Le Corricolo | Page 3

Alexandre Dumas, père
en secouant la t��te, puis il ��tait remont�� �� son troisi��me ��tage.
Un instant apr��s il ��tait redescendu et avait rendu le tranchelard au chef en disant:
--Plus grand, plus grand!
Le chef avait alors ouvert tous ses tiroirs, et ayant d��couvert un coutelas dont il ne se servait lui-m��me que dans les grandes occasions, il l'avait remis �� son confr��re. Celui-ci avait regarde le coutelas avec la m��me attention qu'il avait fait du tranchelard, et, apr��s avoir r��pondu par un signe de t��te qui voulait dire: ?Hum! ce n'est pas encore cela qu'il me faudrait, mais cela se rapproche,? il ��tait remont�� comme la premi��re fois.
Cinq minutes apr��s, le n��gre redescendit de nouveau, et, rendant le coutelas au chef:
--Plus grand encore, lui dit-il.
--Et pourquoi diable avez-vous besoin d'un couteau plus grand que celui-ci? demanda le chef.
--Moi en avoir besoin, r��pondit dogmatiquement le n��gre.
--Mais pour quoi faire?
--Pour moi couper la t��te �� Osmin.
--Comment! s'��cria le chef, pour toi couper la t��te �� Osmin.
--Pour moi couper la t��te �� Osmin, r��pondit le n��gre.
--A Osmin, le chef des eunuques de Sa Hautesse?
--A Osmin, le chef des eunuques de Sa Hautesse.
--A Osmin que le dey aime tant?
--A Osmin que le dey aime tant.
--Mais vous ��tes fou, mon cher! Si vous coupez la t��te �� Osmin, Sa Hautesse sera furieuse.
--Sa Hautesse l'a ordonn�� �� moi.
--Ah diable! c'est diff��rent alors.
--Donnez donc un autre couteau �� moi, reprit le n��gre, qui revenait �� son id��e avec la persistance de l'ob��issance passive.
--Mais qu'a fait Osmin? demanda le chef.
--Donnez un autre couteau �� moi, plus grand, plus grand.
--Auparavant, je voudrais savoir ce qu'a fait Osmin.
--Donnez un autre couteau �� moi, plus grand, plus grand, plus grand encore!
--Eh bien! je te le donnerai ton couteau, si tu me dis ce qu'a fait Osmin.
--Il a laiss�� faire un trou dans le mur.
--A quel mur?
--Au mur du harem.
--Et apr��s?
--Le mur, il ��tait celui de Za?da.
--La favorite de Sa Hautesse?
--La favorite de Sa Hautesse.
--Eh bien?
--Eh bien! un homme est entr�� chez Za?da.
--Diable!
--Donnez donc un grand, grand, grand couteau �� moi pour couper la t��te �� Osmin.
--Pardon; mais que fera-t-on �� Za?da?
--Sa Hautesse aller promener dans le golfe avec un sac, Za?da ��tre dans ce sac, Sa Hautesse jeter le sac �� la mer... Bonsoir, Za?da.
Et le n��gre montra, en riant de la plaisanterie qu'il venait de faire, deux rang��es de dents blanches comme des perles.
--Mais quand cela? reprit le chef.
--Quand, quoi? demanda le n��gre.
--Quand jette-t-on Za?da �� la mer?
--Aujourd'hui. Commencer par Osmin, finir par Za?da.
--Et c'est toi qui t'es charg�� de l'ex��cution?
--Sa Hautesse a donn�� l'ordre �� moi, dit le n��gre en se redressant avec orgueil.
--Mais c'est la besogne du bourreau et non la tienne.
--Sa Hautesse pas avoir eu le temps d'emmener son bourreau, et il a pris cuisinier �� lui. Donnez donc �� moi un grand couteau pour couper la t��te �� Osmin.
--C'est bien, c'est bien, interrompit le chef; on va te le chercher, ton grand couteau. Attends-moi ici.
--J'attends vous, dit le n��gre.
Le chef courut chez M. Martin Zir et lui transmit la demande du cuisinier de Sa Hautesse.
M. Martin Zir courut chez Son Excellence le ministre de la police, et le pr��vint de ce qui se passait �� son h?tel.
Son Excellence fit mettre les chevaux �� sa voiture et se rendit chez le dey.
Il trouva Sa Hautesse �� demi couch��e sur un divan, le dos appuy�� �� la muraille, fumant du lataki�� dans un chibouque, une jambe repli��e sous lui et l'autre jambe ��tendue, se faisant gratter la plante du pied par un icoglan et ��venter par deux esclaves.
Le ministre fit les trois saluts d'usage, le dey inclina la t��te.
--Hautesse, dit Son Excellence, je suis le ministre de la police.
--Je te connais, r��pondit le dey.
--Alors, Votre Hautesse se doute du motif qui m'am��ne.
--Non. Mais n'importe, sois le bien-venu.
--Je viens pour emp��cher Votre Hautesse de commettre un crime.
--Un crime! Et lequel? dit le dey, tirant son chibouque de ses l��vres et regardant son interlocuteur avec l'expression du plus profond ��tonnement.
--Lequel? Votre Hautesse le demande! s'��cria le ministre. Votre Hautesse n'a-t-elle pas l'intention de faire couper la t��te �� Osmin?
--Couper la t��te �� Osmin n'est point un crime, reprit le dey.
--Votre Hautesse n'a-t-elle pas l'intention de jeter Za?da �� la mer?
--Jeter Za?da �� la mer n'est point un crime, reprit encore le dey.
--Comment! ce n'est point un crime de jeter Za?da �� la mer et de couper la t��te �� Osmin?
--J'ai achet�� Osmin cinq cents piastres et Za?da mille sequins, comme j'ai achet�� cette pipe cent ducats.
--Eh bien! demanda le ministre, o�� Votre Hautesse en veut-elle venir?
--Que, comme cette pipe m'appartient, je puis la casser en dix morceaux, en vingt morceaux, en cinquante morceaux, si cela me convient, et que personne n'a rien �� dire. Et le pacha cassa sa pipe, dont il jeta les d��bris dans la chambre.
--Bon pour une pipe, dit le ministre;
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