vieille litt��rature orale ��tait encore vivante, cont��e ou chant��e. De vieux airs sonnent dans ces ballades d'un art pourtant si nouveau:
La mer brille au-dessus de la baie, la mer brille comme une coquille. On a envie de la p��cher. Le ciel est gai, c'est joli Mai.
C'est doux la mer au-dessus de la baie, c'est doux comme une main d'enfant. On a envie de la caresser. Le ciel est gai, c'est joli Mai.
Voici une ronde (peut-��tre) qui fera encore mieux entendre sa musique oubli��e:
Un gentil page vint �� passer, une reine gentille vint �� chanter.--Roi! hou--tu les feras pendre, hou, hou, tu?les feras tuer.
Un gentil page vint �� chanter, une reine gentille vint �� descendre.--Roi! hou--tu les feras moudre, hou, hou, tu les feras tuer.
Le grand gibet dans l'herbe tendre, la meule dor��e dans le grand pr��.--Roi! hou--tu feras moudre, hou, hou, tu?les feras pendre.
Un moine blanc vint �� passer, un moine rouge vint ��?chanter:--Roi! hou tu les feras tondre, hou, hou, pour le moutier.
L'��motion r��git le second livre. C'est celui de l'amour, de la nature et du r��ve: celui des paysages doux et nuanc��s, bleu et argent. La mer est d'argent, les saules sont d'argent, l'herbe est d'argent; l'air est bleu, la lune est bleue, les animaux sont bleus.
L'Aube a roul�� ses roues de glace dans l'horizon. La terre se d��couvre en gammes de jour pale. Un mont refl��te, humide, les derni��res ��toiles, et les animaux bleus boivent l'herbe d'argent.?................................................................
Et c'est gai, pur, un peu triste aussi comme quand on regarde l'��tendue des campagnes, ou la mer, ou le ciel. Les choses ont une mani��re si solennelle de se coucher dans la brume, une telle attitude d'��ternit�� quand elles sont couch��es que nous devenons graves, tout au moins, �� ce spectacle qui trouble la mobilit�� de nos pens��es et les arr��te et les fixe douloureusement; mais il y a une joie dans la vue de la beaut��, qui, �� certaines heures de la vie, peut dominer les autres sensations et nous pr��parer �� l'��tat de grace n��cessaire �� la communion parfaite. C'est le mysticisme dans sa fra?cheur la plus ing��nue et dans son amour le plus ��loquent. Ainsi la ballade: _L'ombre comme un parfum s'exhale des montagnes_. Je veux d��clarer que cet hymne est beau comme un des beaux chants de Lamartine:
Laisse nager le ciel entier dans tes yeux sombres et m��le ton silence �� l'ombre de la terre: si ta vie ne fait pas une ombre sur son ombre, tes yeux et ta ros��e sont les miroirs des sph��res.?.............................................................. A l'espalier les nuits aux branches invisibles, vois briller ces fleurs d'or, espoir de notre vie, vois scintiller sur nous-- scels d'or des vies futures--nos ��toiles visibles aux arbres de la nuit.?............................................................... Contemple, sois ta chose, laisse penser tes sens, ��prendstoi de toi-m��me ��pars dans cette vie. Laisse ordonner le ciel �� tes yeux, sans comprendre, et cr��e de ton silence la musique des nuits.
La rime manque, parfois m��me l'assonance; on n'y prend garde. C'est, renouvel��e par de belles images in��dites, la grande po��sie romantique. Mais, sans ��tre unique, une ��motion aussi profonde est rare dans les Ballades. Le po��te a pour l'humour un penchant qu'il veut satisfaire m��me hors de propos et voici, apr��s un livre sentimental (vieilles estampes en demi-teinte), toute une bizarre mythologie, Orph��e, Sil��ne, Hercule, restaur��e avec quelque hardiesse, puis l'extraordinaire _Louis XI, curieux homme_, et Coxcomb, plus ��trange encore, puis des ballades ��tranges encore et encore,--et pas une o�� il n'y ait quelque trait d'originalit��, de po��sie ou d'esprit. Nous avons donc le livre le plus vari�� et les gestes les plus dispersifs. On a peine, si t?t, �� y bien retrouver son chemin, tant les pistes s'enroulent et s'enlacent sous les branches, disparaissent dans les buissons, dans les ruisseaux, dans les mousses ��lastiques, tant l'animal entrevu est singulier, rapide et mouvant. On a d��fini M. Paul Fort, dans une intention sans doute amicale: le g��nie pur et simple. Ironique, cela ne serait pas encore tr��s cruel; s��rieux, cela dit une partie de la v��rit��. Ce po��te en effet est une perp��tuelle vibration, une machine nerveuse sensible au moindre choc, un cerveau si prompt que l'��motion souvent s'est formul��e avant la conscience de l'��motion. Le talent de Paul Fort est une mani��re de sentir autant qu'une mani��re de dire.
HUGUES REBELL
Des hommes ne sont pas d'accord avec leur temps; ils ne vivent jamais de la vie du peuple; l'ame des foules ne leur appara?t pas bien sup��rieure �� l'ame des troupeaux.
Si l'un de ces hommes r��fl��chit sur lui-m��me et arrive �� se comprendre et �� se situer dans le vaste monde, peut-��tre va-t-il s'attrister, car il sent autour de lui une invincible ��tendue d'indiff��rence, une nature muette, des pierres stupides, des gestes g��om��triques: c'est la grande solitude sociale. Et, au fond de son ennui, il songe
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