Le Corricolo | Page 8

Alexandre Dumas, père
de l'orgueil.
Nous descend?mes aussit?t, et nous reconn?mes dans l'homme au fouet Francesco, c'est-��-dire l'autom��don qui nous avait amen�� en calessino de Salerne �� Naples. M. Martin Zir s'��tait adress�� �� lui comme �� un homme de l'��tat. Flatt�� de la confiance, Francesco avait fait vite et en conscience. Il s'��tait procur�� la caisse, il avait achet�� les chevaux, et il avait trouv�� de rencontre des harnais presque neufs; enfin, malgr�� la pr��tention que nous avions manifest��e de conduire nous-m��mes, il venait nous offrir ses services comme cocher.
Je commen?ai par lui demander la note de ses d��bours��s: il me la pr��senta. Comme l'avait dit M. Martin Zir, elle montait �� quatre-vingt-un francs.
Je lui en donnai quatre-vingt-dix; il mit sa croix au dessous du total en forme de quittance; puis je lui pris le fouet des mains, et je m'appr��tai �� monter dans notre ��quipage.
--Est-ce que ces messieurs ne me gardent pas �� leur service? nous demanda Francesco.
--Et pourquoi faire, mon ami? r��pondis-je.
--Mais pour faire tout ce dont je serai capable, et particuli��rement pour faire marcher vos chevaux.
--Comment! pour faire marcher nos chevaux?
--Oui.
--Nous, les ferons bien marcher nous-m��mes.
--Il faudra voir.
--J'en ai men�� de plus fringans que les tiens!
--Je ne dis pas qu'ils sont fringans, excellence.
--Et dans une ville o�� il est plus difficile de conduire qu'�� Naples, o�� jusqu'�� cinq heures de l'apr��s-midi il n'y a personne dans les rues.
--Je ne doute pas de l'adresse de son excellence, mais...
--Mais quoi?
--Mais son excellence a peut-��tre men�� jusqu'ici des chevaux vivans, tandis que...
--Tandis que? Voyons, parle.
--Tandis que ceux-ci sont des chevaux morts.
--Eh bien!
--Eh bien! je ferai observer �� son excellence que c'est tout autre chose.
--Pourquoi?
--Son excellence verra.
--Est-ce qu'ils sont vicieux, tes chevaux?
--Oh! non, excellence; ils sont comme la jument de Roland, qui avait toutes les qualit��s; seulement toutes ces qualit��s ��taient contrebalanc��es par un seul d��faut.
--Lequel?
--Elle ��tait morte.
--Mais s'ils ne marchent pas avec moi, ils ne marcheront avec personne.
--Pardon, excellence.
--Et qui les fera marcher?
--Moi.
--Je serais curieux de faire l'exp��rience.
--Faites, excellence.
Francesco alla d'un air goguenard s'appuyer contre la porte de l'h?tel, tandis que je sautais dans le corricolo, o�� m'attendait Jadin, et que je m'accommodais pr��s de lui.
A peine ��tabli, je rassemblai mes r��nes de la main gauche, et j'allongeai de la droite un coup de fouet qui enveloppa le bilancino et le porteur.
Ni le porteur ni le bilancino ne boug��rent; on e?t dit des chevaux de marbre.
J'avais op��r�� de droite �� gauche, je recommen?ai en op��rant cette fois de gauche �� droite. M��me immobilit��.
Je m'attaquai aux oreilles.
Ils se content��rent de secouer les oreilles comme ils auraient fait pour une mouche qui les e?t piqu��s.
Je pris le fouet par la lani��re et je frappai avec le manche.
Ils se content��rent de tourner leur peau comme fait un ane qui veut jeter son cavalier �� terre.
Cela dura dix minutes.
Au bout de ce temps, toutes les fen��tres de l'h?tel ��taient ouvertes, et il y avait autour de nous un rassemblement de deux cents lazzaroni.
Je vis que je donnais la com��die gratis �� la population de Naples. Comme je n'��tais pas venu pour faire concurrence �� Polichinelle, je pris mon parti. A l'instant m��me je jetai le fouet �� Francesco, curieux de voir comment il s'en tirerait �� son tour.
Francesco sauta derri��re nous, prit les r��nes que je lui tendais, poussa un petit cri, allongea un petit coup de fouet, et nous part?mes au galop.
Apr��s quelques ��volutions autour de la place, Francesco parvint �� diriger son attelage vers la rue de la Chiaja.

III
Chiaja.
Chiaja n'est qu'une rue: elle ne peut donc offrir de curieux que ce qu'offre toute rue, c'est-��-dire une longue file de batimens modernes d'un go?t plus ou moins mauvais. Au reste, Chiaja, comme la rue de Rivoli, a sur ce point un avantage sur les autres rues: c'est de ne pr��senter qu'une seule ligne de portes, de fen��tres et de pierres plus ou moins maladroitement pos��es les unes sur les autres. La ligne parall��le est occup��e par les arbres taill��s en berceaux de la Villa-Reale, de sorte qu'�� partir du premier ��tage des maisons, ou plut?t des palais de la rue de Chiaja, comme on les appelle �� Naples, on domine cette seconde partie du golfe qui s��pare de l'autre le chateau de l'Oeuf.
Mais si la rue de Chiaja n'est pas curieuse par elle-m��me, elle conduit �� une partie des curiosit��s de Naples: c'est par elle qu'on va au tombeau de Virgile, �� la grotte du Chien, au lac d'Agnano, �� Pouzzoles, �� Ba?a, au lac d'Averne et aux Champs-��lys��es.
De plus et surtout, c'est la rue o�� tous les jours, �� trois heures de l'apr��s-midi pendant l'hiver, et �� cinq heures de l'apr��s-midi pendant l'��t��, l'aristocratie napolitaine fait corso.
Nous allons donc abandonner la description des palais de Chiaja �� quelque honn��te architecte qui nous prouvera que l'art de la batisse a fait de grands progr��s depuis Michel-Ange
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