Le Corricolo | Page 4

Alexandre Dumas, père
mais Osmin, mais Za?da!
--Moins qu'une pipe, dit gravement le dey.
--Comment, moins qu'une pipe! Un homme moins qu'une pipe! Une femme moins qu'une pipe!
--Osmin n'est pas un homme. Za?da n'est point une femme: ce sont des esclaves. Je ferai couper la t��te �� Osmin, et je ferai jeter Za?da �� la mer.
--Non, dit Son Excellence.
--Comment, non! s'��cria le pacha avec un geste de menace.
--Non, reprit le ministre, non; pas �� Naples du moins.
--Giaour, dit le dey, sais-tu comment je m'appelle?
--Vous vous appelez Hussein-Pacha.
--Chien de chr��tien! s'��cria le dey avec une col��re croissante; sais-tu qui je suis?
--Vous ��tes l'ex-dey d'Alger, et moi je suis le ministre actuel de la police de Naples.
--Et cela veut dire? demanda le dey.
--Cela veut dire que je vais vous envoyer en prison si vous faites l'impertinent, entendez-vous, mon brave homme? r��pondit le ministre avec le plus grand sang-froid.
--En prison! murmura le dey en retombant sur son divan.
--En prison, dit le ministre.
--C'est bien, reprit Hussein. Ce soir je quitte Naples.
--Votre Hautesse est libre comme l'air, r��pondit le ministre.
--C'est heureux, dit le dey.
--Mais �� une condition cependant.
--Laquelle?
--C'est que Votre Hautesse me jurera sur le proph��te qu'il n'arrivera malheur ni �� Osmin ni �� Za?da.
--Osmin et Za?da m'appartiennent, dit le dey, j'en ferai ce que bon me semblera.
--Alors Votre Hautesse ne partira point.
--Comment, je ne partirai point!
--Non, du moins avant de m'avoir remis Osmin et Za?da.
--Jamais! s'��cria le dey.
--Alors je les prendrai, dit le ministre.
--Vous les prendrez? vous me prendrez mon eunuque et mon esclave?
--En touchant le sol de Naples, votre esclave et votre eunuque sont devenus libres. Vous ne quitterez Naples qu'�� la condition que les deux coupables seront remis �� la justice du roi.
--Et si je ne veux pas vous les remettre, qui m'emp��chera de partir?
--Moi.
--Vous?
Le pacha porta la main �� son poignard; le ministre lui saisit le bras au dessus du poignet.
--Venez ici, lui dit-il en le conduisant vers la fen��tre, regardez dans la rue. Que voyez-vous �� la porte de l'h?tel?
--Un peloton de gendarmerie.
--Savez-vous ce que le brigadier qui le commande attend? Que je lui fasse un signe pour vous conduire en prison.
--En prison, moi? je voudrais bien voir cela!
--Voulez-vous le voir?
Son Excellence fit un signe: un instant apr��s, on entendit retentir dans l'escalier le bruit de deux grosses bottes garnies d'��perons. Presque aussit?t la porte s'ouvrit, et le brigadier parut sur le seuil, la main droite �� son chapeau, la main gauche �� la couture de sa culotte.
--Gennaro, lui dit le ministre de la police, si je vous donnais l'ordre d'arr��ter monsieur et de le conduire en prison, y verriez-vous quelque difficult��?
--Aucune, Excellence.
--Vous savez que monsieur s'appelle Hussein-Pacha?
--Non, je ne le savais pas.
--Et que monsieur n'est ni plus ni moins que le dey d'Alger?
--Qu'est-ce que c'est que ?a, le dey d'Alger?
--Vous voyez, dit le ministre.
--Diable! fit le dey.
--Faut-il? demanda Gennaro en tirant une paire de poucettes de sa poche et en s'avan?ant vers Hussein-Pacha, qui, le voyant faire un pas en avant, fit de son c?t�� un pas en arri��re.
--Non, il ne le faut pas, dit le ministre. Sa Hautesse sera bien sage. Seulement cherchez dans l'h?tel un certain Osmin et une certaine Za?da, et conduisez-les tous les deux �� la pr��fecture.
--Comment, comment, dit le dey, cet homme entrerait dans mon harem!
--Ce n'est pas un homme ici, r��pondit le ministre; c'est un brigadier de gendarmerie.
--N'importe. Il n'aurait qu'�� laisser la porte ouverte!
--Alors il y a un moyen. Faites-lui remettre Osmin et Za?da.
--Et ils seront punis? demanda le dey.
--Selon toute la rigueur de nos lois, r��pondit le ministre.
--Vous me le promettez?
--Je vous le jure.
--Allons, dit le dey, il faut bien en passer par o�� vous voulez, puisqu'on ne peut pas faire autrement.
--A la bonne heure, dit le ministre; je savais bien que vous n'��tiez pas aussi m��chant que vous en aviez l'air.
Hussein-Pacha frappa dans ses mains; un esclave ouvrit une porte cach��e dans la tapisserie.
--Faites descendre Osmin et Za?da, dit le dey.
L'esclave croisa les mains sur sa poitrine, courba la t��te et s'��loigna sans r��pondre un mot. Un instant apr��s il reparut avec les coupables.
L'eunuque ��tait une petite boule de chaire, grosse, grasse, ronde, avec des mains de femme, des pieds de femme, une figure de femme.
Za?da ��tait une Circassienne, aux yeux peints avec du cool, aux dents noircies avec du b��tel, aux ongles rougis avec du henn��.
En apercevant Hussein-Pacha, l'eunuque tomba �� genoux, Za?da releva la t��te. Les yeux du dey ��tincel��rent, et il porta la main �� son canjiar. Osmin palit, Za?da sourit.
Le ministre se pla?a entre le pacha et les coupables.
--Faites ce que j'ai ordonn��, dit-il en se retournant vers Gennaro.
Gennaro s'avan?a vers Osmin et vers Za?da, leur mit �� tous deux les poucettes et les emmena.
Au moment o�� ils quittaient la chambre avec le brigadier, Hussein poussa un soupir qui ressemblait �� un rugissement.
Le ministre de la police alla vers la fen��tre,
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