Le Corricolo | Page 7

Alexandre Dumas, père
corricolo n'a mang�� d'avoine!
--Mais de quoi vivent-ils?
--De ce qu'ils trouvent?
--Et que trouvent-ils?
--Toutes sortes de choses, des trognons de choux, des feuilles de salade, de vieux chapeaux de paille.
--Et �� quelle heure prennent-ils leur aliment?
--La nuit on les m��ne pa?tre.
--A merveille. Restent les harnais.
--Oh! quant �� cela, je m'en charge.
--Et des chevaux?
--Des chevaux aussi.
--Et du corricolo?
--Encore, si cela peut vous rendre service.
--Et quand tout cela sera-t-il pr��t?
--Demain au matin.
--Vous ��tes un homme adorable!
--Vous faut-il un cocher?
--Non, je conduirai moi-m��me.
--Tr��s bien. Mais en attendant, que ferez-vous?
--Avez-vous un livre?
--J'ai douze cents volumes.
--Eh bien! je lirai. Avez-vous quelque chose sur votre ville?
--Voulez-vous Napoli senza sole?
--Naples sans soleil?
--Oui.
--Qu'est-ce que c'est que cela?
--Un ouvrage �� l'usage des gens �� pied, et qui vous sera plus utile que tous les Ebels et tous les Richards de la terre.
--Et de quoi traite-t-il?
--De la mani��re de parcourir Naples �� l'ombre.
--La nuit.
--Non, le jour.
--A une heure donn��e?
--Non, �� toutes les heures.
--M��me �� midi?
--A midi surtout. Le beau m��rite qu'il y aurait de trouver de l'ombre le soir et le matin!
--Mais quel est le savant g��ographe qui a ex��cut�� ce chef-d'oeuvre?
--Un j��suite ignorant, que ses confr��res avaient reconnu trop b��te pour l'occuper �� autre chose.
--Et cette besogne l'a occup�� combien d'ann��es?
--Toute sa vie... C'est une publication posthume.
--Moyennant laquelle on peut, dites-vous?...
--Partir d'o�� on voudra et aller o�� cela fera plaisir, �� quelque instant de la matin��e ou �� quelque heure de l'apr��s-midi que ce soit, sans avoir �� traverser un seul rayon de soleil.
--Mais voil�� un homme qui m��ritait d'��tre canonis��!
--On ne sait pas son nom.
--Ingratitude humaine!
--Alors ce livre vous convient?
--Comment donc! c'est un tr��sor. Envoyez-le-moi le plus t?t possible.
Je passai la journ��e �� ��tudier ce pr��cieux itin��raire: deux heures apr��s, je connaissais mon Naples sans soleil, et je serais all�� �� l'ombre du ponte della Maddalena au Pausilippe, et de la Vuaria �� Saint-Elmo.
Le soir vint, et avec le soir la fra?cheur. Alors, �� cette douce brise de mer, on vit toutes les fen��tres s'ouvrir comme pour respirer. Les portes roul��rent sur leurs gonds, les voitures commenc��rent �� sortir, Chiaja se peupla d'��quipages, et la Villa-Reale de pi��tons.
Je n'avais pas encore mon ��quipage, je me m��lai aux pi��tons.
La Villa-Reale fait face �� l'h?tel de la Victoire; c'est la promenade de Naples. Elle est situ��e, relativement �� la rue de Chiaja, comme le jardin des Tuileries �� la rue de Rivoli. Seulement, au lieu de la terrasse du bord de l'eau, c'est la plage de l'Arno; au lieu de la Seine, c'est la M��diterran��e; au lieu du quai d'Orsay, c'est l'��tendue, c'est l'espace, c'est l'infini.
La Villa-Reale est, sans contredit, la plus belle et surtout la plus aristocratique promenade du monde. Les gens du peuple, les paysans et les laquais en sont rigoureusement exclus et n'y peuvent mettre le pied qu'une fois l'an, le jour de la f��te de la Madone du Pied-de-la-Grotte. Aussi ce jour-l�� la foule se presse-t-elle sous ses all��es d'acacias, dans ses bosquets de myrtes, autour de son temple circulaire. Chacun, homme et femme, accourt de vingt lieues �� la ronde avec son costume national; Ischia, Capr��e, Castellamare, Sorrente, Procida, envoient en d��putation leurs plus belles filles, et la solennit�� de ce jour est si grande, si ardemment attendue, qu'il est d'habitude de faire dans les contrats de mariage une obligation au mari de conduire sa femme �� la promenade de la Villa-Reale, le 8 septembre de chaque ann��e, jour de la f��te della Madona di Pie-di-Grotta.
Tout au contraire des Tuileries, d'o�� l'on renvoie le public au moment o�� il est le plus agr��able de s'y promener, la Villa-Reale reste ouverte toute la nuit. Les grandes grilles se ferment, il est vrai, mais deux petites portes d��rob��es offrent aux promeneurs attard��s une entr��e et une sortie toujours praticables �� quelque heure que ce soit.
Nous restames jusqu'�� minuit assis sur le mur que vient battre la vague. Nous ne pouvions nous lasser de regarder cette mer limpide et azur��e que nous venions de sillonner en tous sens et �� laquelle nous allions dire adieu. Jamais elle ne nous avait paru si belle.
En entrant �� l'h?tel, nous trouvames M. Martin Zir, qui nous pr��vint que toutes les commissions dont nous l'avions charg�� ��taient faites, et que le lendemain notre attelage nous attendrait �� huit heures du matin �� la porte de l'h?tel.
Effectivement, �� l'heure dite, nous entend?mes sonner les grelots de nos revenans; nous m?mes le nez �� la fen��tre, et nous v?mes le roi des corricoli.
Il ��tait fond rouge avec des dessins verts. Ces dessins repr��sentaient des arbres, des animaux et des arabesques. La composition g��n��rale repr��sentait le paradis terrestre.
Deux chevaux qui paraissaient pleins d'impatience disparaissaient sous les harnais, sous les panaches, sous les pompons dont ils ��taient couverts.
Enfin un homme, arm�� d'un long fouet, se tenait debout pr��s de notre ��quipage, qu'il paraissait admirer avec toute la satisfaction
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