Le Collier de la Reine, Tome II | Page 8

Alexandre Dumas, père
comme je l'avais cru. Je vous renverrai donc en Auvergne.
La menace fit son effet. Charny, criant, hurlant, d��lirant et gesticulant, fut enlev�� comme une plume par l'Auvergnat �� la vue des gardes du corps.
Ceux-ci questionnaient Louis et l'entouraient.
--Messieurs, dit le docteur en criant plus fort que Charny pour couvrir ses cris, vous entendez bien que je n'irai pas faire une lieue toutes les heures pour visiter ce malade que le roi m'a confi��. Votre galerie est au bout du monde.
--O�� le conduisez-vous, alors, docteur?
--Chez moi, comme un paresseux que je suis. J'ai ici, vous le savez, deux chambres; je le coucherai dans l'une d'elles, et apr��s-demain, si personne ne se m��le de lui, je vous en rendrai compte.
--Mais, docteur, dit l'officier, je vous assure qu'ici le malade est tr��s bien; nous aimons tous monsieur de Suffren, et....
--Oui, oui, je connais ces soins-l�� de camarade �� camarade. Le bless�� a soif, on est bon pour lui; on lui donne �� boire et il meurt. Au diable les bons soins de messieurs les gardes! On m'a tu�� ainsi dix malades.
Le docteur parlait encore que d��j�� Olivier ne pouvait plus ��tre entendu.
--Oui-da! poursuivit le digne m��decin, c'est fort bien fait, c'est puissamment raisonn��. Il n'y a qu'un malheur �� cela, c'est que le roi voudra voir le malade.... Et s'il le voit... il l'entendra.... Diable! il n'y a pas �� h��siter. Je vais pr��venir la reine, elle me donnera un conseil.
Le bon docteur ayant pris cette r��solution avec cette promptitude d'homme �� qui la nature compte les secondes, inonda d'eau fra?che le visage du bless��, le pla?a dans un lit de fa?on qu'il ne se tuat pas en remuant ou en tombant. Il mit un cadenas aux volets, ferma la porte de la chambre �� double tour, et, la clef dans sa poche, se rendit chez la reine, apr��s s'��tre assur��, en ��coutant au dehors, que pas un des cris d'Olivier ne pouvait ��tre per?u ou compris.
Il va sans dire que, pour plus de pr��caution, l'Auvergnat ��tait enferm�� avec le malade.
Il trouva juste �� cette porte madame de Misery, que la reine exp��diait pour prendre des nouvelles du bless��.
Elle insistait pour entrer.
--Venez, venez, madame, dit-il, je sors.
--Mais, docteur, la reine attend!
--Je vais chez la reine, madame.
--La reine d��sire....
--La reine en saura tout autant qu'elle en d��sire savoir, c'est moi qui vous le dis, madame. Allons.
Et il fit si bien, qu'il for?a la dame de Marie-Antoinette �� courir pour arriver en m��me temps que lui.

Chapitre LI
Aegri somnia[2]
[Note 2: ?R��ve douloureux?.]
La reine attendait la r��ponse de madame de Misery, elle n'attendait pas le docteur.
Celui-ci entra avec sa familiarit�� accoutum��e.
--Madame, dit-il tout haut, le malade, auquel le roi et Votre Majest�� s'int��ressent, va aussi bien qu'on va quand on a la fi��vre.
La reine connaissait le docteur; elle savait toute son horreur pour les gens qui, disait-il, poussent des cris entiers quand ils ressentent des demi-souffrances.
Elle se figura que monsieur de Charny avait un peu outr�� sa position. Les femmes fortes sont dispos��es �� trouver faibles les hommes forts.
--Le bless��, dit-elle, est un bless�� pour rire.
--Eh! eh! fit le docteur.
--Une ��gratignure.
--Mais non, non, madame; enfin, ��gratignure ou blessure, tout ce que je sais, c'est qu'il a la fi��vre.
--Pauvre gar?on! Une fi��vre assez forte?
--Une fi��vre terrible.
--Bah! fit la reine avec effroi; je ne pensais pas que, comme cela... tout de suite... la fi��vre....
Le docteur regarda un moment la reine.
--Il y a fi��vre et fi��vre, r��pliqua-t-il.
--Mon cher Louis, tenez, vous m'effrayez. Vous qui d'ordinaire ��tes si rassurant, je ne sais vraiment ce que vous avez ce soir.
--Rien d'extraordinaire.
--Ah! par exemple! Vous vous retournez, et vous regardez de droite et de gauche, vous avez l'air d'un homme qui voudrait me confier un grand secret.
--Eh! qui dit non?
--Vous voyez bien; un secret �� propos de fi��vre!
--Mais oui.
--De la fi��vre de monsieur de Charny.
--Mais oui.
--Et vous me cherchez pour ce secret?
--Mais oui.
--Vite au fait. Vous savez que je suis curieuse. Tenez commen?ons par le commencement.
--Comme Petit-Jean, n'est-ce pas?
--Oui, mon cher docteur.
--Eh bien! madame....
--Eh bien! j'attends, docteur.
--Non, c'est moi qui attends.
--Quoi?
--Que vous me questionniez, madame. Je ne raconte pas bien, mais si on me fait des demandes, je r��ponds comme un livre.
--Eh bien! je vous ai demand�� comment va la fi��vre de monsieur de Charny.
--Non, c'est mal d��but��. Demandez-moi d'abord comment il se fait que monsieur de Charny soit chez moi, dans une de mes deux petites chambres, au lieu d'��tre dans la galerie ou dans le poste de l'officier des gardes.
--Soit, je vous le demande. En effet, c'est ��tonnant.
--Eh bien! madame, je n'ai pas voulu laisser monsieur de Charny dans cette galerie, dans ce poste, comme vous voudrez, parce que monsieur de Charny n'est pas un fi��vreux ordinaire.
La reine fit un geste de surprise.
--Que voulez-vous dire?
--Monsieur de Charny, quand il a la fi��vre, d��lire tout de suite.
--Oh! fit la reine, en joignant
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