, nous tenant par la main, au milieu des tuniques de mousseline et des couronnes de fleurs, nous nous approchames des fenêtres ouvertes,--pour regarder ensemble cette chose singulière à plus d'un titre: une réception chez la reine Pomaré.
--Loti, demanda d'abord Tiahoui,--celles-ci, que font-elles?... Elle montrait de la main un groupe de femmes légèrement bistrées, et parées de longues tuniques éclatantes, qui étaient assises avec des officiers autour d'une table couverte d'un tapis vert. Elles remuaient des pièces d'or et de nombreux petits carrés de carton peint, qu'elles faisaient glisser rapidement dans leurs doigts, tandis que leurs yeux noirs conservaient leur impassible expression de calinerie et de nonchalance exotique.
Tiahoui ignorait absolument les secrets du poker et du baccara; elle ne saisit que d'une manière imparfaite les explications
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