Saint-Marc ��tait retomb�� dans ses sourdes intrigues royalistes, tandis que le vieux quartier et la ville neuve avaient envoy�� �� la Chambre un repr��sentant lib��ral, vaguement teint�� d'orl��anisme, tout pr��t �� se ranger du c?t�� de la R��publique, si elle triomphait. Et c'��tait pourquoi F��licit��, en femme tr��s intelligente, se d��sint��ressait et consentait �� n'��tre plus que la reine d��tr?n��e d'un r��gime d��chu.
Mais il y avait encore l�� une haute position, environn��e de toute une po��sie m��lancolique. Pendant dix-huit ann��es, elle avait r��gn��. La l��gende de ses deux salons, le salon jaune o�� avait m?ri le coup d'��tat, le salon vert, plus tard, le terrain neutre o�� la conqu��te de Plassans s'��tait achev��e, s'embellissait du recul des ��poques disparues. Elle ��tait, d'ailleurs, tr��s riche. Puis, on la trouvait tr��s digne dans la chute, sans un regret ni une plainte, promenant, avec ses quatre-vingts ans, une si longue suite de furieux app��tits, d'abominables manoeuvres et d'assouvissements d��mesur��s, qu'elle en devenait auguste. La seule de ses joies, maintenant, ��tait de jouir en paix de sa grande fortune et de sa royaut�� pass��e, et elle n'avait plus qu'une passion, celle de d��fendre son histoire, en ��cartant tout ce qui, dans la suite des ages, pourrait la salir. Son orgueil, qui vivait du double exploit dont les habitants parlaient encore, veillait avec un soin jaloux, r��solu �� ne laisser debout que les beaux documents, cette l��gende qui la faisait saluer comme une majest�� tomb��e, quand elle traversait la ville.
Elle ��tait all��e jusqu'�� la porte de la chambre, elle ��couta le bruit du pilon. Puis, le front soucieux, elle revint vers Clotilde.
--Que fabrique-t-il donc, mon Dieu! Tu sais qu'il se fait le plus grand tort, avec sa drogue nouvelle. On m'a racont�� que, l'autre jour, il avait encore failli tuer un de ses malades.
--Oh! grand'm��re! s'��cria la jeune fille.
Mais elle ��tait lanc��e.
--Oui, parfaitement! les bonnes femmes en disent bien d'autres.... Va les questionner, au fond du faubourg. Elles te diront qu'il pile des os de mort dans du sang de nouveau-n��.
Cette fois, pendant que Martine protestait elle-m��me, Clotilde se facha, bless��e dans sa tendresse.
--Oh! grand'm��re, ne r��p��te pas ces abominations!... Ma?tre qui a un si grand coeur, qui ne songe qu'au bonheur de tous!
Alors, quand elle les vit l'une et l'autre s'indigner, F��licit��, comprenant qu'elle brusquait trop les choses, redevint tr��s caline.
--Mais, mon petit chat, ce n'est pas moi qui dis ces choses affreuses. Je te r��p��te les b��tises qu'on fait courir, pour que tu comprennes que Pascal a tort de ne pas tenir compte de l'opinion publique.... Il croit avoir trouv�� un nouveau rem��de, rien de mieux! et je veux m��me admettre qu'il va gu��rir tout le monde, comme il l'esp��re. Seulement, pourquoi affecter ces allures myst��rieuses, pourquoi n'en pas parler tout haut, pourquoi surtout ne l'essayer que sur cette racaille du vieux quartier et de la campagne, au lieu de tenter, parmi les gens comme il faut de la ville, des cures ��clatantes qui lui feraient honneur?... Non, vois-tu, mon petit chat, ton oncle n'a jamais rien pu faire comme les autres.
Elle avait pris un ton pein��, baissant la voix pour ��taler cette plaie secr��te de son coeur.
--Dieu merci! ce ne sont pas les hommes de valeur qui manquent dans notre famille, mes autres fils m'ont donn�� assez de satisfaction! N'est-ce pas? ton oncle Eug��ne est mont�� assez haut, ministre pendant douze ans, presque empereur! et ton p��re lui-m��me a remu�� assez de millions, a ��t�� m��l�� �� d'assez grands travaux qui ont refait Paris! Je ne parle pas de ton fr��re Maxime, si riche, si distingu��, ni de tes cousins, Octave Mouret, un des conqu��rants du nouveau commerce, et notre cher abb�� Mouret, un saint celui-l��!... Eh bien! pourquoi Pascal, qui aurait pu marcher sur leurs traces �� tous, vit-il obstin��ment dans son trou, en vieil original �� demi f��l��?
Et, la jeune fille s'��tant r��volt��e encore, elle lui ferma la bouche d'un geste caressant de la main.
--Non, non! laisse-moi finir.... Je sais bien que Pascal n'est pas une b��te, qu'il a fait des travaux remarquables, que ses envois �� l'Acad��mie de m��decine lui ont m��me acquis une r��putation parmi les savants.... Mais cela peut-il compter, �� c?t�� de ce que j'avais r��v�� pour lui? oui! toute la belle client��le de la ville, une grosse fortune, la d��coration, enfin des honneurs, une position digne de la famille.... Ah! vois-tu, mon petit chat, c'est de cela que je me plains: il n'en est pas, il n'a pas voulu en ��tre, de la famille. Ma parole! je le lui disais, quand il ��tait enfant: ?Mais d'o�� sors-tu? Tu n'es pas �� nous!? Moi, j'ai tout sacrifi�� �� la famille, je me ferais hacher pour que la famille f?t �� jamais grande et glorieuse!
Elle redressait sa petite taille, elle devenait tr��s haute, dans l'unique passion de
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