Le Collier de la Reine, Tome II | Page 5

Alexandre Dumas, père
les mains:
--Ne me trompez pas, dit-il, songez qu'avec un mot, vous pouvez faire de moi le dernier des hommes.
--On ne joue pas avec des passions, monseigneur; c'est bon avec le ridicule; et les hommes de votre rang et de votre m��rite ne peuvent jamais ��tre ridicules.
--C'est vrai. Alors ce que vous me dites....
--Est l'exacte v��rit��.
--J'ai un secret avec la reine?
--Un secret... mortel.
Le cardinal courut �� Jeanne, et lui serra la main tendrement.
--J'aime cette poign��e de main, dit la comtesse, elle est d'un homme �� un homme.
--Elle est d'un homme heureux �� un ange protecteur.
--Monseigneur, n'exag��rez rien.
--Oh! si fait, ma joie, ma reconnaissance... jamais....
--Mais vous exag��rez l'une et l'autre. Pr��ter un million et demi �� la reine, n'est-ce pas cela qu'il vous fallait?
Le cardinal soupira.
--Buckingham e?t demand�� autre chose �� Anne d'Autriche, monseigneur, apr��s ses perles sem��es sur le parquet de la chambre royale.
--Ce que Buckingham a eu, comtesse, je ne veux pas m��me le souhaiter, f?t-ce en r��ve.
--Vous vous expliquerez de cela, monseigneur, avec la reine, car elle m'a donn�� ordre de vous avertir qu'elle vous verrait avec plaisir �� Versailles.
L'imprudente n'eut pas plut?t laiss�� ��chapper ces mots, que le cardinal blanchit comme un adolescent sous le premier baiser d'amour.
Le fauteuil qui se trouvait �� sa port��e, il le prit en tatonnant comme un homme ivre.
--Ah! ah! pensa Jeanne, c'est encore plus s��rieux que je ne croyais; j'avais r��v�� le duch��, la pairie, cent mille livres de rente, j'irai jusqu'�� la principaut��, jusqu'au demi million de rente; car monsieur de Rohan ne travaille ni par ambition, ni par avarice, il travaille par amour!
Monsieur de Rohan se remit vite. La joie n'est pas une maladie qui dure longtemps, et comme c'��tait un esprit solide, il jugea convenable de parler affaire avec Jeanne, afin de lui faire oublier qu'il venait de parler amour.
Elle le laissa faire.
--Mon amie, dit-il en serrant Jeanne dans ses bras, que pr��tend faire la reine de ce pr��t que vous lui avez suppos��?
--Vous me demandez cela parce que la reine est cens��e n'avoir pas d'argent?
--Tout juste.
--Eh bien! elle pr��tend vous payer comme si elle payait Boehmer, avec cette diff��rence que si elle avait achet�� de Boehmer, tout Paris le saurait, chose impossible depuis le fameux mot du vaisseau, et que si elle faisait faire la moue au roi, toute la France ferait la grimace. La reine veut donc avoir en d��tail les diamants, et les payer en d��tail. Vous lui en fournirez l'occasion; vous ��tes pour elle un caissier discret, un caissier solvable, dans le cas o�� elle se trouverait embarrass��e, voil�� tout; elle est heureuse et elle paie, n'en demandez pas davantage.
--Elle paie. Comment?
--La reine, femme qui comprend tout, sait bien que vous avez des dettes, monseigneur; et puis elle est fi��re, ce n'est pas une amie qui re?oive des pr��sents.... Quand je lui ai dit que vous aviez avanc�� deux cent cinquante mille livres....
--Vous le lui avez dit?
--Pourquoi pas?
--C'��tait lui rendre tout de suite l'affaire impossible.
--C'��tait lui procurer le moyen, la raison de l'accepter. Rien pour rien, voil�� la devise de la reine.
--Mon Dieu!
Jeanne fouilla tranquillement dans sa poche et en tira le portefeuille de Sa Majest��.
--Qu'est cela? dit monsieur de Rohan.
--Un portefeuille qui renferme des billets de caisse pour deux cent cinquante mille livres.
--Mais....
--Et la reine vous les adresse avec un beau merci.
--Oh!
--Le compte y est. J'ai compt��.
--Il s'agit bien de cela.
--Mais que regardez-vous?
--Je regarde ce portefeuille, que je ne vous connaissais pas.
--Il vous pla?t. Cependant il n'est ni beau ni riche.
--Il me pla?t, je ne sais pourquoi.
--Vous avez bon go?t.
--Vous me raillez? En quoi dites-vous que j'ai bon go?t?
--Sans doute, puisque vous avez le m��me go?t que la reine.
--Ce portefeuille....
--��tait �� la reine, monseigneur....
--Y tenez-vous?
--Oh! beaucoup.
Monsieur de Rohan soupira.
--Cela se con?oit, dit-il.
--Cependant, s'il vous faisait plaisir, dit la comtesse avec ce sourire qui perd les saints.
--Vous n'en doutez pas, comtesse; mais je ne veux pas vous en priver.
--Prenez-le.
--Comtesse! s'��cria le cardinal entra?n�� par sa joie, vous ��tes l'amie la plus pr��cieuse, la plus spirituelle, la plus....
--Oui, oui.
--Et c'est entre nous....
--�� la vie, �� la mort! on dit toujours cela. Non, je n'ai qu'un m��rite.
--Lequel donc?
--Celui d'avoir fait vos affaires avec assez de bonheur et avec beaucoup de z��le.
--Si vous n'aviez que ce bonheur-l��, mon amie, je dirais que je vous vaux presque, attendu que moi, tandis que vous alliez �� Versailles, pauvre ch��re, j'ai aussi travaill�� pour vous.
Jeanne regarda le cardinal avec surprise.
--Oui, une mis��re, fit-il. Un homme est venu, mon banquier, me proposer des actions sur je ne sais quelle affaire de marais �� dess��cher ou �� exploiter.
--Ah!
--C'��tait un profit certain; j'ai accept��.
--Et bien vous f?tes.
--Oh! vous allez voir que je vous place toujours dans ma pens��e au premier rang.
--Au deuxi��me, c'est encore plus que je ne m��rite. Mais voyons.
--Mon banquier m'a donn�� deux cents actions, j'en ai pris le quart pour vous,
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